P-au-P, 05 févr. 09 [AlterPresse] --- L’office d’aide humanitaire de la commission européenne (Echo) a officiellement rouvert ses portes, ce jeudi 5 février 2009 à Pétionville (est de la capitale) après dix années de couverture assurée par le bureau des Caraïbes basé à Santo Domingo (République Dominicaine), a observé l’agence en ligne AlterPresse.
C’est le commissaire européen au développement et à l’aide humanitaire, Louis Michel [1], qui a procédé à l’inauguration au siège social de l’Union européenne (UE) à Pétionville. [2]
« Cette réouverture traduit notre volonté d’être efficace », après une évaluation des besoins par l’équipe locale sur place, qui a abouti à un accord (en 2008) pour un solide engagement humanitaire (en nutrition et sécurité alimentaire) de l’UE en faveur d’Haïti, fait savoir Michel en visite dans le pays.
Pour cette année 2009, sur la base d’indicateurs préoccupants, Echo mettra en œuvre un plan global d’actions en Haïti, dont l’objectif consiste à « déployer une réponse humanitaire coordonnée et d’inscrire Haïti comme bénéficiaire prioritaire de l’aide humanitaire ».
Cette action humanitaire sera canalisée à travers les organisations non gouvernementales (Ong) européennes, la Croix Rouge internationale et les agences des Nations Unies.
Outre une forte exposition aux ouragans, le pays est actuellement confronté à un problème très sérieux de malnutrition. Un Haïtien sur trois – soit trois millions de personnes – est en butte à l’insécurité alimentaire. 71 % des Haïtiens vivent aujourd’hui avec moins de 2.00 dollars américains par jour, ce qui fait d’Haïti le pays le plus pauvre de l’Amérique latine et des Caraïbes.
Par ailleurs, les taux de mortalité infantile sont deux, voire trois fois plus élevés que dans le reste des Caraïbes.
Les indicateurs clefs d’Haïti sont plus comparables à ceux d’un pays d’Afrique subsaharienne, révèle l’enquête sur la mortalité, la morbidité et l’utilisation des services (EMMUS IV).
Telle est la réalité d’urgence (« une crise demeurée profonde et potentiellement dramatique ») qui explique la détermination de l’Europe et de l’Union européenne à agir rapidement, après avoir consacré 20 millions d’euros d’aide humanitaire en Haïti pour 2008, en particulier du secours et de l’assistance à 100,000 victimes du cyclone Hanna dans 8 départements géographiques touchés.
Dans ce montant, 8 millions d’euros ont financé la réduction de la malnutrition et de la mortalité infantile par le biais de programmes de santé, d’eau, d’installations sanitaires et de sécurité alimentaire.
« Très concrètement (en 2008), des millions de litres d’eau potable ont été distribués dans la ville des Gonaïves (Artibonite, Nord, la plus touchée en Haïti pendant le passage successif de 4 cyclones) et dans le département du Sud ».
Ce 5 février 2009, c’était le branle-bas au siège social à Pétionville de l’Union européenne, à l’occasion de l’arrivée du commissaire européen au développement qui s’est entretenu avec le personnel de la délégation et avec les ambassadeurs européens, dont le chef de la délégation Francesco Gossetti, avant de rencontrer la Presse.
Humanitaire et aide au développement durable
La réouverture du bureau pays d’Echo dans la république caribéenne aura des répercussions positives en fonction de l’articulation qui sera faite avec les institutions publiques pour des actions tendant vers le durable, souhaite une personnalité d’un organisme international interrogée par AlterPresse en marge de la cérémonie du 5 février 2009.
Considérant le cas des Gonaïves, dévastée par des cyclones en 2004 et en 2008, cette personnalité signale que beaucoup de millions ont été investis pour des actions non durables, comme l’installation de latrines provisoires ou les abris temporaires sous des tentes, alors qu’à partir d’une autre vision (de pérennisation) de telles actions pourraient avoir lieu, y compris dans d’autres espaces de relocalisation des habitantes et habitants affectés par les intempéries.
Cependant, depuis 2008, certaines interventions humanitaires conduites dans le pays s’étalent sur une année au lieu de 6 mois (comme auparavant). Ce qui supposerait la prise en compte, tout au moins, de l’aspect de « durabilité » dans la planification des actions « humanitaires » de terrain, indique la même source.
Tout dépendra de l’approche qui sera retenue par le secteur étatique, suggère une autre personnalité du monde de développement, contactée par AlterPresse.
Des interrogations demeurent, tout de même, sur les dispositions institutionnelles envisagées pour la prochaine saison cyclonique 2009 (juin à novembre), comme la planification de réserves alimentaires stratégiques (avec des produits locaux) dans la perspective de ne pas retomber dans la dépendance alimentaire internationale) et de prévenir d’éventuelles raretés dues aux probables intempéries. [rc apr 05/02/2009 11 :15]
[1] Ndlr : homme politique belge né le 2 septembre 1947 à Tirlemont
[2] A la suite d’une présence constante d’un bureau pays en Haïti de 1993 à 1998, la commissaire Emma Bonino en avait décidé de la fermeture et de l’ouverture d’un bureau régional pour les Caraïbes (excepté Cuba) à Santo Domingo en charge de 22 pays, dont Haïti.
En 2006, Echo décide d’adopter une stratégie de sortie, espérant que la reprise de l’aide au développement offrira une réponse à la situation humanitaire préoccupante du pays. L’intervention d’Echo n’est jugée nécessaire qu’en cas de crise ou de catastrophe naturelle majeure.
Malheureusement, une série d’événements viendra contrarier cette stratégie : sécheresse dans le Sud en 2006, succession de saisons cycloniques dévastatrices en 2006 (ouragan Ernesto et tempête tropicale Zeta, en 2007 (ouragans Dean, Noël et Olga) et 2008 (ouragans Gustav, Hanna et Ike), émeutes de la faim en avril 2008, selon les informations obtenues par AlterPresse.