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Rendre Haïti plus visible sur le Web : Transparence, image, compétitivité !

Par Jean-Marie Raymond NOEL, Ing., MSc

Soumis à AlterPresse le 1er aout 2008

Vingt et un ans après le vote de la Constitution de 1987, des principes aussi fondamentaux que la décentralisation, la participation, la transparence attendent de rentrer dans les pratiques quotidiennes. La grande machine administrative ne les a pas véritablement intégrées dans son fonctionnement. Les pouvoirs publics subissent les méfaits directs de cette situation, autant que les citoyens ou les entreprises. Car le résultat est non seulement le dysfonctionnement de l’appareil étatique mais aussi le déficit d’efficacité et de compétitivité du secteur des affaires local obligé de « naviguer à vue » en l’absence d’informations et de règles du jeu définies et connues de tous. Et c’est, en bout de piste, un sentiment d’exclusion grandissant chez les citoyens et par ricochet des difficultés énormes de l’Etat à les mobiliser.

Cette tendance se poursuivra tant et aussi longtemps que, dans les pratiques, on persiste à ignorer cette demande sociale d’information. Il y va de l’articulation des intérêts individuels et de l’intérêt collectif, laquelle passe forcément par la mise en place de processus participatifs à la prise de décision. Il est aujourd’hui facile de concevoir et de réaliser un système national de décision intégrant de façon cohérente le développement local et l’action gouvernementale. Il est tout aussi facile d’envisager et de mettre en place des sous-systèmes locaux de décision, décentralisés, participatifs et communautaires mettant l’accent sur les initiatives de la population et des acteurs locaux au bénéfice du rapprochement entre l’action de l’Etat et les besoins de la population.

Cela suppose en particulier le partage et la dissémination de l’information. Au-delà des mécanismes traditionnels de concertation, d’échange, le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication met à la disposition des décideurs de nombreux outils, tel un Portail Pays, pouvant contribuer à la concrétisation de ces objectifs.

Comme son nom l’indique, le Portail sera la porte d’entrée du pays en général et de l’administration publique haïtienne en particulier sur le Web. Dans le cas particulier d’Haïti, il pourra avoir comme fonctions globales celles d’être une vitrine permanente du pays, un espace pluriel d’information, de concertation et d’éducation, et un espace de promotion.

Le rapport 2005 du Département des Affaires Economiques et Sociales du Secrétariat des Nations Unies (UNDESA) attribua à Haïti la note zéro pour l’indice de présence en ligne, signifiant que le pays n’avait pas un site national officiel, ou un site national officiel à jour. La valeur de 0,0635 calculée pour Haïti en 2008 dénote une certaine amélioration mais elle reste encore très faible par rapport à la moyenne de 0,2513 des pays du Cariforum. Haïti doit poursuivre les efforts pour plus grande visibilité sur Internet. Sans aucun doute, en plus d’être la référence idéale pour les recherches sur Haïti, le Portail officiel de la République d’Haïti va contribuer à améliorer le score du pays, compte tenu de la méthodologie utilisée pour calculer cet indice.

Les citoyens se perdent souvent dans les méandres de l’Administration publique, ne sachant à quelle institution s’adresser pour remplir certaines formalités et confondant le rôle des institutions. Une approche de conception d’un Portail tourné vers le Citoyen permettra de réduire cette confusion. La possibilité pour les citoyens et les hommes d’affaires d’avoir en ligne des informations, des services et des interactions avec les ministères, va réduire les déplacements physiques vers ces institutions et diminuer considérablement les encombrements couramment constatés dans leurs couloirs non sans conséquences sur la qualité du travail des fonctionnaires.

Le Portail sera conçu de telle façon que la population puisse l’utiliser pour suivre l’évolution des politiques publiques en matière de développement, alimentant ainsi le débat public, la transparence et la bonne gouvernance. Il sera aussi mis à profit pour le suivi des grandes rencontres internationales qui concernent le pays, notamment les dossiers de son adhésion à la CARICOM et autres accords régionaux, les accords préférentiels avec l’Amérique du Nord et l’Europe, les négociations commerciales bilatérales et multilatérales en général.

L’un des grands défis pour le pays est aujourd’hui de créer des emplois. La présentation d’une autre image d’Haïti, des potentialités et des curiosités du pays constituera une bonne incitation à l’investissement. A partir de son adresse Web, le Portail offrira un ensemble d’hyperliens vers des sites thématiques ou institutionnels, constituant autant de sous-espaces de promotion des services et des biens, ou de fenêtres sur les attraits touristiques du pays et ses ressources naturelles, sur les informations pertinentes pour les investisseurs privés, sur les offres de formation disponibles dans le pays, les facilités, etc.

Corriger la présence en ligne irrégulière va être l’une des toutes premières tâches du Portail. Elle ne sera pas facile car elle est appelée à s’attaquer à certains conforts nés du laisser-aller institutionnel, à remettre en question des pratiques en recherchant notamment l’harmonisation dans la gestion de l’information publique. Un survol de l’état de la présence en ligne des entités ministérielles démontre non seulement l’ampleur et la délicatesse de l’opération, mais aussi le niveau d’engagement nécessaire pour rendre possible et fonctionnel le Portail Haïti.

Actuellement 16 des 18 ministères (incluant la Primature), soit 89 %, ont enregistré un nom de domaine, dont 15 .gouv.ht et un seul, le MSPP, directement sous la racine .ht. Les deux seuls ministères, qui n’ont pas encore enregistré un nom de domaine, sont celui des Affaires Sociales et celui de la Jeunesse, des Sports et du Service Civique. De ces seize ministères, huit (8) ont des sites Web opérationnels. Il s’agit par ordre d’ancienneté décroissante : le ministère de l’Economie et des Finances http://www.mefhaiti.gouv.ht, le ministère de la Planification et de la Coopération Externe http://mpce.gouv.ht, le ministère à la Condition Féminine et aux Droits de la Femme http://mcfdf.gouv.ht, le ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural www.agriculture.gouv.ht, le ministère des Affaires Etrangères www.mae.gouv.ht, le ministère des Travaux Publics, Transports et Communications www.mtptc.gouv.ht, et les tout derniers nés, le ministère de la Justice et de la Sécurité Publique www.mjsp.gouv.ht, et le ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle www.eduhaiti.gouv.ht. Il faut y ajouter le site de la Secrétairerie d’Etat à l’Intégration des Personnes Handicapées www.seiph.gouv.ht, dernière entité gouvernementale créée par arrêté présidentiel du 17 mai 2007.

Un rapide clic sur les huit (8) sites ministériels dévoile bien qu’il n’y a pas une gestion intégrée de ces sites gouvernementaux, encore moins de lignes directrices. Chacun y va de son feeling, de ses goûts. Ni l’organisation de l’information, ni les couleurs, ni les fonctionnalités disponibles d’un site à l’autre n’indiquent qu’ils appartiennent à une même famille. Les caractéristiques les plus communes sont i) la dénomination des sites web avec une tendance très marquée vers le « sigle du ministère.gouv.ht » ; ii) et le retard dans la mise à jour. Sauf sur le site du ministère de l’Economie et des Finances, les rubriques Actualités, A la Une, ou Evénements Marquants ne sont pas régulièrement alimentés. Par exemple, les écarts relevés entre le dernier et l’avant-dernier article d’actualité sur les sites du MCFDF et du MTPTC sont de deux à trois mois.

Huit sites fonctionnels sur 18 ministères, soit 44% des entités gouvernementales visibles sur le Web : d’aucuns diraient que c’est pas mal, mais attention ! De la fin du mois de février 2008 (date de l’avant-dernière observation) à aujourd’hui (mi-juillet 2008), cinq (5) sites ne s’ouvrent pas : ceux de la Primature et des ministères de la Santé Publique, de la Culture, du Commerce et des Haïtiens Vivant à l’Etranger [1]. Conséquences de la crise politique, problèmes de budget pour payer l’hébergement du site Web ou pour renouveler le nom de domaine, déficit de personnel qualifié pour le suivi, ou manque d’intérêt accordé par les entités à leur visibilité en ligne ?

Il faut savoir que, dans le contexte actuel tant national qu’international, il sera difficile à Haïti de faire l’économie de structures d’informations performantes. Celles-ci permettront non seulement de rapprocher l’Etat des Citoyens et d’apaiser, ce faisant, certaines tensions sociales, mais aussi d’accroître l’attractivité du pays auprès de potentiels investisseurs.

Il est anormal que le site www.haiti.org, qui s’affiche depuis au moins trois (3) ans comme le site officiel de la République d’Haïti, continue à diffuser des informations totalement erronées, sans une quelconque intervention corrective de la part des instances gouvernementales. A titre d’exemple, le Conseil Electoral Provisoire présenté sur ce site est celui du 16 mars 1999 de Me Léon Manus, et le pays y est encore divisé en neuf (9) départements.

L’Information est un facteur trop critique sur les plans social, économique et politique, pour ne pas en faire une gestion correcte. Il est impératif de corriger les défaillances, et urgent de réaliser le Portail Haïti, dont la mise en œuvre servira d’ailleurs de prétexte pour revoir les systèmes d’information en cours dans l’administration publique.

Contact : raymond.noel@fds.edu.ht


[1Le site du ministère des Haïtiens Vivant à l’Etranger s’ouvre à l’adresse www.createch.ht/mhave et non plus à l’adresse www.mhave.gouv.ht