Par Marie Visart
P-au-P, 17 juin 08 [AlterPresse] --- Différentes organisations non gouvernementales (ONG) ont tenu, ce mardi 17 juin 2008, un rassemblement dénommé « cercle du silence » devant le Parlement européen à Strasbourg (France) pour protester contre un projet de loi qui comprend différentes atteintes aux droits des étrangers, aux garanties démocratiques et aux respect des droits humains, apprend
l’agence en ligne AlterPresse.
Ce rassemblement fait suite à un mouvement initié le samedi 14 juin 2008, au cours duquel des milliers de personnes se sont réunies à Paris pour répondre à l’appel national des associations de défense des droits humains, contre le projet de “directive de retour”, lequel prétendrait harmoniser les législations européennes sur les modalités de rétention et d’expulsion des étrangers.
Cette directive, qualifiée de « directive de la honte » par les manifestants et les organisations non-gouvernementales, intervient dans un contexte de durcissement général des politiques menées par les gouvernements de l’Union Européenne (UE). Ainsi, fixe-t-elle les règles et les normes en matière d’immigration en institutionnalisant la répression et la détention contre les clandestins, sans procès ni justice.
La directive et les droits humains pour une société démocratique
De l’avis des ONG présentes pendant cette manifestation et suivant un rapport d’Amnesty International, cette directive de retour constitue une violation des droits humains sur différents aspects , notamment l’affaiblissement des garanties démocratiques.
Le projet envisagé par l’UE prévoit « un enfermement des étrangers pouvant atteindre dix-huit mois en cas de situation irrégulière. Cet emprisonnement sera décidé arbitrairement par l’administration sans aucun jugement et donc sans possibilité de défense”.
Parallèlement, les personnes vulnérables (femmes enceintes, personnes âgées, victimes de torture,...) ainsi que les mineurs, qu’ils soient ou non accompagnés, au mépris de la Charte des droits de l’enfant, sont passibles de mesures de détention et d’éloignement.
Plus grave encore, le texte permet la détention et l’expulsion forcée des mineurs isolés vers un pays tiers (autre que leur pays d’origine), où ils n’ont ni famille ni tuteur légal.
En outre, il n’est plus imposé aux Etats de fournir un titre de séjour aux personnes souffrant de maladies graves.
Le texte évoque “une systématisation de l’interdiction, du territoire de l’UE, pendant cinq ans pour les personnes expulsées”, ce qui revient à les exclure et les criminaliser. Cette durée peut même être allongée si l’administration estime qu’il y a “menace grave à l’ordre public”.
Il est prévu un “renvoi des étrangers vers les pays, par lesquels ils n’ont fait que transiter, sans qu’ils aient un lien réel avec ces pays”, ainsi que la “suppression de l’obligation pour les Etats membres de fournir l’aide juridictionnelle gratuite."
Aux yeux des organismes internationaux de défense des droits humains, cette directive viole les articles 2, 3, 5, 6, 7, 8 et 9 de la Déclaration universelle des droits humains de 1948, en particulier l’article 13 qui énonce : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ».
Bref historique
A partir de la fin de 2002, l’Union européenne a entamé une série de consultations en vue d’aboutir à ce qu’elle appelle “lharmonisation des législations en matière de détention et d’éloignement d’immigrés en situation irrégulière”.
Un plan d’action, avec des normes et des mesures communes, a été mis en place à cet effet, afin de reconduire les personnes en situation irrégulière.
En septembre 2005, la Commission européenne a fait une proposition de “directive sur le retour”, par la mise en place d’un Fond commun visant à optimiser l’efficacité de l’expulsion.
Puis, en mars 2006, le Parlement européen a saisi la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) en vue d’annuler cette directive qui a été décidée par les gouvernements, sans l’aval de la CJCE.
Durant l’année 2007, la commission des libertés du Parlement a voté un compromis sur le rapport préparé par le député allemand, Manfred Weber. Le vote en plénière, initialement prévu pour novembre 2007, avait été reporté à janvier 2008.
Réuni le 5 juin dernier [2008], le Conseil des Ministres de Justice et des Affaires intérieures des 27 pays membres a approuvé cette proposition, qui devrait etre soumise ce 17 juin, sous forme d’amendement au rapport Weber, au vote du Parlement, l’autre institution chargée de l’examen de son contenu et de son adoption.
L’Europe a toujours été connue comme un continent d’accueil. Mais, pour le 21 e siècle, elle semble choisir un repli sur elle-même.
A l’heure actuelle, ce sont douze millions de sans papiers qui sont à la merci d’une reconduite à la frontière, d’une expulsion, d’une interdiction d’accès au territoire européen.
Par cette loi [si elle est approuvée par le Parlement européen], affirment les organismes internationaux de défense de droits humains, l’Union européenne “envoie un message clair au monde entier, en exprimant son hostilité à l’égard des ressortissantes et ressortissants des nations extérieures à la Communauté européenne”.
Il s’agit là de “politiques répressives”, lesquelles “suivent la logique des mesures mises en place, telles l’harmonisation des visas, la création de l’agence Frontex sise à Varsovie, les sanctions contre l’aide à l’immigration clandestine, la création du fichier Eurodac centralisant les empreintes des demandeurs d’asile et des étrangers reconduits à la frontière”. [mv rc apr 17/06/2008 17:20]