Par Marc Antoine Archer [1]
Soumis à AlterPresse le 29 janvier 2009
« Pour vaincre, il nous faut de l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace. »
Georges Danton
Le monde entier semble avoir pris la décision de se mettre en marche pour lutter contre les déséquilibres qui se produisent dans les structures énergétiques et mettre ainsi un frein aux dysfonctions créées par les incohérences et les problèmes de mauvaise gouvernance énergétique. Il en est ainsi pour la grande majorité des pays de l’Union Européenne, en commençant par l’Allemagne sans oublier l’Espagne qui se positionne au niveau de l’éolien, d’un pas sûr. La Chine et l’Inde semblent décider de minimiser leurs émissions de CO2 et le Brésil, outre les efforts pour réduire sa consommation énergétique et améliorer son efficacité se fait une image de plus en plus belle au niveau de la production d’énergie propre.
L’angoisse énergétique (surtout quand on voit, avec la crise du gaz Ukraine-Russie, que le contrôle des vannes d’approvisionnement peut geler les corps et les esprits) pousse de plus en plus les responsables politiques à essayer de réduire la dépendance énergétique de leurs pays et, sous la pression sociale, multiplier les efforts pour minimiser les impacts négatifs sur l’environnement.
Voilà certaines des considérations qui semblent avoir provoqué la création de l’Agence Internationale pour les Énergies Renouvelables - IRENA- qui prend naissance avec pour mission promouvoir les énergies renouvelables ayant abouti à la maturité technologique et économique : le solaire, l’éolien, la biomasse, les biocarburants ou la géothermie, afin de sortir la planète d’une économie « tout-carbone » alimentée par le pétrole, le gaz et le charbon. Ses promoteurs veulent aussi jeter des ponts entre le Nord et le Sud en favorisant les transferts de technologie, l’assistance technique et le montage de financements, l’électrification étant une des clés du développement des pays pauvres.
Près de 60 pays viennent de signer l’accord de création de cette Agence Internationale pour les Énergies Renouvelables, ce lundi 26 Janvier 2009. Je ne sais pas encore si Haïti a signé, mais, je crois qu’il faudrait qu’on le fasse car chez nous, au niveau énergétique, c’est le vide absolu en la matière. Pas un pas ! Ni dans le bon sens, ni dans le mauvais. En réalité, puisque l’on n’avance pas, paradoxalement, on ne reste pas sur place, sinon on RECULE, car la distance par rapport aux autres ne cesse d’augmenter, le référentiel étant le même pour tous.
Voilà pourquoi, durant ces cinq dernières années, je me suis livré corps et âme à lutter, avec des résultats plutôt maigres, pour faire partager aussi bien mes préoccupations que mes idées concernant :
1- La transformation d’Haïti en faisant de la plus-value environnementale le moteur principal du développement.
2- La mise en place d’une structure énergétique autochtone capable de satisfaire les besoins énergétiques globaux de la société haïtienne, au meilleur « coût environnemental », c’est-à-dire, de façon « soutenable », de façon « durable ».
3- L’adoption de nouveaux paramètres énergétiques de façon à adapter la mentalité haïtienne aux défis énergétiques mondiaux et faire de l’énergie un « Bien Fondamental ».
Les initiatives à ce niveau ont été multiples : publication d’articles, interventions dans les médias (radio, télévision), conférences, réalisation de la semaine de l’énergie 2005, etc ... Ces différentes interventions, quoiqu’ayant permis de sensibiliser à un nombre important d’acteurs sociaux, d’agents de changement, se sont heurtées au caractère réfractaire de l’Haïtien face aux changements impliquant une mobilisation collective, dépendant d’une prise de conscience citoyenne. Durant ces cinq années et poussière (Novembre 2003- Novembre 2008), le monde a changé, heureusement, et durant les cinq prochaines années il va encore changer davantage. Haïti pourra-t-il s’adapter à ces changements ? (Soyons optimistes !)
La « Crise du pétrole », la « Crise alimentaire » et la « Grande Crise Financière et Économique, Globale et Sauvage » ont secoué et secouent encore les ciments de la structure économique mondiale la soumettant à la pire épreuve de l’histoire moderne. Cela a permis en plus de dévoiler le degré de cynisme des « pouvoirs factiques » et mis en évidence l’absence de la capacité du marché, à lui seul, de résoudre certains problèmes. Les mesures adoptées jusqu’à présent pour trouver une solution globale se sont montrées inefficaces et difficilement vont pouvoir faciliter une réponse si aucune structure de « Co-Responsabilité » (Structure d’État-Structure Citoyenne-Structure Financière) n’est créée de façon à optimaliser les interventions. Dans ce cadre émerge un « Nouvel Acteur Mondial » sur lequel sont braquées toutes les émotions. Évitons les analyses politiques pour nous centrer sur l’aspect énergétique car le choix de Barack Obama peut servir d’élément catalyseur, marquer un vrai tournant et forcer la marche des événements. De l’opposition quasiment catégorique des Etats-Unis à toute proposition de « restrictions environnementales » on semble passer à une prise de conscience défiant toute attente : « …À ces pays qui comme le nôtre bénéficient d’une relative abondance, nous disons que nous ne pouvons plus nous permettre d’être indifférents aux souffrances à l’extérieur de nos frontières, ni consommer les ressources planétaires sans nous soucier des conséquences. En effet, le monde a changé et nous devons évoluer avec lui. »
Voilà donc un élément important et qui change toute la structure de l’analyse. Le discours du nouveau Président des Etats-Unis veut marquer un point d’inflexion dans la vision stratégique globale par rapport à l’énergie et l’environnement. Je n’ai pu m’empêcher de relire le discours d’investiture pour déceler les préoccupations énergétiques du nouveau président et analyser les éléments idéologiques qui prétendent mener le monde vers une nouvelle ère énergétique. Ces préoccupations énergétiques qui constituent à la fois les nouveaux défis et de nouvelles opportunités d’une croissance soutenue, qui produise un impact limité sur l’environnement tout en réduisant l’empreinte écologique des Etats-Unis, indiquent la voie que veut suivre le nouveau Président. À travers le discours d’investiture, on peut retracer ce qui semble être une déclaration d’intentions pour une nouvelle politique énergétique et environnementale. Les principes de base établis sont :
1- L’Approvisionnement énergétique des Etats-Unis ne peut dépendre de zones d’obtention instables, en prise généralement à de sérieux et fréquents conflits sociaux, politiques, économiques, idéologiques : « … Chaque jour apporte de nouvelles preuves que la façon dont nous utilisons l’énergie renforce nos adversaires ». Cela montre la vulnérabilité des Etats-Unis.
2- La consommation énergétique est une source d’agressions à l’environnement car les émissions nocives conduisent au Réchauffement de la Planète : « … Chaque jour apporte de nouvelles preuves que la façon dont nous utilisons l’énergie menace notre planète. »
3- Nouvelles Préoccupations et Nouvel Engagement Éthique : « ... Nous ne pouvons plus consommer les ressources planétaires sans nous soucier des conséquences. En effet, le monde a changé et nous devons évoluer avec lui. »
4- Opportunité technologique : Nous dompterons le soleil (Énergie solaire photovoltaïque et Thermique), le vent (énergie éolienne) et les sols (autres combustibles innovants – Biocarburants de première et de deuxième génération) afin d’obtenir l’essence pour faire rouler nos voitures et la force motrice pour que nos usines fonctionnent de la meilleure façon possible.
5- Formation : La formation, en temps de crise, est une valeur sûre. Il s’en est rendu compte et promet de transformer les écoles et les universités afin de répondre aux exigences d’une ère nouvelle.
6- Tout cela n’est que Défi et Opportunité : « Nous pouvons faire tout cela et nous le ferons ».
7- Invitation à l’Action Solidaire et à l’Engagement Éthique : « … À ces pays qui comme le nôtre bénéficient d’une relative abondance, nous disons que nous ne pouvons plus nous permettre d’être indifférents aux souffrances à l’extérieur de nos frontières, ni consommer les ressources planétaires sans nous soucier des conséquences. En effet, le monde a changé et nous devons évoluer avec lui. »
8- Volonté d’accompagner les pays pauvres afin de réduire les inégalités et les déséquilibres : « Aux habitants des pays pauvres, nous promettons de travailler à vos côtés pour faire en sorte que vos fermes prospèrent et que l’eau potable coule, de nourrir les corps affamés et les esprits voraces. »
Voilà le volet qui peut et doit nous intéresser en Haïti. Utiliser cette volonté de transformation et cette invitation à l’action lancée par le nouveau président et la volonté manifeste de nous accompagner dans cette démarche.
En Haïti, nous n’avons pas le choix, il faut absolument profiter du « bon temps » qui s’annonce en ce sens et nous livrer à toute sorte de gymnastiques positives pour faciliter à la société haïtienne l’accès aux services énergétiques. Il nous faut absolument penser à transformer le pays par la prise en charge de l’environnement et par une gestion optimale de toutes nos ressources environnementales : l’air, les ressources hydriques, le paysage, le sous-sol… En effet, nos lacs, nos mornes, nos déchets, notre paysage urbain, notre patrimoine naturel, notre patrimoine bâti, tout cela nécessite d’un encadrement technique, administratif, normatif, légal, sans lesquels la « vie citoyenne » ainsi que toute tentative de transformation économique seront vouées à l’échec.
Nous devons donc passer à l’action, corriger les incohérences de notre structure énergétique et lutter pour changer notre mentalité et l’adapter aux nouveaux besoins citoyens, politiques, technologiques. Il est peut-être temps de dépasser le discours de la privatisation ou non de EDH (l’EDHmanie) pour passer à celui de la pression pour l’obtention d’une structure de contrôle et de régulation énergétique permettant d’intégrer les différents acteurs :
Le Ministère des Travaux Publics Transports et Communications
Le Bureau des Mines et de l’Énergie
EDH
Le Ministère du Commerce et de l’Industrie
Le Ministère de l’Environnement
Le Ministère de la Justice
Le Sénat et la Chambre des Députés
Peut-être ainsi nous aurons la possibilité de lutter de façon effective contre nos plaies environnementales et sociales telles que : la Déforestation, l’Érosion, la Désertification, le Black-out, la Pauvreté, nos vraies incohérences énergétiques.
Barcelone, Janvier 2009
[1] Physicien industriel
Contact : iphcaten@yahoo.es