Par Jean-Marie Raymond NOEL, Ing., MSc
Soumis à AlterPresse le 15 juillet 2008
Enfin ! Cette exclamation de soulagement du président de l’AHTIC (Association Haïtienne pour le Développement des Technologies de l’Information et de la Communication) au milieu de son discours à l’ouverture du Sommet HT, à l’auditorium de l’Université Quisqueya le 16 mai dernier, traduit bien l’accueil fait par le milieu avisé au discours de la veille du Président de la République. C’est en effet la première fois, de Haiti Telecom 1996 à nos jours, qu’un engagement a été exprimé de manière aussi forte, claire et à un niveau aussi élevé. Le milieu était dans l’attente d’un signal des pouvoirs publics reconnaissant le potentiel et l’importance d’un tel secteur pour la croissance et le développement du pays. Le signal est désormais donné, serait-on tenté de dire !
Dans ses propos d’ouverture du Sommet HT 2008, le Chef de l’Etat a lancé le jeudi 15 mai, par la voix du Premier Ministre Alexis, un véritable appel à l’action en identifiant la création d’emplois, l’accroissement des investissements privés, l’amélioration de la compétitivité du pays et la modernisation de l’Etat, comme enjeux de l’exploitation et du déploiement des TIC en Haïti.
Au chapitre de l’emploi et de l’investissement, tout en dégageant l’impact des TIC, en particulier du sous-secteur de la téléphonie cellulaire, sur la croissance enregistrée au cours des dernières années, il encourage les entreprises à explorer l’industrie de l’outsourcing, des centres d’appel et des téléservices, afin que le pays puisse tirer parti des nombreuses opportunités d’emploi existant dans ces secteurs et que d’autres pays caribéens sont en train d’exploiter avantageusement.
S’agissant de l’amélioration de la compétitivité du pays, le Président reconnaît la complexité de l’effort en raison des nombreux autres chantiers connexes, dont les infrastructures, les institutions, la gouvernance économique, la stabilité politique, et la continuité dans le fonctionnement de l’Etat. Il relève à cet effet l’urgence de créer les conditions pour que le pays devienne un pays compétitif, au bénéfice des investisseurs étrangers et haïtiens vivant au pays ou à l’étranger.
Conscient de la difficulté de la tâche, le Chef de l’Etat invite à la mobilisation « san pèdi tan » pour transcender les différences le plus souvent plus apparentes que réelles, et pour bannir l’instabilité et le désordre, la corruption, la contrebande et la fraude fiscale. Cela est d’autant plus nécessaire que le pays a l’immense responsabilité de créer les conditions appropriées pour que les jeunes, formant la majorité de la population, deviennent des citoyens éduqués, responsables et patriotes, et qu’ils puissent mettre à contribution leur potentiel de production et d’innovation dans le domaine du développement de contenus et de la production de logiciels.
En fin de discours, M. Préval indique la voie :
i)en ciblant le secteur des technologies de l’information comme vecteur de croissance ;
ii)en invitant les prestataires de services, les centres techniques, les universités, les professionnels du secteur à travailler ensemble afin de transformer les nombreux cybercafés distribués à travers le pays, les laboratoires des écoles en de véritables centres de production de biens et de services dans les nouvelles technologies ;
iii)en recommandant aux acteurs des TIC de mieux mettre à profit la bonne pénétration du téléphone cellulaire, pour assigner à cet outil de plus en plus présent dans nos villes et nos villages, des fonctions plus structurées comme celle de servir par exemple d’instrument d’alerte précoce lors des saisons cycloniques, ou de canal de sensibilisation ou de prévention contre des pandémies, ou même celle de support à la production de services ;
iv)en appelant à la création d’un nouvel espace économique et social construit sur des partenariats multisectoriels faisant appel aux organes de l’Etat, au secteur privé des affaires, aux associations de la société civile, aux universités afin de promouvoir des solutions innovantes et de soutenir l’exploitation de niches porteuses d’emplois et créatrices de richesses pour les Haïtiens ;
v)en recommandant une attention spéciale, pour les personnes handicapées, sur les questions relatives à l’accès aux réseaux d’information, à l’accessibilité physique des structures collectives, et aux équipements appropriés aux besoins spéciaux ;
vi)et en annonçant la création d’un Groupe de travail multisectoriel sur les technologies de l’information dont le mandat sera de produire un agenda d’actions innovantes appelé à dynamiser l’industrie des nouvelles technologies en Haïti.
Il est vrai que la formule des commissions présidentielles et des groupes de travail n’a pas bonne presse dans notre milieu, le public et les acteurs des milieux spécialisés craignant que le recours à de tels mécanismes ne constitue pour les autorités un prétexte pour différer la décision ou l’action. Mais, il y a lieu de reconnaître que le secteur des TIC, à cause de son rythme de croissance et de l’importance du secteur privé comme moteur de cette croissance, nécessite le recours à un large spectre de compétences qui ne se trouvent pas nécessairement disponibles au sein de l’appareil d’Etat. Le recours à des Task Force, structures temporaires à mandat clair, parait être l’une des meilleures façons de mobiliser les ressources du secteur privé et de la société civile autour d’un défi qui doit interpeller l’ensemble de la nation.
Il faut souhaiter seulement que le Président puisse passer, très rapidement, de la parole au geste, en capitalisant sur la disponibilité exprimée par les acteurs et sur la mobilisation sans précédent qui s’est exprimée lors des débats du dernier Sommet HT.
Contact : raymond.noel@fds.edu.ht