Soumis à AlterPresse le 7 avril 2009
Position concernant les fonds Duvalier dans les banques suisses
Les organisations soussignées, qui, depuis plusieurs années, ont accompagné le cheminement de la procédure concernant les fonds Duvalier existant encore dans les banques suisses, expriment ici leur position quant à la remise de ces fonds et leur utilisation.
Premièrement, la remise de ces fonds à l’État haïtien ne saurait être accompagnée de conditions imposées de l’extérieur. Seul l’État, en représentation du peuple haïtien, doit assumer la responsabilité de ces fonds qui lui sont remis et de veiller scrupuleusement à la gestion et l’utilisation qui en seront faites, et en rendre compte à la nation.
Deuxièmement, la dictature des Duvalier, reconnue comme l’une des plus brutales de la deuxième partie du XX e siècle, a systématiquement utilisé la détention dans des conditions abominables comme l’un des moyens les plus efficaces pour controler la population et se maintenir au pouvoir. Certaines prisons, comme la tristement célèbre « Fort Dimanche », face à la Croix-des Bossales, peuvent être sans réserve qualifiées de « camps d’extermination ».
Aujourd’hui, il faut constater, plus de 20 ans après le départ des Duvalier, que les efforts pour instaurer l’Etat de droit ne se sont pas portés, comme il aurait fallu,sur le système pénitentiaire qui accuse encore l’héritage légué par le régime précédent.
Les séquelles de ce dernier continuent à se faire sentir, en particulier dans les prisons et centres de détention dont les conditions inqualifiables ont été amplement documentées et dénoncées par des rapports officiels d’organisations locales ou de gouvernements et d’institutions internationales, comme l’Institut Vera et celui, tout récent, du Département d’État des États-Unis d’Amérique (EUA), pour ne citer que ceux-là.
C’est pourquoi, selon les organisations soussignées, ce qui reste de l’argent, provenant des détournements de fonds par la famille Duvalier, devrait servir, en priorité, à humaniser les conditions d’existence des personnes détenues actuellement dans les prisons du pays pour les amener au niveau requis par les normes internationales.
Que les fonds Duvalier soient utilisés à ces fins manifesterait symboliquement, éthiquement, la volonté de rupture avec l’héritage associé à ce nom et tout ce qui avait été conçu et utilisé pour violenter et anéantir la personne humaine.
Cette destination des fonds Duvalier, pour la normalisation des conditions d’emprisonnement et de détention, nous paraît représenter un acte de profonde humanité qui serait soutenu par la nation tout entière.
Ainsi soit fait.
Ont signé, à Port-au-Prince, le 30 mars 2009
Centre œcuménique des droits humains (Cedh), Jean-Claude Bajeux
Commission épiscopale nationale Justice et Paix (Jilap) de l’église catholique romaine, Père Jean Hannssens
La Fondation Héritage pour Haiti (LFHH), section haitienne de Transparency International, Marilyn Allien
Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr), Serge Lamothe