Par Franck Laraque [1]
Soumis à AlterPresse le 11 juillet 2008
La campagne calomnieuse contre Michèle - dite diabolisation - qui n’a jamais été nettement définie n’a pas manqué de provoquer chez les admirateurs de sa mission extraordinaire dans la création et la gestion de la Fondation FOKAL, dont on ne vantera jamais assez les bienfaits, une tentative de rétablir la décente vérité et qui a conduit à sa béatification. Le choc en retour classique. Ainsi se dresse une autre barricade encore plus enflammée entre calomniateurs et panégyristes. Peut-on s’y introduire sans se brûler les ailes ou les manches ? Personne ne peut le garantir.
Il s’avère nécessaire néanmoins de chercher les raisons de cette levée de boucliers contre une femme qui a dans le privé consacré sa vie au bien public. C’est le prix à payer quand on quitte le domaine privé pour s’embarquer dans le domaine politique. Cela semble rappeler ce qui était autrefois chez les Romains le passage néfaste du Capitole à la Roche Tarpéienne. A Rome, nous nous sommes rendu compte de la petite distance qui, en fait, sépare les deux. (« Du Capitole à la Roche Tarpéienne il n’y a qu’un pas ») C’est pourquoi, à tort ou à raison, des individus compétents et hautement qualifiés refusent de risquer leur réputation dans cette jungle dangereuse particulièrement en Haïti où croissent ce qu’on pourrait appeler, à la suite de notre célèbre romancière Marie Célie Agnant, de féroces alligators (Un alligator nommé ROSA , à lire absolument).
Certes, rien n’interdisait des critiques sur le passé politique de Michèle, si l’on pouvait les prouver légitimes, démocratie exige . En effet, elle a un passé politique, quand bien même, elle n’a été ni ministre, ni sénateur, ni député. Son curriculum vitae révèle : 1991 Cabinet du Président Jean-Bertrand Aristide ; 1983-1984 Société Financière Haïtienne de Développement
(SOPIHDES) ; 1979-1982 Autorité Aéroportuaire Nationale de Port-au-Prince et des provinces ; membre fondateur et membre du Conseil de Fondation( FIDES) ; membre du Comité scientifique de la Conférence Internationale sur les Transitions Démocratiques en Haïti, juillet 1995 ; membre du comité de facilitation du Bilan Commun de pays sous la supervision du Premier ministre et du Représentant du PNUD… 2000-2001 ; membre du groupe de la société civile créée par la Banque Inter-Américaine de Développement .
On pourrait aller jusqu’à prétendre que celui (celle) qui brigue la présidence ou la primature doit s’attendre à ce que sa vie privée ne demeure pas inattaquable . En somme, en principe, le Chef de l’Etat et le Chef de gouvernement se présentent à la nation comme des exemples à égaler.
Chercher midi à quatorze heures
Ou tourner en rond autour du pot. Les Haïtiens ont le droit d’être pour ou contre la désignation de Michèle Pierre-Louis. Toute campagne de diffamation est inadmissible et doit être combattue avec la dernière vigueur. Mais là n’est pas la question quant au rôle des parlementaires qui ne doivent céder à aucune pression. Pourquoi ? Parce que la Constitution de 1987 leur prescrit leur rôle de vérificateurs de la validité des dossiers du Premier-Ministre désigné . En effet l’article 157 statue sur la procédure :
Article 157.- Pour être nommé Premier-Ministre, il faut :
l) Être Haïtien d’origine et n’avoir pas jamais renoncé à sa nationalité.
2) Être âgé de trente(30) ans accomplis.
3) Jouir de ses Droits Civils et Politique et n’avoir jamais été condamné à une peine afflictive et infamante.
4) Être propriétaire en Haïti ou y exercer une profession.
5) Résider dans le Pays depuis cinq (5) années consécutives.
6) Avoir reçu décharge de sa gestion si on a été comptable des deniers publics.
En ce qui concerne la nationalité haïtienne, l’article 11 précise : Possède la Nationalité Haïtienne d’origine tout individu né d’un père haïtien ou d’une mère haïtienne qui eux-mêmes sont nés Haïtiens et n’avaient jamais renoncé à leur nationalité au moment de la naissance.
L’article 13 traite de la perte de nationalité de l’Haïtien d’origine. La Nationalité Haïtienne se perd par : a) La Naturalisation acquise en Pays Etranger ; b) L’occupation d’un poste politique au service d’un Gouvernement Étranger.
Si les dossiers du Premier-Ministre prouvent qu’il (elle) remplit les conditions prescrites par la Constitution, les parlementaires n’ont pas le droit de rejeter sa désignation. Ce serait une violation de la Constitution avec toutes les conséquences que cela implique.
Le Premier-Ministre désigné remplissant les conditions prescrites, la Constitution précise la deuxième étape à suivre.
Article 158.- Le Premier- Ministre en accord avec le président choisit les Membres de son Cabinet Ministériel et se présente devant le Parlement afin d’obtenir un vote de confiance sur sa déclaration de politique générale. Le vote a lieu au scrutin public et à la majorité absolue des deux(2) Chambres Dans le cas de vote de non confiance par l’une des deux Chambres, la procédure recommence.
En conséquence, il s ‘agit d’une procédure constitutionnelle simple et claire conciliant les prérogatives de l’Exécutif et du Parlement si les deux Chambres, rejetant toutes pressions, exécutent, comme elles se doivent, les prescriptions de la Constitution de 1987.
[1] Professeur Emérite City College, New York