Le congrès a lieu à la Faculté
d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire, du 9 au 11 décembre 2008, avec la participation de spécialistes français, africains et
haïtiens, des entrepreneurs de la place et des étudiants.
Par Ophny N. CARVIL [1]
Soumis à AlterPresse le 8 decembre 2008
Un peu plus de vingt ans aujourd’hui, le secteur de l’agro-industrie en
Haïti était relativement prospère. On y comptait des usines de fabrication
d’huiles comestibles, des ateliers d’extraction d’huiles essentielles, des
sucreries, des manufactures de mantéques, de sauces et pâtes de tomate, de
pâtes alimentaires, des distilleries, des guildiveries… etc. Le secteur
secondaire contribuait pour beaucoup dans le calcul du PIB et le
sous-secteur de l’agroalimentaire, particulièrement actif permettait de
couvrir une fraction importante de la demande de la population en produits
agricoles transformés.
Cette prospérité fragile qui s’était bâtie sur un marché fermé, sous l’œil
condescendant d’un état protecteur, s’est progressivement estompée en raison
de facteurs divers tant conjoncturels que structurels. En effet, les
turbulences sociales, l’instabilité politique, la faiblesse des
institutions, l’insécurité dans sa globalité, une certaine forme d’anarchie
sciemment entretenue par des secteurs politiques, ont très malheureusement
contribué à la fuite des investisseurs vers des cieux plus cléments ou leur
reconversion dans le commerce. En plus, les accords et conventions signés
par la République d’Haïti pour se conformer aux nouvelles règles du système
économique mondial, se sont soldés par un désengagement souvent trop brutal
de l’état particulièrement dans l’agriculture, pourvoyeuse de matières
premières pour l’agro-industrie. Aussi, dès le début des années 1980,
a-t-on assisté à une augmentation croissante des importations en produits
alimentaires allant du lait au chocolat en passant par les boissons
gazeuses, voire le beurre d’arachide ou les confitures de fruits. Cette
situation témoigne d’un net recul du secteur privé formel sur un marché
libéralisé à outrance, désormais livré aux règles de la concurrence et ou la
compétitivité-prix ou hors prix ne joue pas toujours en faveur des
entreprises nationales. Aujourd’hui, on assiste à l’émergence à coté des
survivants du secteur formel d’une autre classe d’investisseurs représentés
par des ateliers de transformation de fruits, des producteurs de jus, de
confiture et marmelade, de lait stérilisé, de yaourt, de boissons
fermentées…etc. Les statistiques concernant ces activités manquent encore.
Toutefois, elles génèrent des revenus, créent des emplois, confèrent de la
valeur ajoutée et constituent un stimulus pour la production agricole en
amont.
Tenant compte de ces considérations, le nouveau secteur de l’agroalimentaire
ainsi reconstitué devait être au centre de la politique de relance de la
production nationale prônée par l’exécutif depuis les émeutes d’avril. De
par le dynamisme qui s’en dégage et ses énormes potentialités,
l’agroalimentaire devait bénéficier d’une attention particulière de la part
des décideurs tant politiques que techniques de ce pays. En fait, malgré
leur foisonnement, les produits sortis de cette industrie ont encore du mal
à se créer une place sur le marché interne, car incapable de tenir la
concurrence des produits importés. De plus, faute d’institutions agréées de
contrôle de qualité dans le pays, ils ont encore plus de mal à pénétrer les
marchés internationaux. Il importerait donc de fournir à ce secteur un
appui à la fois technique et scientifique en lui permettant notamment de
recruter des cadres qualifiés, capables de dépasser les recettes
centenaires, de fournir au public des saveurs et goûts nouveaux tout en
respectant les normes et standards de qualité et ayant une bonne
connaissance des différents marché.
Faudra-t-il mettre en place des unités Recherche et Développement ?
Envisager la création de laboratoires de contrôle de qualité agréés ou
certifiés par les pays partenaires ? Encourager la vulgarisation du Code des
Investissements voté en 2002 par le parlement haïtien ? Sur quels facteurs
faudra-t-il agir ? Quelles contraintes faudra-t-il lever pour permettre à ce
sous-secteur de passer des procédés de fabrication artisanaux incertains à
des techniques de production modernes, standards, éprouvées ? Bref comment
parvenir à rendre compétitif l’agroalimentaire haïtien ? C’est pour trouver
réponses à ces questions et à d’autres encore plus cuisantes que la Faculté
d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV) organise du 9 au 11 décembre
prochain le premier Congrès de l’entrepreneuriat agroalimentaire en Haïti.
Au cours de ces trois jours, des spécialistes français, africains et
haïtiens, des entrepreneurs de la place, des étudiants participeront aux
discussions pour déblayer le terrain, analyser la situation présente,
identifier les atouts et les contraintes à la modernisation du sous-secteur,
et proposer des voies d’amélioration possibles.
A cette phase des débats, il est important de souligner qu’il ne s’agira pas
d’un simple exercice intellectuel ou chacun viendra faire valoir ses
arguments, partir et oublier, mais plutôt d’un forum dont nous espérons
sortir avec des engagements fermes des décideurs publics et privés pour
faire de l’agroalimentaire un outil moderne, le fer de lance de la reprise
tant souhaitée de la production nationale.
Le Rectorat de l’Université d’Etat d’Haïti et la FAMV voudraient profiter de
cet espace pour présenter leurs remerciements aux institutions dont l’appui
a été déterminant dans la préparation de ce congrès : l’Agence Universitaire
de la Francophonie (AUF), le Service de Coopération et d’Action Culturelle
de l’Ambassade de France en Haïti (SCAC), le Bureau de l’Ordonnateur
National (BON), et le Ministère de l’Agriculture des Ressources Naturelles
et du Développement Rural (MARNDR).
[1] Vice Doyen à la Recherche
de la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire