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HaitiWebdo, Numero 49

Le 12ème anniversaire du sanglant coup d’État militaire du 30 septembre 1991 retrouve Haïti avec un tissu politique complètement déchiré et une situation socio-politique catastrophique. Le changement, souhaité par la majorité de la population haïtienne en quête de démocratie et de progrès, se fait toujours attendre. La crise multiforme perdure au point de secouer même les bases du pouvoir en place. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe aux Gonaives (Centre-ouest) où d’anciens partisans de lavalas veulent faire plus qu’une querelle de famille après l’assassinat de leur leader, Amiot Métayer, attribué à la présidence haïtienne.

1] 30 SEPTEMBRE 1991 : 12 ANS APRES

12 ans après le coup d’Etat militaire de septembre 1991, la situation générale est difficile en Haïti. Tous les secteurs politiques, au pouvoir comme dans l’opposition, sont d’accord là -dessus, même s’ils ne s’entendent pas sur les causes du problème.

Le gouvernement, qui a rendu hommage aux milliers de victimes du putch dirigé par le général Raoul Cédras et le Colonel Michel François, a attribué la situation difficile du pays à un prolongement du coup d’état par des acteurs hostiles au changement.

« Le coup d’Etat du 30 septembre 1991 se prolonge de nos jours sous d’autres formes », a déclaré le Secrétaire d’Etat à la Communication, Mario Dupuy. Il a parlé de « campagne de désinformation, climat de terreur, assassinats planifiés, pour créer la confusion ». Il a demandé à la population haïtienne de « réfléchir sur les conséquences du coup d’état de 1991 ».

Une manifestation de plusieurs centaines de partisans du pouvoir à Port-au-Prince a mis des noms là où le Secrétaire d’Etat à la Communication évitait de le faire. Cette manifestation lancée par le Parti Populaire National (PPN) et appuyée par le secteur lavalas, a été l’occasion de s’en prendre à plusieurs médias dont Telé Haiti, Radio Quisqueya, Radio Caraïbe et Radio Métropole.

La veille, plusieurs médias de la capitale avaient dénoncé par avance un plan qui serait ourdi dans les milieux lavalas pour attaquer plusieurs stations de radios ainsi que leurs propriétaires. Le gouvernement avait dit prendre au sérieux les menaces dénoncées et des dispositions ont été arrêtées pour des patrouilles policières aux abords des médias.

Les organismes de défense des droits humains, en particulier la Coalition Nationale pour les Droits des Haitiens (NCHR) n’ont pas été épargnés, par les manifestants lavalas qui, au son de la musique de rara, criaient à tue-tête « Aristide ou la mort ». Ils s’en sont pris également des secteurs organisés non inféodées à lavalas ou critiques vis-à -vis du pouvoir.

De son coté, l’opposition n’a pas hésité à mettre les tenants du pouvoir lavalas au même rang que les militaires qui les avaient défaits. Evans Paul, dirigeant de la coalition Convergence Démocratique, a condamné le coup d’Etat de 1991 et a accusé le l’administration de Aristide d’avoir fait « un coup d’Etat contre le peuple haïtien ».

Evans Paul a estimé que le Président Aristide et ses partisans ont « détruit l’espoir du peuple haïtien ». « 1991 : des gens sont morts et le pays était en crise. Aujourd’hui, les gens continuent de mourir et le pays est encore en crise », a souligné Evans Paul.

Au-delà des secteurs politiques, le 30 septembre n’a pas beaucoup retenu l’attention. Les mouvements sociaux ne se sont pas prononcés et aucune activité indépendante n’a été notée. La NCHR a toutefois constaté que « les victimes d’hier se transforment en bourreaux d’aujourd’hui », mettant en exergue le phénomène des « attachés » (auxiliaires civils de la police) dont la résurgence a été récemment dénoncée. Pour la NCHR, il s’agit là d’une métamorphose des anciens corps para-militaires.

2] IMPASSE POLITIQUE : L’EGLISE CATHOLIQUE INVITE AU COMPROMIS

Les Evêques haïtiens ont proposé un double compromis structurel et institutionnel pour parvenir à une solution de l’impasse politique qui dure depuis plus de trois ans en Haïti.

Dans une prise de position datée du 26 septembre écoulé, la Conférence Episcopale a mis en avant « un compromis structurel relatif à l’établissement du Conseil Electoral consensuel entraînant de ce fait la dissolution du Conseil Electoral existant ; et un compromis institutionnel relatif au vide parlementaire ».

« On ne peut pas chercher la solution dans un perpétuel affrontement », ont souligné les Evêques, qui voient « mal » la tenue d’élections cette année.

La formation du Conseil électoral de consensus, prévue par la résolution 822 de l’Organisation des Etats Américains (OEA), est handicapée depuis le début de l’année. Plusieurs secteurs, dont les partis politiques d’opposition, n’ont pas accepté de déléguer leurs représentants au Conseil, à cause, ont-ils souligné, du climat d’insécurité et d’impunité.

Entre-temps, un Conseil rendu caduc depuis le début de 2003 commence à « préparer le terrain », pour des élections avant la fin de l’année, disent les autorités. Des fonds publics ont été débloqués à cet effet.

Les acteurs tardent à se prononcer sur la formule de la Conférence Episcopale. Mais, le 27 septembre le président Jean Bertrand Aristide a fait part de sa disposition à rencontrer ses adversaires en vue d’aplanir la situation avant la fin de l’année. Ce qui n’a pas été pris au sérieux par l’opposition qui estime que l’important n’est pas une rencontre, mais d’accomplir les voeux de la résolution 822.

Lors de la réouverture du local de l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL) le 26 septembre, le Coordonnateur de ce parti a fait savoir la disposition de son organisation, à « engager le combat électoral », mais lors de « véritables élections ».

3] PRESSION MAINTENUE AUX GONAIVES

Les proches du chef de « l’Armée Canibale », Amiot Métayer, retrouvé assassiné le 22 septembre dernier, ne sont pas disposés à rentrer chez eux sans obtenir le départ du Président Jean Bertrand Aristide. Ils l’ont déclaré une autre fois, après 8 journées de mobilisation aux Gonaives (Centre-ouest), paralysant totalement la ville, faisant un mort et une quinzaine de blessés.

Les proches de Métayer maintiennent leurs accusations contre le président haïtien qui serait responsable du meurtre d’un de ses plus fervents partisans. Aristide a répondu le 27 septembre en laissant entendre que ceux qui pointent du doigt le pouvoir lavalas dans le meurtre de Métayer ne sont qu’une minorité.

Les partisans de Métayer réclament l’arrestation du Commissaire municipal, Harold Adéclat, accusé d’avoir dirigé l’opération d’assassinat, ainsi que le militant pro-lavalas Odonel Paul, présentée comme la dernière personne à être vue en compagnie de Métayer.

Ce 29 septembre la résidence des parents de Harold Adéclat a été incendiée. Quelques jours auparavant, le mobilier trouvé en la résidence des parents de Odonel Paul avait subi le même sort.

La Délégation de l’Artibonite (Représentation départementale de l’Exécutif) et la Direction Générale du Ministère de l’Intérieur ont invité, ce 30 septembre, la police et les partisans de Métayer à éviter la confrontation.

La police judiciaire a fait savoir que l’enquête sur l’assassinat de Métayer progresse. L’autopsie du cadavre a déjà été effectuée et deux suspects ont été arrêtés, selon la police, qui n’a fourni aucune indication sur leurs identités.

Les responsables du mouvement critiquent le comportement de la police qui, selon eux, fait preuve de brutalité. Des riverains ont affirmé avoir été sévèrement battus jusque dans des corridors, d’autres ont fait savoir qu’ils ont été contraints de ramasser des pneus enflammés à mains nues.