Intervention de Fritz Deshommes, Vice-Recteur à la Recherche (UEH), lors d’une table ronde le 9 juin écoulé, dans le cadre de l’année de commémoration du soixantième anniversaire de la mort du grand peintre haïtien Hector Hyppolite
Document soumis à AlterPresse le 10 juin 2008
Lorsque, en décembre 2007, le Professeur Michel Philippe Lerebours nous faisait part de son souhait d’associer l’Université d’Etat d’Haïti à la célébration du 60e anniversaire de la mort d’Hector Hyppolite, nous avions spontanément acquiescé au projet. Nous avions même considéré cette offre comme une heureuse opportunité.
A l’époque, nous venions de réaliser le Colloque International Jacques Roumain et des tables rondes sur Jacques Roumain dans une dizaine de villes de province. A cette occasion nous nous sommes rendus compte de l’existence d’une jeunesse en quête de modèles et de repères, mais également de l’enthousiasme montré pour une meilleure connaissance des grands noms, hommes et femmes, chacun dans son domaine particulier, qui ont marqué, façonné l’histoire de notre pays.
Nous avions alors pris la résolution de célébrer chaque année un de ces personnages-phares, penseurs, philosophes, créateurs, écrivains, pouvant servir d’exemple à la nation et à la jeunesse désemparées.
Notre enthousiasme par rapport à Hector Hyppolite s’explique par trois raisons fondamentales :
la capacité de création de celui qu’on a appelé le « Maître » ;
ses origines sociales ;
son domaine d’excellence.
Hector Hyppolite est un créateur né. Il est créateur d’œuvres picturales extraordinaires. Il est créateur d’école, créateur d’instruments, créateur de techniques picturales. Sa créativité part de sa personnalité propre, de ses croyances profondes, de son milieu naturel, de son environnement. L’UEH s’intéresse particulièrement à la capacité qu’il a montré à assumer, à exprimer sa philosophie, sa vision du monde, son identité, ses valeurs profondes. Au moment où l’UEH est en train de se lancer dans un vaste programme de valorisation des savoirs locaux, dont les recherches actuelles sur la médecine traditionnelle haïtienne constitue le premier jalon, Hector Hyppolite se révèle pour nous un inspirateur de premier plan.
Hector Hyppolite n’a pas fait de grandes études classiques. Il trimait durement pour gagner sa vie. Il était cordonnier. Il était décorateur, peut-être même bracero à Cuba. Cela ne l’a pas empêché d’être un modèle, un exemple, un ambassadeur de la culture nationale, un patriote. Au même titre que celui que nous avions célébré l’an dernier, Jacques Roumain, lui-même issu d’une famille aisée, un homme de grande culture qui a étudié en France, en Allemagne, en Suisse, aux Etats-Unis.
La moralité en est que, dans notre pays, les valeurs, les ressources, les modèles se retrouvent dans toutes les couches sociales, dans tous les coins géographiques, dans toutes les religions. Nous devons apprendre à les chercher, à les identifier, à les promouvoir, sans complexe, sans préjugé, l’esprit ouvert sur le meilleur de nous-mêmes.
Le domaine d’excellence d’Hector Hyppolite mérite toute notre attention. N’est-il pas vrai que, sans beaucoup d’efforts de notre part, nous sommes connus à l’étranger pour notre peinture, pour notre créativité ? Ne dit-on pas de nous que nous sommes un peuple de peintres ? Mais en faisons-nous vraiment cas ? Avons-nous jamais pris le temps d’y réfléchir ? Avons-nous jamais pensé à la manière d’intégrer cette richesse, ce talent, ce don dans le cadre de notre développement culturel, artistique, économique et social ? Que savons-nous vraiment de notre peinture, de nos grands peintres, de leurs œuvres magistrales ?
Pour toutes ces raisons, il est opportun de braquer nos projecteurs sur Hector Hyppolite, sur sa peinture, sur la peinture et l’art haïtiens en général.
A l’UEH, notre programmation débute cet après-midi même à la Faculté d’Ethnologie où se tient une table ronde de lancement de l’année autour du thème : « Hyppolite le créateur, Histoire et Modernité ». Elle sera clôturée en juin 2009 par un Colloque International sur Hector Hyppolite. Entre les deux et durant toute l’année, des tables rondes, des conférences, des journées d’études seront organisées dans toutes nos Facultés et Ecoles de Port-au-Prince et des villes de province. Nous en profiterons pour encourager la recherche sur le peintre, sur sa vie, sur son œuvre, sur son époque, sur son milieu d’éclosion. Autant de paramètres sur lesquels nous avons encore beaucoup à apprendre.
Au nom du Conseil Exécutif de l’UEH et en mon nom propre, je voudrais présenter mes plus chaudes félicitations et mes plus vifs remerciements au Comité d’Organisation de l’Année Hector Hyppolite.
A tous, je souhaite, « Bonne Année Hector Hyppolite »