P-au-P, 22 déc. 08 [AlterPresse] --- Les désastres environnementaux, naturels, causés par les intempéries successives accompagnées d’inondations meurtrières, et la crise gouvernementale ayant duré environ 5 mois (Ndlr / du samedi 12 avril au vendredi 5 septembre 2008) ont dominé l’actualité pendant l’année 2008 en Haïti, relève l’agence en ligne AlterPresse.
A côté du phénomène presque récurrent d’insécurité, contre laquelle les forces nationales et onusiennes tentent d’agir avec une tendance à la baisse des actes de banditisme vers la fin de 2009 - malgré la perpétration régulière d’actes d’enlèvements et de séquestration de personnes -, l’année 2009 qui se profile devrait amener des dispositions en ce qui concerne l’aménagement du territoire, dans la mesure où les autorités se donnent les moyens énergiques d’une politique pertinente.
A l’exception du tarif des transports publics, les baisses successives des prix du carburant n’ont pas encore d’incidences sur l’augmentation en cascade des autres prix, notamment de ceux des biens essentiels, lesquels ont été à la base des manifestations violentes contre la vie chère en avril 2008, surtout aux Cayes (troisième ville du pays) et à Port-au-Prince.
Le taux de change de la gourde par rapport au dollar américain tend à une stabilité (US $ 1.00 = 40.50 ou 41.00 gourdes).
Sur la plan social, pas encore de politique institutionnelle en faveur de l’utilisation du gaz pour la cuisson en vue de freiner la coupe systématique des arbres et l’usage intensif du charbon de bois comme combustible chez les ménages, ni de plan de logement défini et connu qui pourrait prévenir les effets des secousses sismiques enregistrées en plusieurs endroits du pays au cours de l’année 2008.
Pour 2009, une lutte pourrait être engagée sur le terrain écologique, avec un accent particulier sur la production et la souveraineté alimentaire nationale, des initiatives cohérentes en agriculture soutenue et durable, souhaitent différentes organisations paysannes qui ont investi les rues de Port-au-Prince à la fin de 2008.
Gérer les catastrophes naturelles et humanitaires
Septembre 2008, le Parlement vote une loi sur la gestion de l’urgence qui a permis le déblocage de 197 millions de dollars tirés des fonds du programme Petrocaribe. Avec ces fonds, le gouvernement devait exécuter un ensemble de microprojets visant à réparer les dégâts enregistrés lors des cyclones de l’été 2008, soulager les familles sinistrées, les femmes et les jeunes.
Au 2 décembre 2008, 143 millions de dollars ont déjà été décaissés, soit plus de la moitié de ces 197 millions. La plus grande partie de ce montant a été absorbée par le secteur agricole, sérieusement touché par les intempéries d’août et de septembre.
Dans l’intervalle, des sinistrés succombent à la faim dans la section communale de Baie d’Orange à Belle-Anse (Sud-Est) et aux Gonaïves. Une situation pareille est signalée dans le département du Sud-Est où une cinquantaine d’enfants en bas âge ont été tués à cause d’une épidémie de fièvre qui sévissait dans cette région.
A ces désastres naturels provoqués par le passage en série de quatre ouragans, viennent s’ajouter des catastrophes humanitaires survenues après l’effondrement de deux bâtiments scolaires en novembre 2008.
Le premier, celui de l’école « Promesse évangélique » de Nérette à Pétionville, est enregistré le 7 novembre 2008, provoquant plus de 90 morts parmi élèves et professeurs ainsi que 162 blessés parmi les survivants.
Le 12 novembre, un autre bâtiment scolaire du nom de « Institution mixte Grâce divine » s’effondre partiellement au Canapé-Vert, faisant près de dix blessés.
Le 17 novembre, une partie d’une jolie maison tombe dans un ravin à Musseau dans la commune de Delmas. Construite sur des failles près d’un ravin, cette maison est la propriété privée d’un Haïtien vivant à l’étranger. Les murs de cette maison et de tant d’autres dans la zone ont été fissurés lors d’une secousse sismique de quelques secondes, qui a également fait plier des arbres servant de pylônes électriques.
L’année de toutes les promesses
La solidarité internationale est ouvertement manifestée à l’endroit d’Haïti durant l’année 2008, en raison des inondations survenues dans ce pays au cours de la saison cyclonique [qui s’étend du 1er juin au 30 septembre tous les ans].
Des pays comme l’Espagne, la France, et des institutions comme la Banque interaméricaine de développement (Bid), annoncent un doublement de leur aide à Haïti. Les Etats-Unis d’Amérique, le Canada, l’Union européenne, les pays du marché commun des Caraïbes (Caricom), la Suisse, le Japon, entre autres, assistent Haïti dans ces moments difficiles.
L’Organisation des Nations Unies (Onu) lance même un « flash appeal », visant à collecter 108 millions de dollars pour réparer les dégâts causés par ces inondations. Mais, la communauté internationale s’est, depuis, montrée réticente par rapport à cet appel d’urgence à
l’aide en faveur d’Haïti.
Devant la tribune des Nations Unies, le président René Préval appelle la communauté internationale, le 26 septembre 2008, à briser le paradigme de la charité dans son approche de coopération avec les pays du Sud, précisant que « la charité n’a jamais aidé aucun pays à sortir du sous-développement ».
Rappelant que Haïti a de fortes potentialités en matière de production, Préval affirme que « Nous sommes de rudes travailleurs, pétris par le dur labeur et dotés d’un sens aigu pour la création d’entreprises et le commerce ».
« Si la communauté internationale veut faire quelque chose d’utile avec nous, c’est d’aider les Haïtiens à mettre en valeur ce potentiel », soutient le président d’Haïti au cours de la 63e Assemblée générale des Nations Unies.
Haïti – Rép. Dominicaine : la grippe aviaire est constatée fin 2007 à l’est de l’île
La découverte en République Dominicaine du virus de la grippe aviaire est le premier événement majeur de l’année 2008, qui aura des répercussions en Haïti au début du mois de janvier.
Hautement pathogène, ce virus a été découvert fin décembre 2007 lorsque les autorités dominicaines ont décelé deux cas de volailles porteuses du virus H5N2 : un coq de combat porteur, dans un groupe de 15 volailles à Higuey (province d’Altagracia, Est de la République Dominicaine), et un autre, dans un groupe de 115 volailles à la capitale, Santo Domingo.
Par mesure de précaution, les autorités haïtiennes interdisent illico les importations de volailles et d’oeufs de la République Dominicaine. Cest le 17 janvier 2008, à la suite de la visite d’évaluation d’une mission technique haïtienne dans ce pays voisin.
Carte blanche à Jacques Edouard Alexis à la Chambre basse
Soixante-trois députés accordent un vote de confiance au premier ministre Jacques Édouard Alexis le 28 février 2008, dont le gouvernement était menacé de destitution par huit membres de la chambre basse. Ces députés reprochaient à Alexis l’incapacité de son équipe à s’attaquer aux problèmes de la vie chère.
« Dans ce mandat de cinq ans, nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes, nous ne pouvons pas donner à manger à tous les enfants (…) Nous ne pouvons pas donner de l’eau potable à tout le monde », se défendait Alexis, précisant que son gouvernement a hérité d’un lourd fardeau.
Le député Joseph Isidore Mercier, qui a présenté l’argumentaire et la motion de censure contre le gouvernement de Jacques Edouard Alexis, se déclare « déçu et trahi » par ses collègues du « Bloc 60 » qui ont voté en faveur du chef du gouvernement, arguant que « le vote a été dirigé ».
Dans ce contexte, un nouveau bloc majoritaire dénommé « Concertation des Parlementaires Progressistes » (CPP), voit le jour avec pour objectifs de combattre la corruption, promouvoir la décentralisation et le développement local.
Les mêmes problèmes persistent
Le maintien de l’équipe de Jacques Edouard Alexis et les efforts consentis par les forces de l’ordre n’empêchent pas la tendance à de nouvelles catastrophes.
De janvier au 6 mars 2008, la mission de stabilisation des Nations Unies en Haïti (Minustah) dénombre une soixantaine de cas d’enlèvements sur tout le territoire national.
Entre-temps, les conditions socioéconomiques la population s’aggravent et les pauvres deviennent de plus en plus vulnérables.
Ce qui provoque, en avril 2008, l’éclatement de violentes manifestations de rues à Port-au-Prince et dans certaines villes de province.
Le premier ministre Jacques Edouard Alexis est la première victime politique de ces « émeutes de la faim » accompagnées de casses et de pillage.
Interpellé par le Sénat, le chef du gouvernement est destitué le samedi 12 avril 2008 par une majorité de 2/3, soit 16 sénateurs sur 17 présents.
Pendant que Jacques Edouard Alexis reçoit son vote de non confiance au Sénat, le président René Garcia Préval se réunit avec les importateurs de riz au Palais national.
Dans un intervalle d’un mois, ces importateurs de riz acceptent de faire passer leur prix de revient par sac à 48 dollars américains pour satisfaire la demande nationale, sérieusement affectée par une hausse vertigineuse des prix de cette céréale et d’autres biens essentiels à la consommation.
Certains de ces importateurs de riz se rendront dans la vallée de l’Artibonite (le grenier dans la production de riz national) pour des observations du processus mis en eouvre par productrices et producteurs de riz. A la fin de l’année 2008, aucune information ne filtre sur les résultats de ces observations et consultations, notamment en ce qui a trait à la commercialisation de cargaisons de riz local resté pendant longtemps dans des dépôts faute d’une structure opérationnelle de promotion des ventes.
Nécessité d’un nouveau gouvernement : Défilé de candidats
Pour combler le vide laissé par la chute de l’équipe dirigée par Jacques Edouard Alexis, le président René Préval choisit, le 27 avril 2008, l’Agroéconomiste Ericq Pierre. Membre d’aucun parti politique, ce dernier est un proche de Préval qui représente Haïti à la Banque interaméricaine de développement (Bid) depuis une dizaine d’années.
Ratifié par le Sénat, le choix de Ericq Pierre est rejeté, le 12 mai 2008, par les députés de la CPP, évoquant certaines anomalies dans le dossier du candidat au poste de Premier ministre.
Ces anomalies sont liées aux faiblesses du système d’état civil haïtien. Sous le premier mandat de René Préval (1996 – 2001), la candidature de Ericq Pierre à ce poste a été rejetée pour les mêmes causes.
Dans la soirée du 25 mai 2008, René Préval désigne son conseiller principal Robert Manuel pour succéder à Jacques Edouard Alexis à la suite de l’échec de Ericq Pierre. Ce choix sera, une nouvelle fois, rejeté par les députés, le 12 juin, sans donner le temps d’une présentation au Sénat.
Sur 85 députés présents, 57 votent en faveur du rapport de la commission chargée d’analyser le dossier du premier ministre désigné par le président René Préval, cette dernière ayant recommandé à l’assemblée de déclarer Robert Manuel « inéligible ».
Pour la deuxième fois, une femme comme Première ministre dans une atmosphère de désastres naturels
Après l’échec successif de deux hommes, René Préval jette son dévolu, le 23 juin 2008, sur Michèle Duvivier Pierre-Louis, une économiste de 61 ans qui dirige, depuis 1995, la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL), dont elle est un des membres fondateurs.
Dans l’histoire récente d’Haïti, c’est la deuxième fois (après Claudette Werleigh en 1995) qu’une femme accède au poste de Première ministre.
Le processus de ratification ou de rejet de ce choix traîne en longueur, en raison de rumeurs circulant autour de la vie privée de la première ministre désignée.
Michèle Pierre-Louis, qui remplit toutes les conditions pour être la nouvelle chefffe du gouvernement, dément ces rumeurs en affirmant que « Mon sens moral et éthique a toujours été reconnu par tous ».
Après de nombreuses tractations et incertitudes, le choix de Michèle Pierre-Louis est ratifié par la Chambre des députés (17 juillet) et par le Sénat (31 juillet).
Sa déclaration de politique générale est approuvée, le 29 août 2008, par 70 sur 79 députés présents, à l’issue d’une séance qui dure environ neuf heures d’horloge.
Le Sénat en emboîte le pas, non sans obstacles, dans la matinée du 5 septembre, presque dans la confusion [le vote a été repris après un huis clos successif à un premier vote de rejet] dans un contexte marqué par des catastrophes naturelles.
Dans l’après-midi du 5 septembre 2008, après le marathon (de débats) terminé à l’aube, le gouvernement est intronisé lors d’une cérémonie tenue au Palais présidentiel.
Michèle Duvivier Pierre-Louis s’engage à travailler pour donner des résultats, en dépit des dégâts causés par quatre ouragans en série (Fay, Gustav, Hanna et Ike) qui ont balayé le pays en moins d’un mois (16 août au 7 septembre 2008).
Ces cyclones ont causé la mort de plus de 790 personnes dans tout le pays, particulièrement dans la ville côtière des Gonaïves (Artibonite, Nord) dévastée par l’ouragan Hanna, en plus de dégâts matériels considérables.
La question sécuritaire
C’est en 2008 qu’une première grande marche pacifique contre le kidnapping a lieu à Port-au-Prince.
Cette marche, organisée par le regroupement « Lutte nationale contre le Kidnapping » (Lunak), mobilise plusieurs milliers de citoyennes et citoyens, le 4 juin, dans les rues de Port-au-Prince.
Un projet de loi contre le kidnapping, proposé par la Lunak, sera voté par le Parlement en novembre 2008.
Le mandat de la Mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti (Minustah) est prorogé, le 14 octobre 2008, pour une année supplémentaire, par le Conseil de sécurité de l’Onu, qui estime que le climat de sécurité en Haïti est très précaire.
La situation haïtienne en Haïti constitue, selon le Conseil de sécurité, une menace pour la paix et la sécurité internationales dans la région, malgré les progrès accomplis.
La Police nationale initie, elle aussi, des dispositions de redynamisation en vue de contrer les bandits qui sèment la terreur dans le pays. De présumés kidnappeurs sont arrêtés, d’autres jugés, puis condamnés lors des assises criminelles de l’année 2008.
Au cours des trois dernières années, les actes de criminalité et notamment le kidnapping ont augmenté de 40% sur le dernier trimestre, selon la Minustah.
En 2005, 260 personnes ont été victimes d’actes d’enlèvements au dernier trimestre contre 116 au trimestre précédent.
En 2007, 65 cas de kidnapping ont été recensés lors des trois derniers mois contre 40 pour juillet, août et septembre.
Le mois de décembre, selon la Minustah, est le mois le plus criminogène, à cause de l’ambiance festive qui règne dans le pays où tout le monde cherche à s’approvisionner pour les fêtes, et les gens malhonnêtes essaient, quant à eux, de faire leur butin.
Pour mater les actes de ces malfrats, une opération de sécurité baptisée « Bouclier bleu », lancée le 8 décembre 2008, doit s’étendre sur toute la période des fêtes de fin d’année pour prendre fin le 15 janvier 2009.
Cette opération conjointe de la Minustah et de la Police haïtienne vise à prévenir la criminalité, généralement en hausse durant cette période de l’année, en renforcement du plan de sécurité déjà actif.
Selon la Minustah, l’opération a déjà porté des fruits.
Alors que, en décembre 2007, 28 cas de kidnapping ont été enregistrés, en décembre 2008,
très peu de cas ont été signalés par les forces de l’ordre.
Pour des actions durables en matière de souveraineté alimentaire
A l’initiative de différentes organisations paysannes, des habitantes et habitants venus des dix départements géographiques du pays réalisent, le vendredi 12 décembre 2008, une grande première : une manifestation de plusieurs milliers de personnes dans la capitale pour revendiquer en faveur de la reconquête de la souveraineté alimentaire nationale (de la consommation de produits naturels et biologiques nationaux), de la reconstruction de l’environnement national et contre le projet de transformation des terres agricoles nationales en terres de production d’agrocarburant.
Cette mobilisation, qui fait suite à divers ateliers régionaux, devra prendre d’autres formes de sensibilisation durant l’année 2009, projettent les organisations paysannes en Haïti.[do rc apr 22/12/2008 12 :40]