Interview avec Buter Métayer, frère cadet de Amiot Métayer et un des principaux dirigeants de « L’Armée Cannibale »
P-au-P., 2 oct. 03 [AlterPresse] --- La situation aux Gonaives demeure très corsée, 10 jours après les premières manifestations anti-gouvernementales des Gonaives (Centre-ouest) pour protester contre l’assassinat du chef de « L’Armée Cannibale », Amiot Métayer. Ce 2 octobre encore, de nouvelles manifestations ont eu lieu et la tension était vive, au lendemain de l’incendie de plusieurs bâtiments publics.
C’est dans ce contexte qu’AlterPresse a eu un entretien téléphonique avec Buter Métayer, frère cadet de la victime, qui a pris la tête du mouvement. Il affirme la détermination des partisans de Amiot Métayer à aller jusqu’au bout dans la lutte pour obtenir le départ du Président Jean Bertrand Aristide. Il lance aussi une mise en garde contre toutes sortes de manoeuvres, destinées à casser le mouvement.
AlterPresse - Quelle est la situation de la ville aujourd’hui ?
Buter Métayer - Eh bien, c’est toujours le même mouvement. Nous sommes dans la rue actuellement. Les messieurs agissent assez clairement maintenant pour que la communauté internationale puisse adopter une mesure sur le dossier.
Apr - Qu’est ce que vous voulez dire par là ?
BM - Les messieurs ont dépêché aux Gonaives un certain « Sonnen », un bandit authentique notoirement connu, un voleur bien connu qui habite à Delmas (Port-au-Prince), et qui est mandaté pour assassiner des gens. Nous voulons lancer un appel pressant à la communauté internationale pour qu’elle intervienne dans ce dossier. Car, nous ne voulons pas encore passer à une phase 2 : nous n’aimerions pas que les gens disent que nous n’aurions pas du agir de telle manière. Nous comprenons que tout le monde n’adhère pas au mouvement de ces messieurs, c’est-à -dire au fonctionnement de ce pouvoir.
Apr - C’est quoi la phase 2 ?
BM - Ah ! la phase 2 c’est Â… Que quelqu’un soit de l’USGPN (Unité de Sécurité Générale du Palais National), de l’USP (Unité de Sécurité rapprochée du Président) ou simple policier, je ne sais pasÂ… Parce que nous savons que les policiers sont de connivence avec le pouvoir. Aristide leur donne le privilège de voler. Ainsi ils ont choisi de manger n’importe qui. Que l’on soit important, que l’on ait reçu une bonne éducation, cela ne les intéresse pas. Ils veulent vous éliminer. Donc, dans ce sens, nous avons davantage envie de les manger pour trouver une solution.
Apr - Buter Métayer, de quoi disposez-vous comme force ?
BM - Nous devons vous dire que nous luttons jusqu’à présent pacifiquement. Donc nous observons les messieurs.
Apr - Mais la police a fait savoir que vous étés armés.
BM - En tout cas, il faut bien dire que les messieurs le savaient déjà . C’est pour cela qu’ils ont insisté sur le nomÂ… nous voulons parler de l’Armée Cannibale. On n’aurait pas pu nous traiter d’Armée Cannibale si nous étions n’importe qui. Si la police pense pouvoir monter sur nous n’importe comment, elle doit trouver une réponse.
Apr - C’est-à -dire que vous disposez de la force des armes ?
BM - Il faut vous dire que nous ne gênons personne. Que vous ayez des armes ou pas, nous ne vous gênons pas. Seulement il faut faire faceÂ… A ce moment vous verrez de quoi nous disposons. Jusqu’à présent nous ne savons pas ce que nous avons en mainÂ…
Apr - Quelle type d’intervention la police a-t-elle effectuée dans vos quartiers ?
BM - Ces messieurs, le soir, ils cherchent à assassiner des gens. Comme je vous dis, ils ont dépêché un voleur, un bandit authentique du nom de « Sonnen »Â…
Apr - Et comment avez-vous pu vérifier sa présence dans la ville ?
BM - A partir de sa voiture. Une voiture officielle à bord de laquelle il est arrivé. Il a changé la plaque d’immatriculation. Il est logé à Chachou Hotel. Seulement, nous avons de la peine pour les messieurs, s’ils pensent pouvoir nous prendre d’assautÂ…
Apr - On dit que le mouvement s’essouffle.
BM - N’est-ce pas que je vous ai dit que nous avons cessé nos actions un moment pour passer à la phase 2. C’est ce que je vous ai dit. La phase 2, je ne peux pas vous dire pour l’instant ses composantes. Seulement, les messieurs ont leur stratégie, nous avons la nôtre.
Apr - Pourquoi tenez-vous tant à dénoncer Harold Adéclat (Commissaire municipal) et le nommé Odonel Paul ?
BM - Ce sont ces messieurs qui ont commis le crime. C’est à ces messieurs que le pouvoir a donné de l’argentÂ… Ils ont dépêché Paul Odonel pour venir chercher Amiot MétayerÂ…
Apr - Harold Adéclat ?
BM - Ce sont ces messieurs qui ont tendu une embuscade à Amiot Métayer. Odonel est venu le chercher. Ils l’ont emmené, comme s’ils avaient rendez-vous quelque part, comme si c’était un rendez-vous de copains. C’est alors qu’il a été pris dans une embuscade et Harold lui a dit qu’il était en état d’arrestation.
Apr - Où est ce que cette embuscade a-t-elle eu lieu ?
BM - A Mapou Chevalier (entre Gonaives et Saint-Marc, ville voisine, au Sud) Â…Ils l’ont tué la-bas et ont amené le corps à un autre endroit, de manière à faire croire qu’il a été enlevé. Ce qui se passe ici, tout le monde le sait. Tout le monde le voit. Il y a des choses que je ne peux pas vous dire, parce que je sais que vous allez me demander de qui je tiens mes informations. Or je ne pourrai pas vous répondre. Beaucoup de gens au palais national connaissent le mouvementÂ…Il y a des gens qui savent que Amiot a été tué depuis dimanche (21 septembre). Ils sont impliquésÂ…
Apr - Mais vous citez nommément le nom du président Aristide.
BM - Qui ne connaît pas Aristide ! Et Amiot Métayer est mort parce qu’il a dénoncé les forfaits du monsieur. Il a cherché à coopter Amiot. Amiot, en tant que nègre sage et tranquille, s’est calmé. Et les messieurs ont fait le coup.
Apr - Cependant Aristide a déclaré que c’est une minoritéÂ… ( qui veut jeter la responsabilité du meurtre sur le pouvoir)
BM - Â…Eh bien, si c’est une minorité, nous aimerions qu’il envoie ici les corps entiers de l’USP, de l’USGPN, la SWAT, le CIMO, pour voir si nous plaisantons.
Apr - Il est bruit qu’un émissaire du gouvernement serait sur le terrain pour négocier avec vous. Etes-vous au courant ?
BM - Personne ne peut prendre la chance de mettre les pieds à Raboteau. Nous ne plaisantons pas. A un point tel que, avant-hier, nous avons failli tuer un des nôtres. C’est-à -dire que dans notre quartier et aux Gonaives en général, on ne roule pas n’importe comment. Et ceci, si « Sonnen » ne s’empresse de se retirer, il n’est pas la-dedans (il peut être descendu)Â…
Apr - Auriez-vous noté la présence d’autres personnes dépêchées aux Gonaives ?
BM - Mais oui ! Des attachés (auxiliaires tout puissants de la police), des bandits, des gens qui sont au service du pouvoir à Cité Soleil et dans d’autres endroits. Ils ont pour mission d’éliminer des gens, des membres du mouvement.
Apr - Comment recevez-vous les appels au calme lancés par le gouvernement à travers plusieurs de ses organes ?
BM - Excusez-moi ! Nous n’entendons prendre contact avec personne. Ce qu’il nous faut c’est le départ du président Aristide. Cette affaire d’envoyer des émissaires pour négocier avec nous, cela ne nous regarde pas. Si quelqu’un ose venir à Raboteau, disons aux Gonaives généralement, sur demande de Aristide, il est perduÂ… Nous ne voulons pas plaisanter. Tant que nous n’aurons pas Harold, Odonel et Aristide, nous ne serons pas à l’aise.
Apr - Harold Adéclat, est-il toujours aux Gonaives ?
BM - Nous ne savons pas. On fait courir le bruit qu’il s’est déplacé. Mais ce n’est pas vrai. Hier soir quelqu’un l’a vu aux Gonaives.
Apr - On parle aussi d’éventuelles tentatives pour enlever le cadavre.
BM - Oui. Les messieurs sont venus avec un cercueil. Ils ont occupé le cimetière des Gonaives avant-hier soir et hier aussi. Je ne sais pas s’ils ont subi des pressions. Ils ont sûrement su que nous étions informés et ils ont laissé tomber. Bon, je ne peux pas rester longtemps avec vousÂ…
Apr - Vous réclamez justice aujourd’hui, mais à une certaine époque vous étiez en face de la justice. Un tribunal a même été incendiéÂ…
BM - Nous vous l’avons déjà dit. Maintenant nous n’avons pas de sentiment. Notre solution est le départ de Aristide pour la restructuration des choses dans le pays.
Apr - Comment recevez-vous la solidarité exprimée par l’opposition vis-à -vis du mouvement ?
BM - Actuellement, tout le monde est dans la lutteÂ…
[gp apr 02/10/2003 15:00]