P-au-P, 13 nov. 08 [AlterPresse] --- Plusieurs organisations haïtiennes de défense de droits humains réprouvent l’attitude des autorités nationales qui ne se sont jamais fixées, à date, sur les actes d’agressions contre des ressortissants haïtiens à Neyba les 28 et 29 octobre 2008.
« Nous sommes sidérés de la timidité, allant jusqu’au silence, des autorités de notre pays face aux violences aveugles commises à Neyba. La position officielle du gouvernement haïtien à travers la Présidence et la Primature n’est toujours pas connue », dénoncent ces organisations de défense de droits humains dans une lettre ouverte au président René Garcia Préval dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
4 morts et une quinzaine de blessés, dont un ressortissant dominicain pris pour un Haïtien : tel est le bilan provisoire des agressions, rapporté par la presse dominicaine du 28 octobre. D’autres sources avancent un bilan plus lourd, en référence à des cadavres mutilés d’Haïtiens qui auraient été découverts le 29 octobre dans les régions montagneuses de Neyba.
De plus, les témoignages obtenus, les 29 et 30 octobre 2008, par la plate-forme Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés (Garr) auprès d’une cinquantaine de rapatriés, hébergés par l’Office National de la Migration (Onm) dans un Centre à Lilavois (Bon Repos, au nord de la capitale Port-au-Prince) réfutent le bilan initial se rapportant aux décès et aux blessés, souligne la lettre adressée à Préval.
« Les actes perpétrés à Neyba correspondent parfaitement à la définition donnée à l’article premier de la « convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants » (convention adoptée et ratifiée par les deux Etats partageant l’île) et l’attitude de l’Etat dominicain est en désaccord avec les obligations stipulées aux articles 2, 4 et 5 de cette même convention », signalent les organisations haïtiennes de défense de droits humains.
Outre les accords régionaux, tels la Convention interaméricaine des droits humains interdisant, entre autres, en son article 22 alinéa 9, les rapatriements collectifs d’étrangers, les deux gouvernements sont signataires d’un Protocole d’Accord sur les mécanismes de rapatriement obligeant le gouvernement dominicain à permettre aux rapatriés-es de récupérer leurs biens. (Point d du Protocole).
« L’absence d’une prise de position claire du gouvernement haïtien devant la répétition de ces crimes et violations n’augure rien de bon dans un futur proche », critiquent les organisations haïtiennes qui font état d’autres actes de violence dans d’autres régions de la République Dominicaine, consécutifs à ceux de Neyba.
Au lendemain des lynchages de Neyba, des familles d’Haïtiens résidant à Guayubin, au Nord de la République Dominicaine, ont été terrorisées par des assaillants les ayant prises pour cibles, suite à l’annonce du meurtre d’un dominicain attribué une fois de plus, sans enquête préalable, à un Haïtien.
Le 2 novembre 2008, à San Cristobal (non loin de la capitale Santo Domingo), des hommes en cagoule ont abattu un Haïtien dans sa résidence et ont tabassé son frère actuellement hospitalisé.
Le 5 novembre 2008, un militaire dominicain du corps dominicain spécialisé dans la sécurité frontalière (Cesfront) est cité comme présumé auteur de l’assassinat par balle d’un jeune Haïtien non loin de la rivière Massacre (Nord de la République Dominicaine).
Pour les organisations haïtiennes de droits humains, signataires de la lettre ouverte à Préval, il faut tourner la page et donner une impulsion nouvelle aux relations haïtiano-dominicaines. Ceci implique, disent-elles, le bannissement à jamais, non seulement de l’impunité, mais aussi d’actes d’agressions caractérisées contre les migrants-es. Au profit du respect intégral des droits humains dans les deux pays et de la garantie de la sécurité de tous contre toute agression liée à la couleur de la peau.
Tout en prenant acte des efforts des parlementaires haïtiens et dominicains, qui ont déclaré être conscients de « l’impact négatif que ces actes arbitraires pourraient causer aux relations entre les deux pays », les organisations signataires de la lettre ouverte à Préval mettent en garde contre une absence de suivi « rigoureusement assuré (au regard des enseignements de l’histoire) pour couper court à de telles pratiques contraires au prestige et aux intérêts des deux pays ».
Une semaine après cette vague d’agressions contre des étrangers/ères sur son territoire, le gouvernement dominicain n’a annoncé aucune arrestation à Neyba, ni formulé la moindre mise en garde publique contre ceux qui s’aviseraient de remplacer la Justice et d’attaquer des groupes d’Haïtiens à leur domicile, dans les rues ou au travail, de vandaliser leurs maisons et détruire des actes de naissance ou des cedulas comme cela s’est produit, notent les organisations haïtiennes de défense de droits humains.
« Aucune action ne semble être prévue pour évaluer les dégâts et prendre les mesures légales qui s’imposent, tant du point de vue pénal que civil, en stricte application des lois et des conventions ».
« De source digne de foi, nous avons appris que le magistrat dominicain, en charge du dossier au Parquet de Neyba, s’était emporté quand les représentants du gouvernement haïtien sur place lui ont signalé les faiblesses de la réponse apportée par le Ministère public et les institutions policières et militaires de Neyba au cours des agressions caractérisées contre les Haïtiens/Haïtiennes, les 27 et 28 octobre 2008 ».
Fortes de ces considérations, les organisations haïtiennes de défense de droits humains, signataires de la lettre ouverte au président René Garcia Préval, exigent la mise en place d’une commission indépendante de type humanitaire en vue de faire la lumière sur la situation qui s’est développée à partir des incidents de Neyba.
En plus de l’adoption de mesures conservatoires d’urgence pour garantir la sécurité des personnes et faire cesser les agressions, elles préconisent une prise en charge par l’Etat haïtien des familles rapatriées de Neyba, surtout celles qui ont passé plus de cinq (5) années en République Dominicaine.
De même, l’Etat haïtien devrait prendre des dispositions pour une représentation légale des victimes à toutes les étapes de la mise en mouvement de l’action publique, destinée à fixer les responsabilités sur le plan pénal et civil.
La plate-forme Garr, la Comission œcuménique des droits humains (Cedh), le Réseau national de défense des droits humains (Rmddh), le Centre de recherches et de formation économique et sociale pour le développement (Cresfed), la Commission épiscopale nationale Justice et Paix (Jilap) de l’église catholique romaine et Sant Pon Ayiti sont les organisations signataires de cette lettre ouverte au président René Préval, pour l’adoption de mesures suite aux violences commises contre des Haïtiens-Haïtiennes à Neiba, dont une copie est acheminée à la Commission interaméricaine des droits humains (Cidh) de l’Organisation des Etats Américains (Oea). [rc apr 13/11/2008 15 :00]