P-au-P., 03 nov. 08 [AlterPresse] --- Les Haïtiens ne restent pas indifférents vis-à-vis du rendez-vous électoral étatsunien de ce 4 novembre, opposant principalement le démocrate Barak Obama au républicain John McCain dans la course à la maison blanche.
La particularité de ces joutes est que, pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, un noir a des chances de devenir président.
A propos de ces élections, qui revêtent un caractère historique, AlterPresse a interrogé le professeur Fritz Deshommes, Vice-recteur à la recherche de l’Université d’État d’Haiti et auteur, entre autres, d’un livre intitulé « Haïti, la Nation écartelée : Entre Plan Américain et Projet National. »
Q : Dans quelle mesure les élections américaines de ce 4 novembre concernent-elles Haiti ?
R : Pour le seul fait que ces élections risquent de voir pour la première fois un Noir accédé à la présidence de la Première Puissance Mondiale, elles sont d’un intérêt capital pour Haïti, le pays qui a souvent été mis en quarantaine pour toutes sortes de raisons, y compris sa constitution ethnique.
Et lorsqu’en plus ce Noir semble incarner une nouvelle politique économique pour les Etats-Unis, plus soucieuse du développement humain, réhabilitant le rôle de l’Etat, plaidant pour un développement plus endogène et plus respectueux de l’environnement, privilégiant les droits du citoyen le plus ordinaire à l’éducation, au travail, à la santé, on peut s’attendre à un nouveau type de rapports entre les USA et le reste du monde, et Haïti en particulier.
Si M. Obama accède à la présidence, l’ultra libéralisme pourrait reculer d’un cran et il est possible que les Etats-Unis récusent de manière systématique le « consensus de Washington ».
Par contre une présidence Mc Cain pourrait être un simple changement de personne et favoriser la continuation des mêmes politiques appliquées par les USA au cours des vingt dernières années et dont Haïti a beaucoup pâti. Il ne faut pas oublier que M. Mc Cain est le Président de l’IRI. Ça veut tout dire sur ce que peut être la politique Mc Cain à l’égard d’Haïti.
Ainsi dans le cadre de ses intérêts nationaux bien compris Haïti devrait souhaiter l’accession de M. Obama à la présidence des Etats-Unis d’Amérique.
Q : Une éventuelle présidence Obama, pourrait-elle apporter des changements au niveau de la politique migratoire américaine vis-à-vis d’Haiti ?
R : Sur le plan de la politique migratoire, M. Obama a eu lors des primaires à déplorer les injustices faites à Haïti en ce qui a trait au volume de visas délivrés. En outre, il aurait promis une Réforme de la politique migratoire des Etats-Unis qui pourrait octroyer une large amnistie aux illégaux. Des milliers d’Haïtiens pourraient en bénéficier.
Sur le plan de la politique globale, M. Obama a critiqué le type de relations entretenues par les USA à l’égard d’Haïti. Il a promis une politique plus soucieuse des intérêts des deux pays et du développement d’Haïti. Par ailleurs ses préoccupations exprimées en faveur du développement humain dans son propre pays, de ses propres concitoyens, est plutôt encourageant à cet égard.
Bien entendu il peut s’agir de déclarations de candidat, soucieux de s’attirer des votes et non encore confronté aux réalités concrètes du pouvoir.
Cependant, même en créditant M. Obama ou n’importe quel dirigeant américain de toute la bonne foi dont il est capable, le progrès d’Haïti, le développement d’Haïti ne peut être que l’œuvre des Haïtiens. Seuls des Haïtiens, bien imbus de leur réalité et des besoins et potentialités du pays, peuvent concevoir un plan solide et réaliste de développement et l’appliquer pour le bien des Haïtiens. L’étranger, quel qu’il soit, ne peut apporter que des appuis, des apports. Si déjà on peut avoir à la Maison Blanche un gouvernement non hostile à Haïti, capable de concevoir ses intérêts nationaux dans une perspective non contraire à ceux de ses partenaires, ce serait déjà une bonne chose. Et si, en plus, ce gouvernement est décidé à appuyer les efforts de développement endogène d’Haïti, sur la base d’un programme conçu par Haïti en toute indépendance, on pourrait s’estimer vraiment heureux.
Cela dit, il ne faut pas perdre de vue que, Obama ou Mc Cain, il s’agira de présidents des USA, qui auront en vue de manière primordiale les intérêts supérieurs de leur pays, qui se trouve être la puissance impériale du moment. Quel que soit le gagnant, les relations avec Haïti seront marquées par cette réalité fondamentale.
Il faut surtout espérer que la vision des intérêts américains du gagnant soient différentes de ce qu’elle a été depuis les années 1980.
[do gp apr 03/11/08 17:00]