Le 15 octobre 2003 marque le neuvième anniversaire du retour en Haïti du Président Jean Bertrand Aristide, après un exil de 3 ans, suite au sanglant coup d’État militaire de septembre 1991. Neuf ans après . . .
ARISTIDE, 9 ANS APRES LE « RETOUR »
Le 15 octobre 1994 est le jour où « l’impossible est devenu possible », aime à répéter le Chef de l’Etat, évoquant, comme il l’a fait ce 15 octobre 2003, l’image de « l’oeuf qui est rentré dans les entrailles de la poule ». Accompagné de 23.000 soldats américains, qui ont foulé le sol national pour la seconde fois, après 1915.
Comme chaque année à cette période, les secteurs politiques se penchent sur un bilan de ce « retour à la démocratie », jugé « positif » par le parti au pouvoir, alors que les secteurs d’opposition parlent volontiers d’ « échec ».
Jonas Petit, chef par intérim du parti gouvernemental Fanmi Lavalas, estime que le processus démocratique « avance », insistant particulièrement sur la dissolution de l’armée. Tandis que, pour Evans Paul, porte-parole de la coalition d’opposition Convergence Démocratique, le leader lavalas a « poignardé l’espoir de tout un pays ».
Au-delà de la simple polarisation politique, le pays se trouve, 9 ans après le « retour à l’ordre constitutionnel », dans une situation catastrophique, s’accorde-t-on à constater.
Au plan économique, le Système des Nations Unies en Haïti diagnostiquait en avril dernier une crise "sans précédent", marquée par un recul du Produit Intérieur Brut (PIB) qui est passé de 2 % en 1997, à -1,2% en 2001.
Haiti qui fait face au gel d’une partie de l’aide internationale, à cause de problèmes électoraux restés sans solution, expérimente une dégradation constante de la situation socio-économique. Chômage et sous-emploi estimés a 50% de la population active, hausse continue du cout de la vie.
Les démunis ont de plus en plus de difficultés pour accéder aux produits et médicaments de base, au point que le Fonds des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) évoquait récemment une « urgence humanitaire » dans le pays.
Le constat d’une hausse des tensions politiques et sociales, des violences et une insécurité "devenue endémique et généralisée" a été également fait par les agences de l’ONU.
Ce contexte général a certainement favorisé un vent de contestation vis-à -vis du pouvoir en place, même si les partisans du régime n’entendent pas abandonner le terrain. De toute manière, ce qui frappe, c’est la vigueur des slogans anti-Aristide, un personnage qui, il y a encore 10 ans, inspirait un certain respect.
Le 15 octobre 2003 est marqué par une mobilisation anti-gouvernementale circonscrite, certes, mais têtue. Trois personnes dont un policier ont été blessés par balles lors d’une
nouvelle journée de tension ce 15 octobre même aux Gonaïves, ville où les anciens partisans du pouvoir lui ont tourné le dos. Ils n’ont pas digéré l’assassinat en septembre dernier de leur chef Amiot Métayer, qui porte, selon eux, l’empreinte du numéro 1 lavalas.
Au cri de « Aristide kontra w fini » (Aristide, votre contrat a pris fin), de nombreux Gonaïviens ont défilé dans le quartier de Raboteau, fief de feu Amiot Métayer. Le fait par le président d’avoir reçu la famille Métayer le 12 octobre dans son palais à Port-au-Prince, n’a pas changé grand-chose.
Un porte-parole du mouvement anti-Aristide aux Gonaïves, Winter Etienne, a annoncé une intensification de la mobilisation, à partir de la semaine prochaine. « Dès la semaine prochaine, une opération de dechoukaj (attaque contre les résidences des responsables du pouvoir) sera déclenchée. Nous marcherons après sur Port-au-Prince pour mettre la main sur Jean Bertrand Aristide », a déclaré Etienne.
La ville voisine de Saint Marc a pour sa part vécu ce 15 octobre sa troisième journée de manifestation anti-Aristide. Des partisans de l’opposition sont descendus dans la rue, malgré des menaces proférées la veille par des parlementaires lavalas. La manifestation a été brutalement dispersée par la police, qui a, par contre, encadré une contre-manifestation de partisans du président Aristide.
A Petit Goâve (Ouest), une manifestation anti-Aristide prévue le même jour par l’opposition locale a été tuée dans l’oeuf par la police qui a tiré des coups de feu en l’air et fait usage de gaz lacrymogènes.
A Jacmel (Sud-est), des partisans de l’opposition ont organisé ce 15 octobre, pour la deuxième journée d’affilée, une « operasyon bat tenèb » (un concert de casseroles) pour réclamer le départ du pouvoir de Jean Bertrand Aristide.
A Port-au-Prince, des étudiants de l’université d’Etat d’Haïti (UEH) ont manifesté ce 15 octobre au local de la Faculté d’Ethnologie pour exiger également la démission du chef de l’Etat. Les manifestants ont annoncé à l’occasion la relance de la mobilisation anti-Aristide au sein de l’UEH.
Mais Aristide ne parait pas s’inquiéter, lui qui ne rate aucune occasion de préciser que son mandat arrive à terme le 7 février 2006. C’est l’intégrité de son mandat qui est également mis en avant par ses partisans, dont des habitants du bidonville de Cité Soleil qui ont manifesté ce 15 octobre dans les rues de la capitale. Ils ont appelé les secteurs politiques opposés au pouvoir à prendre le chemin des élections.
Les élections législatives et locales paraissent de plus en plus improbables à court terme, vu qu’u n climat serein tarde à s’installer en Haïti, alors que les conditions d’un dialogue (promu par la communauté internationale) entre les acteurs politiques, tardent à s’établir.