Par Marie Visart
P-au-P., 23 juillet 08 [AlterPresse] --- Un nouveau réseau national, dénommé Association des médias communautaires haïtiens (Ameka), a été créé lors d’une rencontre nationale de stations de radios communautaires, organisée les 17 et 18 juillet 2008, au nord de la capitale, par la Société d’animation et de communication sociale (SAKS), a constaté l’agence en ligne AlterPresse.
Cette rencontre, a laquelle a assisté une représentante de l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC), a donné l’opportunité de travailler et de débattre du rôle des stations de radio communautaires dans l’accompagnement au processus démocratique, de l’amélioration de la charte commune, de la création d’un réseau national légal, mais également de la proposition d’un avant-projet de loi en vue d’intégrer pleinement les stations de radios communautaires dans la sphère médiatique publique.
Une vingtaine de radios, membres de SAKS et d’AMARC internationale, en provenance de tout le territoire national, ont pris part à cette rencontre.
Radios communautaires et citoyenneté
Les radios communautaires ont, à l’origine, mené des actions significatives pour l’accompagnement des mouvements sociaux dans l’expression de leur citoyenneté en s’appuyant, plus particulièrement, sur les expériences réalisées au Chili et dans les autres pays d’Amérique Latine, rappelle la chilienne Pia Matta, directrice de la branche AMARC Amérique Latine Caraïbes.
Au Chili, par exemple, des émissions de radio ont été mises en place abordant des sujets, tels le travail des femmes dans des conditions esclavagistes au sein d’une entreprise coréenne, les comportements additifs, la situation préoccupante de certains jeunes scolarisés.
« La gestion de la radio par les jeunes, sans interférence des professeurs pour contrôler et normaliser les émissions, a été une véritable réussite. Nous avons remarqué que cela leur avait permis de développer l’estime de soi et d’opérer un changement dans leur vie”, signale Matta.
D’autres expériences radiophoniques ont été élaborées, notamment dans un hôpital psychiatrique où une radio a été créée pour permettre aux malades de s’exprimer.
“Une expérience hors norme, très intéressante et enrichissante », note Pia.
En confiant aux sans voix des outils de communication et d’expressions, il s’agissait de comprendre comment la radio communautaire peut devenir un instrument fondamental pour vivre ensemble, un instrument privilégié pour débloquer les processus sociaux, en d’autres termes un moteur pour l’économie locale et sociale.
Avant-projet de loi sur les radios communautaires
Les participantes et participants à la rencontre des 17 et 18 juillet 2008 ont examiné attentivement les 4 chapitres constituant un avant-projet de loi pour garantir la liberté d’expression à travers les radios communautaires dans le paysage radiophonique haïtien.
« Quatorze principes ont été établis sur les cadres législatif et réglementaire de 26 pays, dans le cadre de la reconnaissance, la promotion de la radio et la législation communautaire, afin d’en extraire les meilleures pratiques. C’est à partir de cette base, mais aussi de l’article 28 de la Constitution de 1987, et de la Convention Interaméricaine des droits humains ratifiée par Haïti en 1977, que nous avons élaboré ce projet de loi qui place la radio communautaire comme troisième secteur de la radiodiffusion à côté du secteur public étatique et du secteur privé », explique Sony Estéus, directeur général de SAKS.
L’un des chapitres de l’avant-projet de loi propose la mise en place d’un Conseil Consultatif de la radiodiffusion communautaire pour servir de vis-à-vis au Conseil national des télécommunications (Conatel), organisme public régulateur du secteur des télécommunications en Haïti.
Cette démarche s’inscrit dans le prolongement du programme de législation et de droit à la communication, réalisé dans le cadre de la journée mondiale de la liberté de la presse de l’AMARC tenue en février 2008 en Colombie, souligne Extéus.
Le texte de l’avant-projet de loi a été écrit en 2007, lors de colloques d’une commission provisoire, composée, entre autres, des représentants de trois radios membres, d’un représentant de SAKS, d’un professeur des sciences humaines, d’un représentant du Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) et d’un représentant du secteur paysan.
Médias communautaires et plaidoyer pour le changement social
Si certaines conditions sont établies, les médias alternatifs et populaires peuvent jouer un rôle important dans le processus du plaidoyer pour le changement social, avance Gotson Pierre, coordonnateur du Groupe Médialternatif et éditeur de l’agence en ligne AlterPresse.
D’abord, la thématique du plaidoyer doit correspondre aux thématiques que le média a l’habitude de traiter. « l’intervention du média sur la thématique en question ne doit pas paraitre bizarre a son audience », déclare-t-il.
Un autre élément concerne la capacité d’influencer l’opinion publique. Cela « implique (...) une série de conditions liées à la capacité de mobiliser l’audience, la possibilité d’assurer une régularité dans le fonctionnement du média pour permettre la fidélisation de l’audience, la proximité, mais en même temps une certaine distance avec les secteurs sociaux, pour pouvoir bien jouer le rôle de médiation ».
La capacité de médiation est capitale pour pouvoir « assurer le suivi de dossiers, objet de plaidoyer, en prenant en compte tous les secteurs concernés afin de faire ressortir le niveau d’évolution de la question en ce qui concerne l’opinion publique et les décideurs ».
Par ce travail, le média contribue au renforcement des organisations qui conduisent le plaidoyer, en terme « de crédibilité, de leadership, de reconnaissance sociale ou de légitimité » de manière a augmenter l’adhésion à la position défendue par le plaidoyer pour le changement social.
Selon Gotson Pierre, pour être en mesure de produire un tel effet, les médias alternatifs ou populaires doivent fonctionner suivant la logique médiatique.
Un média est un véhicule qui obéit à des règles bien définies et les acteurs des médias alternatifs et populaires doivent faire preuve de « professionnalisme », insiste Pierre.
Avec un produit de qualité, ces médias pourront réaliser une large part d’audience composée d’un public diversifié, condition essentielle pour pouvoir jouer pleinement leur role dans l’avancement de la société, ajoute-il.
La première journée de la rencontre des 17 et 18 juillet 2008 a été conclue avec une conférence-débat de Pia Matta sur le rôle de la femme dans la communication avec les mouvements sociaux. Ce sujet a suscité une participation pertinente de la part de l’assemblée.
La deuxième journée a été centrée essentiellement sur le contexte de création de l’AMARC, son fonctionnement général et les valeurs défendues.
D’autre part, des équipes de travail ont été formées pour améliorer la charte du nouveau réseau national des radios communautaires d’Haïti (Ameka).
Cette rencontre nationale s’est déroulée autour de discussions et débats riches, signe d’intérêt pour le sujet et de la passion qui anime les actrices et acteurs des radios communautaires, a fait valoir Pia Matta dans une allocution finale à l’assemblée. [mv rc gp apr 23/07/2008 0:00]