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Haïti : de nouveaux remous à la suite de l’assassinat de l’enfant terrible de Raboteau

P-au-P., 24 sept. 03 [AlterPresse] --- Une nouvelle manifestation de protestation contre la disparition brutale de Amiot Métayer a eu lieu ce 24 septembre aux Gonaïves. Les partisans du chef de bande pro-lavalas réclamaient la démission du président Jean Bertrand Aristide.

Les échauffourées entre les manifestants et la police ont fait cinq blessés par balles. La manifestation avait à sa tête le frère du disparu, Peter Métayer, et le nommé Jean Tatoune, ancien condamné à perpétuité dans le cadre du procès du massacre de Raboteau en 1994, et qui s’était, tout comme métayer, évadé de la prison des Gonaïves, en compagnie de nombreux autres criminels dangereux, le 2 août 2002.

Jean Tatoune a promis de poursuivre la mobilisation anti-Aristide et fait savoir que la dépouille de Métayer ne sera pas inhumée tant que le leader de Fanmi Lavalas ne quittera pas le pouvoir.

Des Gonaïviens ont commencé à fuir la ville. La police a quadrillé plusieurs points du Haut Artibonite, notamment le fief de Métayer, Raboteau. Presque toutes les activités sont paralysées aux Gonaïves.

Selon le directeur de la police judiciaire, le commissaire Jude Perrin, un avis de recherche a été lancé contre Paul Odonel, le chef d’organisation pro-lavalas en compagnie duquel Amiot Métayer avait laissé sa résidence le 21 septembre dernier. Le domicile de la mère de ce militant lavalas a été saccagé et le mobilier incendié ce 24 septembre par les partisans de Métayer, en signe de représailles.

Le gouvernement lavalas a, par le biais du ministre de l’intérieur Jocelerme Privert, condamné l’assassinat de Métayer qui s’apparente, selon lui, aux actes de banditisme enregistrés ces derniers temps à travers le pays. Ce crime ressemble aussi, selon le gouvernement, à ceux perpétrés par un « bras armé de l’opposition » dans la région du Plateau Central, dont la communauté paysanne de Pernal.

Jocelerme Privert assure que l’Exécutif prendra toutes les dispositions pour neutraliser les malfaiteurs et les bandits. Le ministre de l’intérieur a promis « une enquête célère et approfondie » en vue de déterminer les circonstances de l’assassinat, d’appréhender ses auteurs et les traîner devant la justice.

Mais les organisations de droits humains ne prêtent pas foi aux promesses du titulaire du ministère de l’intérieur. Pour Maxime Rony de la Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains, l’enquête aurait dû être conduite par une institution indépendante, vu la vassalisation de la Justice par l’Exécutif et en particulier le président Jean Bertrand Aristide.

Maxime Rony a cité en exemple les péripéties qu’avait connues le juge Claudy Gassant - actuellement en exil aux Etats-Unis - dans l’instruction de l’affaire du journaliste Jean Dominique, assassiné le 3 avril 2000 en compagnie d’un gardien de Radio Haïti Inter, Jean Claude Louissaint.

Auparavant, la mission spéciale de l’OEA avait déploré le fait que le chef de « l’armée cannibale » ne pourrait plus témoigner devant la justice concernant les graves faits qui lui étaient reprochés. Le nom de Amiot Métayer figurait en tête de liste dans un rapport d’investigation de l’organisation hémisphérique concernant les actions punitives des partisans de Jean Bertrand Aristide contre les partis de l’opposition, le 17 décembre
2001.

L’opposition et plusieurs autres secteurs organisés du pays ont condamné l’assassinat du chef de bande lavalas. Evans Paul, ancien maire de Port-au-Prince et membre du Directoire de la Convergence Démocratique, a dénoncé ce qu’il appelle « la pratique lavalassienne d’éliminer les chimères après avoir utilisé leurs services ».

L’assassinat de Amiot Métayer est venu aggraver une situation générale délétère marquée notamment par une impasse politique vieille de plus de trois ans et une détérioration de la situation des droits humains et de la liberté d’expression en particulier.

L’OEA, dont plus d’une vingtaine de missions a fait fiasco en Haïti depuis les élections contestées de l’année 2000, met encore le cap sur son « rôle de facilitation », de plus en plus dans l’impasse en regard de la polarisation accélérée du débat entre les principaux protagonistes de la crise politique.

Une réunion sur la crise haïtienne, que tentait d’organiser ce 24 septembre un ancien colonel de l’ancienne armée d’Haïti, Himmler Rébu, a été boudée par la classe politique, des organisations civiques et le corps diplomatique. [vs gp apr 24/09/2003 19:20]