Par Marie Visart
P-au-P., 29 juillet 08 [AlterPresse] --- A partir d’un poste de secours opérationnel depuis le 1er juillet 2008, un réseau de 80 volontaires est disponible pour offrir des soins d’urgence de proximité, du Village de Dieu (sortie sud de Port-au-Prince) jusqu’à Martissant et Fontamara (banlieue sud de la capitale), aux limites de la municipalité de Carrefour, observe l’agence en ligne AlterPresse.
“Tout ce qui est mis en place pour protéger la population est toujours positif”, confie à AlterPresse une dame dans la soixantaine, apparemment satisfaite du service de proximité offert, “fondamental pour la population”.
Contentement aussi chez ce pharmacien, Mario Vincent, qui, malgré la “concurrence” de la structure sanitaire nouvellement mise en place avec son commerce, se réjouit de l’initiative de création du poste de secours, garantissant un minimum de soins gratuits aux habitantes et habitants.
« Avant, une personne souffrante devait descendre jusqu’à la clinique de Médecins sans Frontières (MSF) Belgique à Martissant 25. Ce qui n’était pas toujours évident pour celles et ceux résidant dans les parties isolées du quartier. Ce poste de secours va permettre d’améliorer les conditions de vie de la population du quartier”, souhaite le pharmacien interrogé par AlterPresse.
Il y a bien un dispensaire situé à Haut-Delouis, mais les services de MSF avec les cliniques mobiles sont plus efficaces, et ce poste inauguré à Bas-Delouis va renforcer l’accès de la population aux soins médicaux, ajoute Mario Vincent.
Depuis le 1er juillet, une équipe de volontaires, natifs du quartier, s’active sur le terrain pour répondre aux besoins de la communauté.
Pendant les 20 premiers jours de juillet 2008, environ 25 personnes ont été évacuées gratuitement, du poste de secours de Bas-Delouis vers la clinique de stabilisation de Médecins Sans Frontière Belgique, à Martissant 25, selon les informations fournies à la presse lors de l’inauguration officielle, le mardi 22 juillet.
Fruit de la collaboration entre la Croix-Rouge Haïti (CRH) et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le système de secours transitoire, lancé le 24 mars 2008 à Martissant, a abouti en la création du premier poste de secours opérationnel de la zone.
Attention à ne pas prendre la place des médecins ni du reste du personnel soignant
« Il est essentiel que les secouristes aient en tête que leur rôle n’est pas de se substituer aux médecins ni au personnel de santé », avertit la Dre Michaelle Amédée Gédéon, présidente de la société haïtienne de la Croix Rouge
Amédée Gédéon explique combien une rotation a été planifiée pour permettre au service de fonctionner correctement, d’être actif 24/24 heures et 7/7 jours, “étant donné que la force du poste de premier secours, composé de volontaires, est basée sur le bénévolat”.
En plus du matériel d’appoint, ces volontaires ont été rodés par le CICR pour répondre aux situations d’urgence en toute sécurité, alors que la CRH les a entraînés aux techniques portant sur tout ce qui est en rapport avec l’aptitude de secourir. Pendant leur formation sur les principes de secours de base, ils ont effectué des analyses de situation d’aide d’urgence, des exercices de réanimation cardio-pulmonaire, et assimilé les techniques d’alertes du système d’aide.
Sur plus d’une centaine de candidatures, seules 80 secouristes volontaires ont été retenues sur la base de leur disponibilité et des autres principes suivants : humanité, volontariat, impartialité, indépendance, honnêteté, neutralité, intégrité, tolérance, “qui sont les valeurs humanitaires de la Croix-Rouge” , rappelle Michaelle Amédée Gédéon.
L’expression des secouristes volontaires
Les femmes enceintes, des accidentés de la route, des victimes de malaise ont été les principaux cas ayant requis jusque-là l’apport des volontaires desservant le poste de secours de Bas-Delouis.
“Le fait de prodiguer des soins de premiers secours me donne beaucoup de joie, surtout quand je m’aperçois avoir été utile en soulageant les douleurs de plusieurs personnes”, affirme Ange-Laure Beaucéjour, informaticienne de formation et secouriste volontaire depuis mars 2008.
Tout en indiquant être devenue secouriste par amour, Ange-Laure Beaucéjour loue cette activité qui lui donne la possibilité de “s’engager sur le plan humanitaire” et de “se mettre au service de celles et ceux qui en ont besoin ».
Pour sa part, la volontaire Yannique Leonaurd met l’accent sur le caractère de la lutte menée par les secouristes dans l’accompagnement de la population.
« Faisant partie de la jeunesse du pays, je me dois d’aider ma communauté. Cette activité me permet de donner un autre sens à ma vie. Pour l’instant j’ai essentiellement porté assistance aux femmes enceintes ou aux blessés légers, cependant j’aimerai me confronter à des cas plus sérieux .... Je suis consciente que tout ce que j’apprends aujourd’hui me servira toute la vie », assure Yannique Leonaurd, qui oeuvre comme garde forestière dans la zone.
Echanges avec différents acteurs du quartier
La création du poste de secours de Bas-Delouis a notamment été possible grâce à l’information continue des différents acteurs.
Les membres de la CRH de la CICR ont tenu des réunions d’information avec les autorités locales et la population résidente de ces quartiers dits sensibles.
"Nous avons mis en place un dialogue avec la Police Nationale d’Haïti et la Mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti (Minustah) en organisant des séances d’informations sur le mandat du CICR et nos activités", informe Jean Jacob Charles, chargé de communication à la branche haïtienne du CICR.
S’agissant des porteurs non autorisés d’armes, les groupes armés dans les quartiers, ils ont tous été informés sur les actions menées par la CRH le CICR afin de garantir la sécurité de toutes et de tous, et d’avoir accès aux victimes.
Le CICR prévoit de poursuivre son opération de communication à travers les ondes des médias afin d’informer le plus grand nombre parmi la population.
A Martisssant, l’ouverture d’un deuxième poste de secours est prévu dans les mois à venir.
L’expérience du poste de secours de Cité Soleil
C’est à la suite de l’expérience faite à Cité Soleil (grande agglomération populaire au nord de Port-au-Prince) et de ses répercussions positives que le premier poste de secours à Martissant a vu le jour. D’ailleurs, des secouristes de Cité Soleil ont partagé les savoirs acquis avec leurs consoeurs et confrères de Martissant.
En effet, Cité Soleil [où des pics de violences ont été notamment observés aux périodes de rentrée scolaire ou avant les fêtes de fin d’année] possède un système d’évacuation des blessés et des malades depuis 2004.
"Avant, on constatait davantage de blessés par balles ou par armes blanches [à Cité Soleil]. Mais aujourd’hui, depuis le retour de la police et des forces de la Minustah dans ces quartiers, nos interventions sont essentiellement tournées vers les femmes enceintes, les accidentés et les malades », souligne Jacob Charles.
Ce changement a été opéré grâce à la mise en place d’infrastructures pour compléter celles de l’Etat, “malheureusement pas encore suffisantes” pour répondre aux besoins de la population, signale le chargé de communication à la branche haïtienne du CICR.
A Cité Soleil, il y a un manque réel de moyens en eau, en électricité, pour desservir la population. En collaboration avec la Centrale autonome métropolitaine d’eau potable (CAMEP), le CICR a établi trois stations de pompages et une cinquantaine de fontaines publiques, ce qui a permis aux services de l’Etat de revenir sur le terrain.
Grâce au comité de gestion de l’eau potable de la cité (COGESEP-SOL), composé d’habitants du quartier préposés à la gestion des recettes de la vente de l’eau (dont une partie va à la CAMEP), l’approvisionnement des habitants de plusieurs quartiers de Cité Soleil est assuré en eau potable. Ceci a contribué, en partie, à l’amélioration des conditions de vie de ces quartiers.
Assistance du CICR dans les prisons
L’équipe médicale et les ingénieurs de l’eau et de l’habitat de la CICR ont pour missions de prodiguer des soins, repeindre les murs, faire les vidanges, travailler avec les réseaux compétents des municipalités.
En plus de l’accompagnement des postes de secours, les équipes du CICR visitent les prisons et les commissariats situés sur l’ensemble du territoire national, en vue de travailler avec les autorités et d’améliorer les conditions matérielles et psychologiques des détenus.
Sur près de 6,000 personnes qui sont incarcérées dans les prisons haïtiennes, environ 3000 mille sont détenues dans la capitale et 85 % sont en attente de jugement.
“ Cela est un grave problème, car les conditions de détentions dans lesquelles se retrouvent ces prisonniers sont souvent désastreuses et génèrent des maladies”, remarque Jean Jacob Charles. [mv rc apr 29/07/2008 12:00]