Document reçu du Conseil National des Comités Populaires (CNCP) [1]
Soumis à AlterPresse le 5 mars 2009
Trois éléments sont à prendre en compte :
Depuis plus de deux ans, l’intersyndicale regroupant les principales organisations de travailleurs dans notre pays a mené un travail assidu pour élaborer une plate-forme de revendication consensuelle. Elle a organisé des assemblées de militants et des réunions régionales ouvertes au grand public pour expliquer et amender cette plate-forme. La grève reconductible décidée pour le 5 février a été minutieusement préparée dans les sections syndicales.
L’intense travail de conscientisation menée par les organisations politiques anticapitalistes et patriotiques a vu son impact largement augmenté quand les travailleurs ont découvert l’immense corruption gangrenant les milieux financiers et qui a été dévoilée à l’occasion de la crise, et quand ils ont constaté que les gouvernements qui les jetaient dans la misère et supprimaient les conquêtes sociales, ont annoncé le versement de milliards aux spéculateurs véreux responsables de la crise.
Le CNCP, pour sa part, avait multiplié les réunions publiques pour expliquer la crise, les raisons de la vie chère, les possibilités de changer les choses. (Voir APAL n°286 - Juillet 2008). D’autres partis tels le PCM avaient également pris des initiatives allant dans le même sens.
La surexploitation éhontée que notre peuple subit du fait de la domination coloniale a atteint des proportions inimaginables : marges commerciales de 400% ; augmentations massives quasi quotidiennes ; sans compter que le gouvernement de Sarkozy qui multiplie les cadeaux fiscaux aux plus riches a déclenché un racket fiscal de grande ampleur sur les familles martiniquaises. La vie était devenue tout simplement impossible !
Pourquoi les négociations piétinent-elles ?
Si, dans un premier temps, le gouvernement français avait semblé vouloir lâcher du lest et promis des réponses justes aux revendications, il est très vite revenu sur ses engagements. D’une part, parce qu’il s’est rendu compte que notre peuple mobilisé autour du collectif ne se contenterait pas de mesures en trompe l’œil, mais, d’autre part, parce qu’il redoute l’extension des mobilisations en France même. L’impact du mouvement, initié par les Guadeloupéens puis par les Martiniquais, dans les autres colonies et en France même, est conséquent. La manifestation de milliers de personnes à Paris, exprimait clairement la volonté de « suivre l’exemple des Antilles ».
C’est pour cela que le secrétaire d’Etat, Yves Jégo, a renié sa parole et sa signature en Guadeloupe ; c’est pour cela qu’il s’est permis de venir opposer à la plate-forme revendicative un catalogue de promesses fumeuses.
Cela est déjà inacceptable par principe, qu’après un mouvement d’une telle ampleur, le représentant du gouvernement entende balayer d’un revers de main des revendications élaborées par un peuple, pour imposer ce sur quoi il entend qu’on discute. Mais ce qui est plus grave c’est quand dans ses « propositions » reflètent le mépris et la condescendance à notre égard !
« Mise en place d’un plan d’action par le Préfet pour la promotion du créole » !!! (Point 25).
« Appui de l’Etat aux projets de valorisation des produits locaux, en particulier par la création d’un label « France Saveurs d’outre-mer » !!! (Point 29).
Entre l’annonce de la mise en place accélérée du RSA (dont le financement n’est pas encore envisagé), l’annonce de mesures ponctuelles (une prime de 200 euros, par exemple), on constate une série de déclarations d’intention sans aucun engagement concret de création de postes ou de modifications législatives. Des lignes budgétaires sont, comme à l’accoutumée, affichées sans que les mesures structurelles et à long terme revendiquées ne soient un seul instant envisagées. Mais nous disons tout cela pour information, car l’important n’est pas de peser ce qu’il y a de bon ou de pas bon dans les mesures Jégo, il est question de poursuivre la mobilisation pour la satisfaction de nos revendications.
Il va sans dire que sur chacun des points, l’Intersyndicale a des propositions précises pour répondre aux nécessités du terrain. Il faut ajouter à cela que la création du collectif du 5 février regroupant l’intersyndicale et les organisations qui l‘ont rejointe ont intégré la revendication unificatrice de la baisse des prix.
En ce qui concerne la baisse des prix
Dès les premiers jours de la négociation, les représentants de la grande distribution, dont les marges scandaleuses avaient été publiées dans les médias, avaient accepté une baisse de 20% sur cent produits de première nécessité. Par la suite, revenant sur leurs engagements, ils ont tenté de saboter les négociations en prétendant qu’il s’agissait non pas de cent familles de produits, mais de cent « articles » bien précis.
Par exemple la baisse ne s’appliquerait pas à tous les riz mais à l’un d’entre eux en particulier. On imagine que les articles concernés, mis à la disposition des clients, seraient bien vite des fonds de silo ou des fonds de cuve de mauvaise qualité, achetés à bas prix sur le marché international. Ces messieurs disposant, en outre, des moyens d’en limiter la quantité, de les installer aux pires positions et d’utiliser toutes les techniques de manipulation commerciale pour vendre les produits à prix élevé !
Le collectif, fort de la montée en puissance de la mobilisation et de l’engagement des élus Martiniquais, a pu imposer la signature d’un avenant confirmant que la baisse de 20% devra bien s’appliquer aux familles de produits.
Renforcer la mobilisation
Comme c’est le cas dans tous les mouvements sociaux qui bousculent le système, le gouvernement et les capitalistes parient sur le pourrissement de la situation et utilisent les médias pour démobiliser le peuple en lutte. On a pu entendre le Préfet déclarer que par les premières grandes manifestations, les Martiniquais avaient pu se faire entendre, et que pour ne pas affecter l’économie, il fallait que les choses reviennent à la normale.
On aurait donc oublié que les choses « normales » :
c’est la disparition des petites exploitations agricoles et artisanales,
c’est l’endettement des ménages,
ce sont les licenciements, la précarité des emplois et le chômage.
On aurait oublié, qu’avec ou sans grève, la dégradation du tissu économique s’accélère et s’approfondira encore du fait de la crise financière et économique mondiale et de l’entrée en récession des pays capitalistes, dont la France.
Au contraire : La seule façon d’arrêter la spirale et de redresser l’économie de notre pays, c’est de renforcer la mobilisation pour obtenir la satisfaction de nos revendications. Et chacun sait que rien de solide et de conséquent ne peut être obtenu sans lutte et sans sacrifices !
Les risques de répression
Il faut surtout que nous comprenions que les profiteurs du système ne lâcheront jamais du lest sans la pression populaire ; le gouvernement colonialiste français ne fera jamais le deuil de sa domination colonialiste et ne fera aucune concession significative sans y être obligé par un rapport de force inversé. Chacun peut constater que le gouvernement prend les dispositions correspondant aux différents cas de figure. Il n’hésitera pas un seul instant à faire usage de la répression s’il sent la situation lui échapper. C’est toute la rhétorique sur « la nécessité de « faire respecter l’Etat de droit ». En fait il s’agit de maintenir l’ordre colonial et l’Etat de passe droit !
Les médias sont utilisés pour discréditer le mouvement et pour semer inquiétude et division au sein de la population. L’exagération des inévitables difficultés ou des dérapages mineurs est systématique.
Le moment venu, l’Etat colonial sait trouver les prétextes pour déclencher la répression (en particulier par l’utilisation de provocateurs).
La mobilisation populaire constitue le principal rempart contre les velléités de répression des colonialistes. C’est aussi par cette mobilisation que notre peuple sera capable d’imposer le respect de notre droit à l’autodétermination.
Combattons toutes les divisions et organisons la résistance
La ferveur de l’unité populaire autour du Collectif du 5 février, le haut niveau de conscience, d’organisation du mouvement, expliquent le sentiment exprimé quasi unanimement, qu’une nouvelle page de notre histoire est en train de s‘écrire. Et, c’est vrai qu’aujourd’hui, une chance inespérée s’offre à nous d’agir pour améliorer nos conditions de vie et pour embellir notre futur. La concrétisation de cet espoir exige, d’une part, que se renforce la lutte contre toute forme de division qui pourrait affaiblir le mouvement et que, d’autre part, le travail d’organisation qui s’est révélé payant pour réussir la mobilisation soit prolongé et amplifié dans tous les aspects de notre vie, au delà même de la grève générale.
[1] Indépendantiste