Soumis à AlterPresse le 1er avril 2009
Par Pierre-Richard Cajuste
Le mardi 14 Avril 2009, se tiendra à Washington la conférence des bailleurs sur Haïti.
Cela fait plus d’un an que cette importante rencontre est attendue par le gouvernement haïtien et les pays amis d’Haïti. Le document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (Dsncrp), qui constitue un préalable à cette démarche, est prêt depuis belle lurette.
Dans l’intervalle, il y a eu le rapport de l’économiste britannique, professeur à Oxford University, Paul Collier, qui a déjà soulevé tant de remous au niveau de la société haïtienne, alors que ce que dit le rapport pourrait constituer, en toute éventualité, un additif important pour le document. Il y a lieu aussi de signaler le rapport d’évaluation des besoins après désastres (PDNA) qui identifie, de manière péremptoire, les besoins fondamentaux auxquels fait face le pays.
Cette conférence aura lieu, à Washington, dans un contexte international très difficile, compte tenu de la récession économique qui sévit dans le monde. Les pays moins avancés (Pma), comme Haïti, vont peut-être faire face à une réduction de leur aide publique au développement et, par-dessus tout, à une réduction au niveau des transferts émanant de la diaspora.
Toutefois, en observant ce qui se dit et ce qui se fait par rapport à Haïti, on peut déjà présumer que le « momentum » semble être toujours présent. Les velléités de la communauté internationale d’aider Haïti à briser l’impasse continuent de s’exprimer : on en a pour exemple la récente visite du Secrétaire Général des Nations Unies, Ban ki Moon, de l’ex président américain, Bill Clinton, accompagné de plusieurs potentiels investisseurs, le séjour prolongé du Conseil de Sécurité etc…On apprend aussi que la rencontre entre la Gouverneure Générale du Canada, Michaelle Jean, et le président américain Barack Obama n’a pas laissé au vestiaire le problème haïtien.
De plus, si on veut pousser l’analyse beaucoup plus loin, on dira même qu’Haïti, pour des raisons diverses, constitue vraiment un « case study ». Un pays, comme a dit le Professeur Collier dans une entrevue, qui peut être un « success story » pour la communauté internationale.
A date, il va sans dire qu’il n’y a pas réellement une approche doctrinaire sur la problématique des états fragiles, ni sur les diverses stratégies de construction de l’État et de la Nation. A ce stade, il est clair, pour bon nombre d’Haïtiens, que cette tâche revient d’abord au gouvernement, au secteur privé, à la société civile en général, de dégager cette vision commune.
Il faut toutefois noter qu’il serait difficile pour les bailleurs de mettre un montant appréciable et de respecter scrupuleusement les engagements qui vont être pris, pour des raisons liées, d’une part, à la crise financière internationale, d’autre part, à ce qu’on appelle dans le milieu onusien « donor fatigue », l’épuisement du pourvoyeur de fonds.
Pour plus d’un, la réduction de l’aide à l’appui budgétaire à Haïti pour l’année fiscale 2008 -2009 constitue déjà un signe avant-coureur du désengagement des partenaires techniques et financiers d’Haïti. Traditionnellement, le support budgétaire est assuré par l’Union Européenne, la Banque Mondiale, la France, la Banque Interaméricaine de Développement et l’Espagne. Si on s’en tient à la déclaration des pays donateurs, cette réduction ne doit pas être vue sous l’angle d’une diminution au niveau de l’assistance globale octroyée au pays. Cela est dû plutôt à une normalisation des rapports des bailleurs et au fait qu’Haïti n’est plus dans des situations d’exception.
Malgré tout, face à cette incertitude en matière d’appui budgétaire, le gouvernement haïtien devrait orienter des démarches vers d’autres pays, comme les pays scandinaves, le Japon .... pour combler le manque à gagner au niveau du budget national.
Une fois de plus, Haïti se retrouve dans un carrefour historique très important.
Cependant, l’apaisement politique, la paix sociale, combien fragiles déjà acquis, peuvent être éclaboussés d’un jour à l’autre si rien de concret ne se réalise pour sortir le pays de ce marasme économico-social. D’ailleurs, mis à part le statut de pays à faible revenu, les désastres causés par les quatre cyclones qui ont frappé cette nation en 2008 accusant ainsi une perte de 15 % du Produit intérieur brut (Pib), près de 900 000 000 de dollars US, accentuent la fragilité de toutes actions orientées vers le développement.
Les actions pour accroître le niveau du Pib demeurent très difficiles, avec une pression fiscale autour de 10%, alors que les pays qui ont le même niveau d’Haïti sont à 18 %. Cela exige une rigueur exceptionnelle de la part des autorités. Définitivement, il y a là loin de la coupe aux lèvres.
Signalons, quand même, que les recettes pour l’année fiscale 2007-2008 ont connu une augmentation significative de 40 %, grâce à un effort de collecte plus soutenu et une meilleure organisation. On a intérêt à tenir la barque dans cette bonne direction. Ce gouvernement, le moins qu’on puisse dire, se caractérise par un déficit de communications très grave. Très peu a été dit jusqu’ici sur la nécessité d’élargir l’assiette fiscale.
Face à la complexité de l’heure et eu égard aux difficultés tant externes qu’internes, tout dépendra de ce que Haïti va déposer sur la table lors de cette conférence.
La mise en cohérence d’un plan d’actions pour le relèvement d’Haïti, sur une période de deux ans, - qui répond aux priorités en matière de sécurité alimentaire, de protection sociale, de protection des bassins versants, de création d’emplois - est plus qu’une nécessité. Dans cette optique, on pourrait bien utiliser le Dsncrp comme un outil de planification. Disons mieux, ce document, à coté de la question du point d’achèvement, rassemble tout un ensemble de priorités très pertinentes, sans oublier le PDNA, parce qu’il met l’emphase sur une approche originale, intégrée de la gestion des risques et des désastres, ainsi que le rapport Collier comme un vecteur de croissance dans l’immédiat, etc…
En tout état de fait, il faut toute une mise en branle, une mobilisation certaine sur une vision de société consensuelle, des stratégies réfléchies et des plans clairs pour tirer le maximum, tout en faisant un bon usage du statut de pays moins avancé (Pma).
D’ailleurs, pourquoi ne pas profiter de ce grand forum pour demander l’annulation de la dette bilatérale et multilatérale d’Haïti et d’un autre côté, de demander à la nouvelle administration d’Obama d’inscrire Haïti dans le « Millenium Challenge Account » ?
Pierre Richard Cajuste
cajuste2000@yahoo.com