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Reportage-photo

Bogotá : Une marche pour exiger la libération de 3 000 victimes de kidnapping

Par Wooldy Edson Louidor

Bogotá, 4 déc. 08 [AlterPresse] --- Des milliers de Colombiennes et de Colombiens se mobilisent pour réclamer la libération immédiate et « sans conditions » de toutes les personnes kidnappées par différents groupes armés opérant dans la nation sud-américaine.

« Pour la vie et la liberté, nous voulons qu´ils soient chez eux cette Noel »

Des milliers de Colombiens ont manifesté le 28 novembre dernier dans les rues de Bogotá (la capitale) autour du thème « Por la vida y la libertad, los queremos en casa esta Navidad » (en français, « Pour la vie et la liberté, nous voulons qu´ils soient chez eux à Noel), a constaté AlterPresse.

Le maire principal de Bogota Samuel Moreno Rojas portant un maillot blanc

Tous les secteurs de la vie colombienne ont pris part à cette marche, principalement les parents et amis des personnes kidnappées et portées disparues, des ex otages, des membres d´organisations sociales, des étudiants, des syndicalistes, des policiers, des militaires, des parlementaires, des hommes politiques, ainsi que des fonctionnaires de la mairie de la Capitale colombienne et d´autres entités du gouvernement central.

Portrait d’Ingrid Betancourt

La majorité des manifestants, toutes tendances politiques et classes sociales confondues, portaient des maillots blancs sur lesquels on pouvait lire “Colombia soy yo” (en français, « La Colombie, c´est moi »).

De jeunes policiers défilant dans la marche

Quelques uns faisaient flotter le drapeau colombien dans le ciel gris et froid de Bogotá, pendant que d´autres portaient des photographies de personnes kidnappées dont ils exigeaient à cor et à cris « la liberté » pour qu´elles puissent retourner chez eux à Noel.

« Liberté pour tous », « Accord Humanitaire », « Plus jamais de kidnapping » : autant de slogans scandés par les manifestants qui marchaient le long de « la Carrera Séptima », l´une des principales rues du Centre de Bogotá, vers la Plaza de Bolívar, le point d´arrivée de la marche.

Convoquée par l´ex otage des Farc, Ingrid Bétancourt, dans son discours à Oviedo (Espagne) au moment de recevoir le 24 octobre dernier le Prix Prince des Asturies 2008 de la Concorde, la marche a été coordonnée par des médias colombiens, appuyés par plusieurs organisations engagées dans la lutte pour la paix dans le pays.

« Tous les colombiens doivent défiler et celui qui ne le fera pas ne pourra passer la Noel en paix avec sa conscience », avait déclaré dans une entrevue à une station de radio colombienne, depuis l´Espagne, le nouveau récipiendaire du prestigieux prix, en guise d´invitation à la marche.

Des enfants exécutant une chorégraphie

Dans plusieurs villes du monde, principalement dans le continent américain (Panamá, Sao Paolo, Miami, New-York, La Paz…) et en Europe (Madrid, Rome, Londres…), les Colombiens ont défilé le même jour pour exiger à l´unisson la libération de toutes les personnes kidnappées dans le pays sud-américain.

À la tête de la marche réalisée dans la capitale espagnole, l´ex candidate à la présidence de la Colombie, libérée le 2 juillet dernier après 7 années en captivité, a lancé une invitation aux Farc à « déposer les armes ».

Près de 3 000 otages des groupes armés

Le professeur Moncayo, père d’un otage des Farc

Selon les chiffres communiqués par l´organisme « Fondelibertad », il y aurait actuellement en Colombie 2 801 personnes séquestrées, dont 25% (entre 350 et 700) sont détenues par les Forces Armées Révolutionnaires de la Colombie (les Farc) et 15% par l´Armée de Libération Nationale (Eln, pour son sigle en espagnol Ejército de Liberación Nacional).

28 des otages entre les mains des Farc sont considérés des otages « politiques », c´est-à-dire que cette guérilla serait prête à les échanger contre 500 de leurs combattants capturés par les autorités colombiennes. Cependant, l´actuelle administration du président Álvaro Uribe Vélez a catégoriquement refusé cette proposition de la guérilla qu´elle ne cesse de qualifier de « groupe narcoterroriste ».

Les deux parties en conflit armé (les Farc et le gouvernement colombien) ont de plus en plus durci leur position durant les dernières années, en dépit des médiations de plusieurs personnalités.

La dernière médiation en date, qui a permis la libération d´importants otages « politiques » séquestrés par la guérilla, a été réalisée par le président vénézuélien Hugo Chávez Frías et la sénatrice colombienne Piedad Córdoba. Cependant, l´actuel chef d´état colombien y a mis fin récemment.

Parents et amis de plusieurs otages ainsi que la société colombienne dans son ensemble et le monde entier ont vu une fois de plus briser en éclats leur espérance de retrouver libres ces êtres humains privés de ce qui leur est le plus cher.

Dénonciations contre les disparitions forcées

Outre le kidnapping, les disparitions forcées ont été également dénoncées dans cette marche à Bogotá, où on pouvait voir des manifestants brandir des photographies de personnes portées disparues, avec les noms de celles-ci et des numéros de téléphone pour contacter leurs parents.

Amnistie Internationale a estimé entre 15 000 et 30 000 le nombre de personnes portées disparues durant les dernières années en Colombie.

Dans son rapport publié en 2007, l´organisation de défense des droits de l´homme a indiqué que, seulement au cours de l´année dernière, 190 personnes ont été portées disparues et 330 victimes d´exécutions extrajudiciaires, dont les « faux positifs ».

Une photo d’Ingrid Betancourt et des 14 autres otages des Farc libérés le 2 juillet 2008

Le scandale des « faux positifs » se réfère à la macabre complicité entre des militaires et des paramilitaires qui recrutent clandestinement des civils (principalement des jeunes) ou les enlèvent de force pour les assassiner lors de patrouilles nocturnes irrégulières et ensuite présenter leurs cadavres comme étant ceux de guérilleros tués en combat. Cette stratégie constitue une manipulation visant à prouver l´efficacité des forces de l´ordre dont les membres ayant tué des guérilleros sont fortement rémunérés par le gouvernement.

La marche du 28 novembre 2008 est la quatrième organisée au cours de cette année, après celles du 4 février, du 6 mars et du 20 juillet.

[wel gp apr 04/12/08]