Haïti se prépare à participer, avec une délégation forte d’une cinquantaine de personnes issues de plusieurs secteurs militant dans le domaine du VIH-Sida, à la 17e conférence internationale sur le sida, qui se tient du 3 au 8 août prochain au Mexique. Ces assises offriront l’occasion aux représentants d’Haïti de relater l’expérience haïtienne en matière de prévention et de prise en charge des personnes atteintes du virus. Quid justement de la situation de la lutte contre cette pandémie en Haïti ?
Par Vario Sérant
P-au-P., 28 juil 08 [AlterPresse] --- À propos du VIH-SIDA, la situation d’Haïti est assez paradoxale.
C’est dans ce pays et chez son voisin, la République Dominicaine, que se trouve concentré le plus grand nombre de personnes atteintes du virus, dans toute l’Amérique Latine et la Caraïbe.
Le VIH en régression en Haïti
Il n’en est pas moins vrai que c’est en Haïti, seul PMA de l’hémisphère, où le sida est en régression ces dernières années. Une étude de la prestigieuse revue américaine « Science » l’a confirmé en juillet 2006.
La prévalence du virus de l’immunodéficience acquise est en effet passée, à l’échelle nationale, de 6 à 2.2%.
Cette avancée n’est pas sans rapport avec l’implémentation, depuis l’année 2002, du Plan stratégique national de lutte contre le sida, inspiré par la déclaration d’engagement sur la pandémie.
Apports du Fonds mondial et du PEPFAR
Dans le cadre de cette lutte, Haïti est supportée par le Fonds Mondial, le PEPFAR, diverses agences du Système des Nations unies et certaines fondations comme celle de Bill Gates.
Créé en 2001, le Fonds mondial contre les pandémies est un fonds d’urgence multilatéral. Il a engagé 8.4 milliards de dollars dans 136 pays pour soutenir les interventions contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Quand au PEPFAR (“President’s Emergency Program For Aids Relief” ou Plan d’urgence du Président des États-Unis d’Amérique en matière de lutte contre le sida en français), il a été créé en 2003. Il a engagé en 2008 dix-huit milliards de dollars sur cinq ans. Il se concentre sur quinze pays cibles dont Haïti.
Autres avancées
Les avancées enregistrées en Haïti concernent également la mise sous anti-rétroviraux de plusieurs milliers de patients supplémentaires (plus de 12 mille en 2007), l’augmentation du nombre de sites PTME, c’est-à-dire les sites où l’on peut faire la prévention de la transmission mère et enfant (passant de trois sites à soixante-dix sites en 2007), l’établissement de plusieurs dizaines de centres de dépistage volontaire (88 en 2007) qui offrent des services conseils psychosociaux et de traitement, et le renforcement des campagnes de prévention.
VIH : Causes de la progression en A.L.
Les causes principales de la progression de la maladie en Amérique Latine et dans la Caraïbe sont la pauvreté, l’immigration, le manque de leadership, l’homophobie et la rareté des ressources, selon le correspondant de la revue « Science » et spécialiste de la pandémie, John Cohen.
Pas de jubilation
Une telle affirmation empêche toute jubilation en regard des indicateurs d’Haïti dans presque tous les domaines. En outre, elle fait voir que la lutte contre le VIH-Sida ne dépend pas seulement de mesures strictement sanitaires.
Cohérence globale
Plus généralement, on ne saurait résoudre les problèmes de santé publique en se contentant de créer des établissements de santé et de distribuer (et d’administrer) des vaccins ou autres médicaments. Les projets et politiques publiques de santé devraient être élaborées en tenant compte des avancées au niveau de la réflexion sur les enjeux du développement. La déclaration du droit au développement adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 4 décembre 1986, mais restée lettre morte depuis, pourrait en ce sens constituer une source d’inspiration.
Pour une plus grande implication financière de l’État
Pour mener la lutte contre le VIH-Sida, l’État Haïtien se contenterait de surfer sur l’assistance internationale. À l’occasion du 57e anniversaire de la déclaration universelle des droits humains, le 10 décembre 2005, la Plateforme Haïtienne des personnes vivant avec le sida en Haïti (PHAP+) a exhorté l’État haïtien à mettre en place, à court terme, à travers une meilleure allocation budgétaire, un fonds national susceptible de réduire la dépendance du pays vis-à-vis des institutions financières.
« Il faut notamment que la contribution de l’État haïtien sorte du niveau insignifiant de 0.6% à au moins 10%. Les bailleurs de fonds dans le domaine du VIH-Sida doivent continuer à jouer leur rôle, pendant qu’ils augmentent leur financement, d’au moins 70% de leur budget, pour l’achat des médicaments soutenant des soins spécifiques de qualité à l’endroit des PVVIH », a souligné la PHAP+ (dans sa déclaration).
A la faveur de la journée mondiale contre le sida, le 1er décembre 2007, un autre responsable d’association de PVVVIH, Jean Saurel Beaujour a relancé cette revendication en ces termes : « Nous, les PV-VIH, nous payons des taxes comme tout le monde. Nous avons le droit de trouver les soins de santé. Nous avons le droit de trouver des médicaments. Je crois que, dans le budget national, le gouvernement doit prévoir une rubrique spéciale pour la lutte contre le VIH-Sida, la recherche, la prévention et les traitements ».
Le recul de la stigmatisation
Sur un autre plan, Jean Saurel Beaujour relève un certain recul de la stigmatisation et la discrimination à l’égard des personnes séropositives en Haïti.
« Notre société commence à accepter, quoique sournoisement, les personnes infectées. C’est une avancée significative », estime le secrétaire général de l’Association de solidarité nationale aux personnes vivant avec le sida (ASON).
N’empêche toutefois que l’accès au travail paraît de plus en limité pour les PVVIH, à la fois dans les grandes villes et les campagnes haïtiennes.
S’appuyant sur le fait que la stigmatisation et la discrimination privent les personnes vivant avec le sida de leurs droits et de leur dignité, des PVVIH ont à moult reprises invité le Parlement haïtien à se prononcer sur ce dossier et à se doter d’une commission permanente sur cette pandémie.
Le chemin est encore long
Grosso modo, le diagnostic concernant la lutte contre le VIH en Haïti est encourageant. Mais le chemin est encore lent vu que quatre-vingt-cinq pour cent des PVVIH dans la Caraïbe se concentrent en Haïti et en République Dominicaine.
C’est probablement en regard de ce fossé restant à combler que le directeur général du Ministère de la santé publique tenait des propos pour le moins mesurés, à l’occasion de la journée mondiale du sida, le 1er décembre 2007.
« Nous pouvons dire que la lutte contre le VIH-Sida est fructueuse quand les fonds qui seront disponibles sont bien utilisés de façon à pouvoir augmenter la survie des patients, améliorer leur qualité de vie, leur permettre de trouver des emplois à travers certaines activités génératrices de revenus, leur fournir une alimentation. C’est en ce sens que nous pourrons dire que la lutte contre le VIH_Sida est un succès », a souligné le docteur Gabriel Thimothée. [vs apr 28/07/08 09:20]