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Les rapports entre « émancipation et famille * » au regard de Gérard Frinking

Notes de lecture

P-au-P., 23 sept. 08 [AlterPresse] --- La thèse liant les changements démographiques des dernières décennies à la modification de la figure de la femme et proclamant la fin des anciens arrangements constitue le fil conducteur de l’exposé de Gérard Prinking.

Ce positionnement théorique l’a porté à s’interroger sur les implications du nouveau rapport entre les sexes à l’égard de la famille, les arrangements permettant aux parents, dans différents pays, de mieux combiner leurs activités professionnelles et l’éducation de leurs enfants, les solutions adoptées par les parents pour faire face à une nouvelle répartition des tâches, consécutivement à une participation accrue des femmes à la vie économique, la concordance des comportements des parents dans divers pays avec les arrangements réalisés dans le cadre des politiques d’émancipation ou à contrario avec la tradition de chaque pays.

Ces diverses interrogations visent à mesurer l’impact d’une plus grande égalité entre hommes et femmes sur la famille. Au bout de l’exercice, l’auteur planchera sur les leçons qu’il convient de tirer de cette étude sur les rapports entre émancipation et famille.

Débroussaillage théorique

Dans son débroussaillage théorique, l’auteur a considéré le mouvement d’émancipation des femmes comme un mouvement tendant à conduire à une plus grande égalité des chances entre les hommes et les femmes, arguant toutefois que c’est surtout l’activité professionnelle des femmes qui accentue le centre d’intérêt de la problématique de l’égalité.

La progression considérable du niveau d’instruction des femmes apparaît comme l’un des acquis de l’émancipation, une meilleure formation scolaire leur assurant en effet un plus grand capital culturel et une insertion (plus facile) sur le marché du travail.

L’auteur considère les conséquences de l’émancipation sur le cycle de la vie des femmes dans son ensemble, intégrant ainsi les variables démographiques et celles concernant le travail.

Gérard Prinking privilégie deux approches pour déterminer les incidences de l’émancipation des femmes sur la famille. La première (approche) est axée sur les caractéristiques familiales des femmes ayant des attitudes différentes face à l’emploi tandis que la seconde cherche à appréhender le rapport entre l’ampleur de l’émancipation des femmes dans certains pays européens et les formes sociétales correspondantes de la relation entre le travail et la famille.

La comparaison de ces deux approches lui permet de déterminer « le rôle joué par l’émancipation des femmes - en tant que mouvement politique et social - dans les transformations familiales » ayant ponctué les dernières décennies.

Trinôme Femme, travail et famille : Une nomenclature

A cette phase, l’auteur propose, à travers un ensemble de travaux récents sur l’activité féminine, une nomenclature concernant le trinôme femme-travail-famille.

Une première étude, celle de Hochchild, présente une typologie se déclinant en trois temps, savoir les femmes traditionnelles qui jouent en premier lieu le rôle de mères et d’épouses, les femmes égalitaires voulant faire carrière comme leurs conjoints et les femmes transitoires affichant une double attitude et admettant que « leurs conjoints s’identifient plus qu’elles à leur travail ».

Keuzenkamp propose également une analyse de type factoriel similaire, catégorisant les femmes suivant, dans un premier temps, leur orientation vers le travail, dans un deuxième temps, (suivant) leur orientation vers la famille, et dans un dernier temps selon une double orientation.

Les résultats de ces recherches montrent que « les femmes du premier groupe, travaillant presque toutes à temps complet, sont davantage célibataires ou divorcés » alors que celles du deuxième (groupe) « sont très souvent sans activité professionnelle ou travaillent à temps partiel ». En revanche, « les femmes qui suivent une double orientation ressemblent aux premières quant à leur travail et aux secondes quand il s’agit de leur vie familiale ».

Une classification des pays

À cette phase, l’auteur passe en revue plusieurs études donnant à voir une typologie de différents pays à partir des données statistiques sur le travail et la famille dans divers pays industrialisés.

La première étude a montré que les pays de l’Europe du sud d’une part et les pays nordiques d’autre part constituent les deux groupes les plus typiques. Elle révèle que les pays scandinaves sont plus évolués, les rôles masculin et féminin y étant plus équilibrés et les femmes semblant mieux concilier les activités familiales et professionnelles.

D’autres études plus récentes ont quelque peu nuancé l’opposition entre le nord et le sud. L’auteur a montré plus loin que l’émancipation a imprégné sa marque sur la forme de la division familiale réalisée dans les pays considérés.

À propos de l’impact de la discontinuité de l’emploi, l’auteur estime que « seule une approche longitudinale des carrières professionnelles est en mesure de le clarifier. Les données sur l’emploi des femmes ont révélé des différences assez prononcées entre trois pays étudiés (Danemark, Pays-Bas, France).

Quid de l’émancipation

De ces trois pays, c’est le Danemark qui présente la politique d’émancipation la plus englobante. L’auteur s’est enfin attaché à expliquer les différences dans la relation entre travail et famille que les différentes recherches on révélé dans ces trois pays industrialisés.

Ce n’est que vers les années soixante-dix qu’on a commencé à soulever, sur l’échiquier politique, le débat sur l’émancipation de la femme. Le statut légal de celle-ci s’est transformé depuis. Elles ont accédé, dans tous les pays industrialisés, au droit de vote et aux fonctions publiques, au même titre que les hommes.

L’insertion des femmes sur le marché du travail, consécutivement à leur émancipation, jointe à une scolarité plus longue, a remis en question leur rôle traditionnel de gardiennes du foyer, et entraîné du même coup une certaine revalorisation de la paternité active.
Les transformations familiales découlent entre autres du mouvement vers une plus grande égalité entre les femmes et les hommes. La démarcation est assez nette entre la vie familiale des femmes ayant adopté une idéologie plus égalitaire et celle des femmes qui sont restées plus fidèles à la famille traditionnelle.

Une étape obligatoire

S’il s’est avéré que la politique issue du mouvement égalitaire a pavé la voie pour une plus grande égalité des sexes, on a toutefois relevé que la relation entre le travail et la famille a pris des formes variées dans les pays considérés (Danemark, France, Pays-Bas).

Des études ont montré d’une part que les capitaux féminins (culturels et économiques) font varier les formes de la vie familiale et d’autre part que le rendement du diplôme de la femme sur le marché du travail se transforme après le mariage, la naissance des enfants et le divorce. Par conséquent, la prise en compte des caractéristiques des conjoints est un préalable indispensable à toute tentative de définition des suites du mariage.

La considération d’un modèle comportant des variables se rapportant à la fois au contexte national et au cadre familial est une étape obligatoire dans l’étude des rapports entre émancipation et famille. [vs apr 23/09/08 18:30]

*FRINKING, Gérard, Émancipation et famille, in Sociologie des populations, PUM/AUPELF-UREF, Montréal, 1995, p. 481-493