A quelques heures de la présentation, le mardi 19 août 2008, de l’énoncé de politique générale devant la Chambre des Députés, la coalition Fanm P AP Tann vient ajouter, dans un document daté du 17 août 2008, quatre autres propositions aux dix préoccupations déjà formulées le 29 juin 2008 en direction de la première ministre ratifiée Michèle Duvivier Pierre-Louis. Ces préoccupations embrassent les domaines les plus représentatifs des urgences actuelles, selon cette coalition de femmes.
Soumis à AlterPresse le 17 août 2008
Port-au-Prince, le 17 août 2008
L’évolution de la situation sociopolitique, suite à la ratification de Mme Michèle D. Pierre-Louis, exige l’implication utile de tous les acteurs de la société. Fanm P ap Tann se préoccupe d’identifier les priorités et leurs complexités non sans insister sur l’acuité des solutions envisageables.
Dans l’attente de la présentation de la politique générale du nouveau Premier Ministre, Fanm P ap Tann lui adresse ses salutations en l’invitant à faire peu de cas de certaines considérations qui peuvent l’éloigner de la réalité à travers son programme de gouvernement.
Fanm P ap Tann salue la conclusion du processus initial de ratification du Premier Ministre désigné, Mme Michèle D. Pierre-Louis. Dans la perspective de sa présentation de politique générale au Parlement, Fanm P ap Tann réaffirme l’urgence d’aborder les priorités actuelles dans l’intérêt des droits fondamentaux de la population déçue et nécessiteuse. Les nécessaires réponses, qui seront proposées par la politique générale, ne devront pas sous-évaluer les complexités en vue. Celles-ci devront être affrontées de manière appropriée.
Dans le cadre de sa contribution dans la recherche de solutions, Fanm P ap Tann rappelle son examen des complexités dans sa « proposition d’une feuille de route au prochain gouvernement », datée du 29 juin 2008, peu après la décision du Chef de l’État. Fanm P ap Tann avait retenu les priorités nécessitant une prise en compte soutenue de la part du prochain gouvernement. Fanm P ap Tann les avait résumées sous la forme de dix (10) préoccupations et le Premier Ministre désigné avait pris connaissance de leur formulation.
Soucieuse qu’aucun aspect ne soit négligé dans la conjoncture actuelle, Fanm P ap Tann maintient ses dix (10) propositions qui ont perçu les complexités et ont fait valoir des solutions envisageables. Leur actualisation a cependant exigé l’ajout des quatre propositions suivantes :
1.- L’égalité des chances à l’emploi doit être garantie par la création d’une commission au sein de la primature. Elle aura pour but d’assurer la transparence du processus d’embauche. Dans cette optique, les fonctionnaires seront recrutés dans le respect des lois de la République. Par exemple, une offre d’emploi et un concours adapté pourront faciliter la sélection des plus méritants. De cette manière, l’Administration publique ne constituera pas les « entreprises privées » des partis politiques, comme c’est le cas actuellement.
2.- La Constitution prévoit des modalités de participation citoyenne dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques. Cependant, le partenariat entre secteur public et privé, devenu le credo privilégié du gouvernement et de la communauté internationale, affaiblit cette prérogative constitutionnelle. Le prochain gouvernement devra rendre opérationnelles les Assemblées départementales sectorielles afin que les citoyens fassent valoir leur point de vue notamment sur les choix faits en leurs noms.
3.- Le slogan faisant croire que « la santé et l’éducation sont des priorités » est en contradiction avec les pratiques en cours dans ces secteurs. L’État ne prévoit pas de politiques adaptées. Des efforts devront être consentis par le prochain gouvernement pour donner du sens à ce « slogan » en mettant un terme à la corruption et à la mauvaise qualité des services fournis dans ces secteurs.
4. L’intégration d’un nombre significatif de femmes est à encourager dans des postes de résolution de problème sociaux. Selon leurs qualifications propres, elles proposeront leur expertise dans la recherche de solutions adaptées aux difficultés qui leur sont exposées. Leur nomination s’éloignera de tout clientélisme. Leur intégration dans les fonctions correspondant à leur profil professionnel résultera d’une évaluation impartiale de leur dossier. Outre leurs compétences techniques, elles devront faire preuve d’une perspicacité éclairée. L’intégrité devra donc être au centre de leur action au sein de l’appareil d’État.
Les dix (10) premières propositions, ayant constitué la contribution de Fanm P ap Tann dans la recherche de solution en faveur de la Nation, sont les suivantes :
1. Les agences internationales continuent d’appliquer un modèle de développement économique stérile dans les pays peu pourvus comme Haïti. Elles se montrent très réfractaires aux réalités locales de notre pays menacé aujourd’hui par une crise alimentaire. Durant son premier trimestre, le prochain gouvernement devra prendre les dispositions nécessaires en vue d’élaborer des stratégies pertinentes pour garantir la souveraineté alimentaire au moyen de négociations avec des alliés honnêtes à l’intérieur d’une coopération horizontale. Les coopérations bilatérale et multilatérale doivent être conduites avec une approche plus clairvoyante afin de pallier les continuelles atteintes à notre souveraineté nationale entraînant la migration des multiples compétences indispensables au développement de notre pays. Les couches paysannes sans terre, victimes d’une réforme agraire illusoire, ont besoin d’être rassurées.
2. Le prochain gouvernement devra maintenir au centre de son attention les différents ministères fonctionnant dans la plus grande opacité. Une approche interministérielle et interdisciplinaire pourra contrecarrer cette anomalie et freinera tout prétexte justifiant l’invasion des agences internationales de financement. Celles-ci seront réorientées sur les réelles nécessités du pays par l’adoption d’un nouveau modèle de gouvernance. En ce sens, tous les efforts doivent être convergés vers la création d’un cabinet interministériel plus restreint et non budgétivore qui traitera des dossiers urgents tels : la crise alimentaire, l’insécurité consolidée par l’impunité institutionnalisée, le déficit de communication entre les pouvoirs central et local. Concernant le dernier point, les articles 61 et 87 de la Constitution en vigueur prévoient de quelle manière les collectivités territoriales peuvent assurer le processus de gestion de la décentralisation.
3. Les agences de financement adoptent une démarche ambiguë et confuse par leur manière d’intervenir là où l’État ferait défaut. Mieux pourvues budgétairement que certains ministères, ces agences construisent leur ordre de développement loin du regard compétent de l’État. Le ministère de la coopération externe devra redresser la barque par une révision éclairée de son approche en adoptant des mécanismes garantissant leur contrôle dans le cadre de la politique macro sociale de l’État. L’expérience innovatrice au niveau micro de certaines organisations locales devra prendre place dans les objectifs globaux visant à combattre la pauvreté dans les régions défavorablement appropriées par les agences internationales, dotées de grands moyens financiers. Face au gaspillage des ressources nationales, il faut une action forte et décisive de la part du prochain gouvernement en proposant des orientations cohérentes aux agences selon certaines spécificités : santé/éducation/services sociaux/sécurité sociale, culture/patrimoine national, agriculture/environnement/risque et désastre, justice/sécurité publique/défense des droits humains, ainsi de suite. Des pas en avant pourront s’effectuer par l’implication des municipalités dans la régulation des agences de financement intéressées, selon la zone d’intervention.
4. Le contrôle des privilèges, habituellement accordés aux fonctionnaires publics de première classe, et une nette réduction du nombre des cadres officiels dans les voyages internationaux doivent entraîner des bénéfices réels pour la population. Des pratiques plus rationnelles s’accorderont mieux avec les réalités actuelles, caractérisées par une énorme précarité au niveau des services sociaux de base.
5. L’attention du prochain gouvernement devra se tourner particulièrement vers la corruption régnant dans la fonction publique. 60% du budget de la république peuvent être générés par des ressources locales si le gouvernement s’engage dans la lutte contre les multiples formes de corruption. Par exemple, des mécanismes plus transparents pourraient contraindre les citoyens à se mettre en règle avec le fisc.
6. Parmi les priorités signalées qui méritent une plus grande attention, il y a l’appareil judiciaire qui risque d’être contrôlé par certaines associations obscures et répandues dans le pays. Le narcotrafic, par exemple, représente un danger évident pour le caractère indépendant du travail des juges. Cette activité légalement condamnable demande une intervention vigoureuse de la part du prochain gouvernement, en vue d’empêcher qu’elle fragilise les bases des pouvoirs publics. Cette affirmation du pouvoir de l’État pourra se traduire par la neutralisation des narco trafiquants, responsables de méfaits dans différents endroits du pays. Les juges complaisants et répréhensibles seront, quant à eux, blâmés pour leur soutien à l’institutionnalisation de l’impunité dans ce domaine. Le prochain gouvernement devra aussi adopter des mesures concrètes contre la recrudescence du kidnapping menaçant le respect de la vie et la dignité de chaque citoyen.
7. Sur le plan écologique, la réhabilitation des bassins versants pourra normalement réduire les risques de désastres et de catastrophes emportant si souvent vies humaines, ressources naturelles et économiques. Le prochain gouvernement devra donner une réponse appropriée à cette urgence.
8. L’attention aux exigences actuelles du système sanitaire du pays pourra corriger certains déséquilibres criants dans le fonctionnement des services sociaux de base portant atteinte aux droits fondamentaux de la population. Les femmes, en particulier, en sont grandement victimes au moment de l’accouchement (630 décès pour chaque 100 000 naissances) et manque d’accès aux services pour elles face à la féminisation du SIDA. La sinécure, ancrée dans la mentalité de certains employés de la fonction publique, handicape le système de soins publics et renforce les institutions privées de soins de santé quasiment inaccessibles aux gens économiquement appauvris. Il est alors évident qu’une coopération attentive avec la brigade médicale cubaine, douée d’une expertise dans le domaine de la gestion des services de soins hospitaliers et des soins de santé primaire, pourra assurer un bien-être à la population marginalisée économiquement et socialement. Cette alternative apportera certainement une contribution adéquate aux institutions sanitaires publiques, dont la logique ne correspond pas toujours aux réels besoins de la population, surtout dans les régions éloignées. Il est nécessaire de promouvoir l’accessibilité aux services sociaux de base avec systématisation et technicalité, suivant une démarche respectueuse des droits de la population exploitée.
9. Les relations entre le gouvernement et le Pouvoir législatif doivent figurer le respect de l’autonomie de chacun des pouvoirs. Un dialogue authentique devra s’instaurer entre l’Exécutif et le Législatif de manière constante. Il est tragique que des parlementaires puissent afficher peu de soucis aux dossiers majeurs des problèmes sociaux de ce pays en ne se documentant pas adéquatement lors des séances d’interpellation des ministres. Les contribuables honnêtes ont droit à un suivi systématique de la gestion des programmes d’action des ministères.
10. Les marques de relation personnelle, développées antérieurement en marge de l’espace étatique entre le Chef de l’État et l’actuelle Première Ministre désignée, ne doivent pas compromettre l’autonomie caractéristique des pouvoirs de la présidence et de la primature. Elles doivent être inspirées par l’éthique politique, qui promeut le respect particulier des décisions bénéfiques pour le pays. En conséquence, en dépit de certaines ambiguïtés que comporte la Constitution en la matière, les diverses formes de communication entre la présidence et la primature doivent garder présentes les dimensions éthiques nécessaires.
Finalement Fanm P ap Tann invite chaque acteur à dire un mot utile dans le processus actuel, en les rappelant que les récentes décisions du Parlement dépassent l’unique responsabilité du Premier Ministre Michelle D. Pierre-Louis.
Avec les salutations patriotiques de Fanm P ap Tann
Pour Fanm P AP Tann :
Guyrleine Justin pour authentification, Rezo Fanm Radyo Kominotè Ayisyen (REFRAKA)
Les autres membres de la coalition appuyant cette Proposition de feuille de route :
Rose-Anne Auguste, Association pour la Promotion de la Santé Intégrale de la Famille (APROSIFA)
Yolette Mengual, Réseau des Femmes candidates pour Gagner (RFCG)
Elsie Théano, Femmes en Action de la Croix des Bouquets (FACDEB)
Myriam Lespérance, KOZ PAM
Youzelande Étienne, Kowòdinasyon Fanm Nan Nò (KOFANO)
Tania Jean Pierre, Collectif des femmes haitiennes pour le progres social (COFEHAPS)
Natacha Pierre, COFAMA (Petite Rivière de Nippes)
Magdala Michel Jean Pierre, Mouvman Fanm Kafou (MOFKA)
Rose Laure Janvier, Libere lapawòl
Carline Joseph, Solidarite Fanm Gonayiv (SOFAGO)