Analyse
P-au-P, 13 août 08 [AlterPresse] --- La république d’Haïti vient d’entamer, ce 13 août 2008, un cinquième mois sans gouvernement [depuis le renvoi du gouvernement le 12 avril 2008], alors que les acteurs politiques semblent ne pas vouloir hâter le pas pour rétablir l’ordre institutionnel et assurer la gestion des affaires de l’Etat, observe l’agence en ligne AlterPresse.
La controverse grandit autour des exigences de plusieurs des 18 membres du Sénat, actuellement en fonction, pour franchir l’étape du vote de déclaration de la politique générale de la Première ministre ratifiée, Michèle Duvivier Pierre-Louis.
Après des questionnements sur l’orientation sexuelle de Pierre-Louis, des sénateurs intéressés ont exigé la participation de leurs partis politiques au prochain gouvernement. Ils ont même proposé des noms et demandé des postes déterminés dans le futur cabinet ministériel. Même le ministère des affaires étrangères, qui relève des prérogatives présidentielles, ferait partie des négociations en cours, qui traînent en longueur depuis fin juillet 2008.
Question, disent les dirigeants politiques, d’assumer et de partager des responsabilités.
Mais, d’aucuns s’interrogent sur cet intérêt pour la participation à la gestion de la chose publique, uniquement à la tête des ministères, à quelques mois de la tenue de sénatoriales partielles... Alors que les structures gouvernementales sont multiples et offrent la possibilité de servir au niveau de beaucoup d’autres instances, dont des directions générales et représentations régionales de ministères, des organismes déconcentrés, des délégations départementales (représentant directement l’Exécutif central) et divers services techniques.
Les parlementaires tenteraient aujourd’hui de s’offrir des rôles exécutifs, suivant ce qui se dégage des demandes qui auraient été faites par certains membres de la chambre haute en Haïti.
Ces questions ont, d’ailleurs, agité l’opinion publique sous le gouvernement sortant, à qui des parlementaires auraient réclamé des garanties pour leur réélection dans leurs circonscriptions. Des parlementaires auraient reçu des sommes juteuses pour certains votes en 2008.
D’autre part, l’attitude affichée par des partis politiques pourrait être en relation avec la prise en compte de certains intérêts particuliers.
Les locaux nouvellement utilisés par un ministère appartiendraient à un chef de parti politique, suivant des informations circulant dans les milieux impliqués dans les négociations.
Parallèlement, des parlementaires percevraient régulièrement de fortes sommes d’argent à titre de location de véhicules utilisés par eux-mêmes.
AlterPresse n’a pas pu réunir, pour le moment, plus de détails sur ces informations, lesquelles rappellent plusieurs scandales qui ont éclaboussé le parlement durant ces deux dernières années, dont l’utilisation suspecte de 40 pneus pour un seul véhicule en une année.
Aujourd’hui, les marchandages vont bon train, et certains sénateurs, comme Judnel Jean de la Fusion des sociaux-démocrates, rattachent leur vote, sur la déclaration de politique générale, au retour de Rudolph Boulos à la Chambre haute, qui avait écarté ce dernier pour des suspicions de double nationalité.
Au fort de ce blocage apparemment insoluble, le Centre Œcuménique des Droits Humains (CEDH) considère que le pays est “pris en otage” par “12 sénateurs imaginaires”, dont on veut tenir compte dans le quorum établi sur la base d’un effectif regulier de 30 sénateurs, alors que seulement 18 sénateurs sont en fonction.
10 ont terminé leur mandat et aucune élection n’a eu lieu pour les remplacer. Un autre est décédé et un autre est exclu.
Différents secteurs pointent du doigt le président René Garcia Préval et le gouvernement sortant de Jacques Edouard Alexis qui n’ont pas pris à temps des dispositions pour la tenue, en 2007, des élections devant renouveler un tiers du sénat.
Des sénateurs proposent la réduction du quorum au Sénat, lequel passerait à 10 au lieu de 16 actuellement, pour faciliter la ratification de la déclaration de politique générale de Michèle Pierre-Louis et viabiliser le corps jusqu’aux prochaines élections.
En cette deuxième semaine d’août 2008, différents parlementaires accordent l’importance plutôt aux fêtes champêtres locales, liées aux célébrations de l’église catholique romaine, qu’à l’urgence du moment : celle de mettre fin immédiatement à la liquidation des affaires courantes gouvernementales, susceptibles de provoquer de nombreuses irrégularités administratives.
Aujourd’hui, l’équipe de Jacques Edouard Alexis étant censurée depuis 4 mois, personne ne peut rendre compte au Parlement, lequel ne peut, non plus, convoquer aucun responsable de l’administration publique.
Seulement, le gouvernement sortant a pu obtenir la démission du chef du Parquet près le tribunal civil de Port-au-Prince. Claudy Gassant, après plusieurs démêlés avec différents secteurs, dont des fonctionnaires de la Police nationale d’Haïti (Pnh), a été remplacé le mardi 12 août 2008 par Joseph Manès Louis, le nouveau commissaire de gouvernement installé par le ministre sortant de la Justice René Magloire.
Il n’empêche que de nombreux cas d’insécurité, dont d’enlèvements et de séquestration de personnes, continuent d’inquiéter la population.
Inquiétude d’autant plus légitime que la réouverture académique des classes 2008 est prévue pour le 1er septembre.... Qu’il sera difficile d’adopter des mesures de redressement et de soulagement des familles, à seulement une quinzaine de jours de la rentrée scolaire.
Que les prix des transports publics accusent des hausses sans précédents depuis plusieurs mois. Que la vie économique n’a jamais été ausi chère en Haïti. Que le budget de l’exercice fiscal 2008-2009 accuse des retards certains. Que tous les secteurs ne peuvent point planifier des actions futures dans une situation d’instabilité entretenue. Que les perspectives d’environnement favorable à la création d’emplois s’amenuisent de jour en jour [rc gp apr 13/08/08 12:00]