P-au-P, 05 févr. 09 [AlterPresse] --- Le commissaire européen au développement et à l’aide humanitaire, (le belge) Louis Michel, considère comme une obligation, aujourd’hui en Haïti, de donner à une puissance publique impartiale (l’Etat) plus de capacités dans une perspective de résultats concrets sur le terrain.
Sans vouloir lancer des flèches aux autorités nationales, mais voulant s’exprimer sans détour, Michel a fait ces déclarations en procédant, le jeudi 5 février 2009, à la réouverture officielle à Pétionville (à l’est de la capitale) du bureau pays de l’office d’aide humanitaire de la commission européenne (Echo).
« Haïti n’a pas le droit de dire que la communauté internationale, voire l’Union Européenne (UE), ne s’implique pas assez… Ce n’est pas vrai ni juste…d’attribuer les raisons (Ndlr : l’absence) du progrès » à une faiblesse d’engagement dans la coopération internationale, affirme Louis Michel devant des ambassadeurs européens, plusieurs représentants d’organismes internationaux, d’organisations non gouvernementales (Ong) et de la presse, dont l’agence en ligne AlterPresse.
Tout en relevant certains progrès réalisés aujourd’hui dans le pays (qu’il ne s’ est pas attardé à énumérer), Michel insiste sur la nécessité d’établir en Haïti une administration publique efficace, avec des capacités techniques gouvernementales, au-delà de l’apparence de fonctionnement normal du système judiciaire, du Parlement.
« Cela ne dédouane pas les autorités haïtiennes de prendre leurs responsabilités », ajoute Michel qui convie à une amplification des services (filets) sociaux, comme la nutrition et la sécurité alimentaire, dans la république caribéenne.
« L’économie libérale n’est jamais vertueuse », indique Michel tout en admettant son appartenance au courant libéral.
Aux yeux de la communauté internationale, Haïti se trouve dans une situation de post-conflit. Comme telle, sitôt le calme ou l’apaisement politique revenu, il importe de trouver les dividendes de la pacification.
« Ce n’est pas toujours facile… à cause de [nos] procédures lourdes... », reconnaît Michel signalant combien certains discours entendus lui ont déplu.
Cependant, rappelant la différence existant entre l’humanitaire et le développement, Louis Michel se déclare favorable à un niveau d’aide au développement par le biais budgétaire.
« Un Etat auquel on donne plus de moyens aura plus de … » possibilités pour s’organiser, devenir efficace, maintenir les services (y compris de santé) par un réseau social pertinent qui promeut l’accès des citoyennes et citoyens au minimum.
Evidemment, puisque la nature a horreur du vide, quand l’Etat n’a pas les capacités requises, il y a alors des espaces pour l’implantation des organisations non gouvernementales (Ong), accusées de tous les maux ces derniers mois en Haïti en dépit de leur présence incontournable en de multiples endroits du pays non desservis ou carrément ignorés par les structures publiques locales, régionales et nationales.
Ce sont ces Ong, critiquées à tort ou à raison, qui développent, dit Michel, une culture de proximité et d’engagement auprès des communautés, dont ne dispose pas toujours l’Etat.
Quant au caractère « de développement durable » des actions humanitaires futures du bureau d’Echo en Haïti, une approche récente à l’UE et qui demeure fondamentale dans une perspective de continuité, Louis Michel estime possible de parvenir à des contrats de pérennisation entre les acteurs concernés (Etat, donateurs et bénéficiaires).
Par exemple, il est important de faire appel (comme certaines Ong) à suffisamment de personnel local, de participer à la formation de ressources locales en vue d’une durabilité dans l’action mise en oeuvre.
Ce qu’essaierait d’appliquer, depuis peu, dans une certaine mesure, l’Union européenne, malgré la présence d’un nombre de personnes expatriées chez les pays avec lesquels elle coopère.
« Pendant trop longtemps, chaque donateur a exigé de mettre son drapeau dans son projet », note le commissaire européen au développement et à l’aide humanitaire, soulignant combien « la commission européenne ne laisse aucun pays partenaire orphelin de l’aide ».
Sur la question de spécialisation de l’aide, vu le volet politique de l’accord de Cotonou [1] entre les pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), l’UE invite chaque pays partenaire à choisir 2 secteurs de focalisation ou de concentration d’actions.
Citant les cas de la Tanzanie – un pays présenté comme un modèle de ce qu’il est convenu d’ appeler « la bonne gouvernance » - et du Togo (il ne prend pas ces pays au hasard), Michel évoque un niveau d’ adaptation de l’Union européenne dans chaque pays partenaire. [2].
On peut dire que « la commission européenne se spécialise dans chaque pays partenaire », avance Louis Michel, précisant que l’Union européenne cherche désormais une plus grande coordination entre tous les donateurs (Banque mondiale, Banque interaméricaine de développement / Bid, Etats-Unis d’Amérique et autres pays bilatéraux, y compris la Chine). [rc apr 05/02/2009 11 :30]
[1] Signé le 23 juin 2000 dans la capitale économique du Bénin, après l’expiration de la convention de Lomé, l’accord de Cotonou marque le renouveau de la coopération entre l’Union européenne et les États d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP). Conclu pour 20 ans, cet accord, qui sera révisé tous les 5 ans, réunit les 79 États du groupe ACP et les 27 pays de l’Union européenne, soit une population totale de plus de 700 millions de personnes, Source Wikipedia.
[2] La Tanzanie a plus de 600 projets de moins d’un million d’euros pour 22 donateurs en santé publique, alors que le Togo a 13 agences de médicaments pour 22 donateurs internationaux