Par Castro Desroches
Soumis à AlterPresse le 14 juin 2008
Barack Obama vient à peine de remporter l’investiture du parti Démocrate et déjà il se trouve confronté à un premier drame. Que faire de l’ancienne Première Dame Hillary Rodham Clinton ? Faut-il lui offrir le ticket de candidate à la vice-présidence ou l’écarter avec élégance ? Écarter Hillary serait considéré par beaucoup de Démocrates comme un crime de lèse-majesté. Pour les nostalgiques de l’ère Clinton, Hillary, avec ses 18 millions de votes aux élections primaires, mérite l’opportunité de se frayer une nouvelle voie vers la Maison Blanche. Le rejet de sa candidature à la vice-présidence serait perçu par beaucoup de féministes comme une manifestation du machisme traditionnel. Les États-Unis sont classés 72e quant à la représentativité politique des femmes. Obama risque de passer pour le vilain mâle alpha qui refuse de collaborer avec une femme politique trop puissante. Par contre, ceux qui veulent faire table rase du passé pensent que récupérer Hillary reviendrait à perpétuer la dynastie des Clinton et des Bush qui a dominé la vie politique américaine pendant plus d’un quart de siècle. Pendant que les pressions s’exercent de toutes parts, Obama semble vouloir prendre son temps. Il refuse de céder au chantage tout en n’excluant pas une alliance stratégique avec l’ancienne Première Dame.
Une candidature conjointe Obama-Clinton représenterait un avantage énorme pour le parti Démocrate. Ce serait en quelque sorte un « dream team », un « dream ticket » pour éviter ce que Barack Obama appelle « un troisième mandat de George W. Bush » en la personne du candidat Républicain John McCain. La Sénatrice de New York, Hillary Clinton, et le Sénateur de l’Illinois, Barack Obama, viennent à point nommé dans une Amérique en crise pour prêcher le nouvel évangile du changement vers une société post-raciale résolument engagée dans la voie du capitalisme à visage humain.
Une alliance Obama-Clinton serait également une manière assez pratique de réunifier le parti Démocrate et de panser les plaies que les deux adversaires se sont cordialement infligées pendant les cinq derniers mois. La course électorale aux États-Unis n’est pas un dîner de gala et les attaques personnelles ont été très virulentes pendant les Primaires. Hillary Clinton a essayé de présenter le Sénateur noir-américain Barack Obama comme un bleu. Une jeune recrue de 46 ans qui n’est pas encore prête à assumer le rôle de Commandant en Chef. De son côté, Bill Clinton à qualifié certaines déclarations d’Obama de « contes de fée » et a comparé sa candidature à celle de Jesse Jackson. Conclusion : il peut gagner quelques États à majorité noire mais il ne peut pas remporter les élections Primaires. Les Clinton qui ont gagné plus de 100 millions de dollars pendant les sept dernières années ont même voulu prendre une posture populiste en qualifiant Obama d’élitiste. L’attaque la plus curieuse est probablement celle de Géraldine Ferraro qui a affirmé qu’Obama n’aurait pas tant de succès s’il n’était pas un Noir. Ah ! La Négritude n’est plus ce qu’elle était. Les attaques contre Obama ont été si agressives que la communauté afro-américaine en est sortie très offusquée. Elle a abandonné les Clinton pour se rallier derrière Obama à plus de 90%.
Un autre facteur de division dans les rangs du parti Démocrate a été le refus d’Hillary Clinton d’abandonner la course électorale même quand il est apparu à tout le monde qu’elle avait irrémédiablement échoué. Elle a violé ainsi le code d’élégance et de fair-play qui caractérise souvent la compétition électorale aux États-Unis. Sur le plan de la politique intérieure, les Américains n’aiment pas les mauvais perdants. À force d’insister, Hillary a commis la faute capitale en invoquant à deux reprises l’assassinat du jeune candidat Démocrate Bobby Kennedy en juin…1968. Lapsus freudien, cynisme ou candeur ? À vous de décider. En tout cas, ce fut la dernière goutte de…sang qui fit renverser Hillary.
Obama de son côté n’a pas toujours été très tendre envers Hillary Clinton. Il lui a souvent reproché le soutien apporté aux Républicains dans la guerre d’Irak. Pour Obama, Hillary Clinton appartient au passé. Elle est l’incarnation de la politique traditionnelle des lobbyistes de Washington. Toutefois, Hillary reste très populaire parmi les femmes, les Démocrates conservateurs et les blancs âgés. Certains de ses partisans affirment clairement que si elle ne participe pas aux élections de novembre, ils s’abstiendront de voter ou voteront John McCain. Hillary bénéficie encore du support d’une bonne partie de l’establishment démocrate. Ancienne Première Dame des États-Unis, elle maîtrise bien les grands dossiers et a particulièrement brillé au cours des débats publics avec Obama. Elle a une aura d’intellectuelle féministe et de militante pour un système universel de santé pour les Américains. Elle est une fonceuse, une concurrente tenace et expérimentée qui représenterait un adversaire de taille face à John McCain, un vétéran de la guerre du Viêt Nam.
Hillary Clinton peut-elle jouer un rôle de figurante ou de « femme de paille » après avoir été pendant huit ans une Première Dame très active ? Arrivée une nouvelle fois à la Maison Blanche, on craint qu’elle n’entre en conflit ouvert avec Barack Obama, si celui-ci parvenait à remporter les élections présidentielles de novembre. Il faut dire également que celle qui deviendrait dans ce cas la Première Dame, Michèle Obama, ne manque pas d’autorité et de charisme. La cohabitation de tous ces egos inégaux risque de créer un soap opera politique plein de rebondissements. Et cela sans compter, l’incontournable Bill Clinton dont le mandat présidentiel s’est terminé dans l’infamie à cause de son penchant particulier pour les femmes et qui aujourd’hui encore ne demande pas mieux que de succomber à toutes les tentations.
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