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HaitiWebdo, Numéro 48

La grande nouvelle de cette semaine en Haïti est celle de la mort par balles du puissant chef d’organisation proche du pouvoir lavalas, Amiot Metayer, qui était également à la tête d’un groupe armé appelé " L’armée Canibale ". Ce fervent partisan du président Jean Bertrand Aristide a été retrouvé mort dans la nuit du 22 au 23 septembre à Saint-Marc, département de l’Artibonite (Centre-Ouest du pays).

DES BALLES POUR AMIOT METAYER

Plusieurs traces de projectiles ont été relevées sur le cadavre d’Amiot Métayer, dont deux balles au niveau des yeux et une autre balle à la tête, ont confirmé des correspondants de presse à Saint-Marc, tôt dans la matinée du 23 septembre.

Le maire de Saint Marc, Paul Pollux, a expliqué à la presse que le corps de la victime a été retrouvé le 22 septembre dans les parages de la ville sans que le cadavre ait été identifié. Ce qui a été fait en début de journée du 23 septembre par des proches de Métayer, venus des Gonaives.

Le cadavre, qui commençait à entrer en putréfaction, a été ramené peu de temps après aux Gonaives, ville natale et fief de Métayer. L’émotion était vive dans la ville où des milliers de personnes ont manifesté contre le pouvoir en place, rendant le Président Jean Bertrand Aristide responsable du meurtre. Toutes les activités étaient paralysées aux Gonaives, selon des rapports concordants des correspondants locaux.

Les proches de Métayer ont précisé que la victime a été vue pour la dernière fois le 21 septembre dans l’après-midi, lors qu’il est parti en compagnie du nommé Odonel Paul, présenté comme un employé du palais national. Odonel Paul est connu dans les milieux lavalas et a travaillé dans plusieurs institutions publiques, dont le Ministère de l’Intérieur et la Télévision Nationale d’Haïti.

Réactions

Le gouvernement a réagi avec prudence au décès d’Amiot Metayer. « Il faut attendre les rapports de police pour qu’une enquête soit ouverte et que la justice se saisisse du dossier », a déclaré à la presse le Secrétaire d’Etat à la Communication, Mario Dupuy.

Cependant, Dismy Cesar, membre du cabinet particulier du Chef de l’Etat, a pointé du doigt de manière voilée l’opposition et la Communauté internationale dans le meurtre de Metayer. « Ceux qui demandaient l’arrestation de Métayer depuis 2 ans ont finalement eu raison de lui », a affirmé le conseiller du président à Radio Kiskeya.

Sans faire référence directement à de récentes déclarations de l’ex ambassadeur de France Yves Gaudeuil, qui, a la fin de son mandat, la semaine dernière, prédisait des moments difficiles pour le pays, Dismy Cesar a souligné que « la tempête a commencé à Cité Soleil (bidonville de la capitale où il y a eu de récentes violences) et le tonnerre a grondé aux Gonaives »

C’est la même ligne qui a été adoptée par les organisations proches du pouvoir à Port-au-Prince. Des responsables connus de ces organisations, René Civil et Paul Raymond, ont tiré à boulets rouges sur l’opposition et la communauté internationale.

Du côté de l’opposition, Evans Paul, de la Convergence Démocratique, a déclaré que la mort d’Amiot Métayer a suscité une « grande émotion ». Pour lui, il s’agit d’une « mort politique », résultant d’une « action machiavélique ».

« Nous sommes choqués par le décès d’Amiot Metayer », a pour sa part affirmé
le chef de la Mission de l’Organisation des Etats Américains en Haiti David Lee, dans des déclarations faites à la radio.

David Lee a exprime l’espoir que les autorités vont conduire une « enquête approfondie », publier et donner suite aux résultats. Il a réclamé entre-temps « une autopsie professionnelle » du cadavre.

« Il est regrettable que Monsieur Metayer ne pourra jamais être appelé à témoigner dans cette affaire », a regretté David Lee en soulignant l’implication, établie par l’OEA, d’Amiot Metayer dans les violents événements politiques du 17 décembre 2001.

Ce qui s’est passé est « triste », a déclaré Pierre Espérance de la Coalition Nationale pour les Droits des Haïtiens (NCHR). Il a souligné que « le droit à la vie est fondamental ». Il a rappelé avoir « toujours exigé l’arrestation » de Mateyer pour les actes qui lui étaient reprochés. La NCHR a demandé à la justice de prendre les dispositions nécessaires en commençant par émettre une interdiction de départ contre Paul Odonel.

« L’assassinat, prévu et annoncé, de Amyot Métayer, ne fait qu’illustrer l’impuissance du pouvoir en place de résoudre ses problèmes dans le cadre de la loi », a, pour sa part, indiqué le Centre Oecuménique des Droits Humains, dans un communiqué signé de Jean-Claude Bajeux.

Rappel

Amiot Metayer a été accusé d’implication dans plusieurs actes de violence, particulièrement celles exercées contre l’opposition en décembre 2001, suite à l’annonce, par le pouvoir en place, d’un « coup d’Etat ». Plusieurs personnes avaient été tuées et blessées, des bureaux de partis politiques des résidences de responsables de l’opposition, saccagées et incendiées.

Aux Gonaives, la résidence de Luc Mesadieu du Mouvement Chrétien pour une Nouvelle Haiti (MOCHRENA) a été incendié et un de ses gardes du corps brûlé vif.
Le rapport d’une commission d’enquête de l’OEA a nommément cité Amiot Metayer comme principal responsable de ces actes.

Arreté en juillet 2002, Amiot Métayer s’était enfui de prison en août de manière spectaculaire. Ses partisans avaient renversé le mur de la prison, causant l’évasion de 159 autres prisonniers, dont des condamnés à perpétuité.

Après cette action, Amiot Métayer et ses partisans avaient publiquement défié la police et proclamé leur divorce d’avec le pouvoir lavalas, appelant même à la démission du président Aristide.

Amiot Métayer avait laissé entendre qu’il a été sollicité par des personnalités du pouvoir pour conduire les opérations punitives du 17 décembre 2001.

La Présidence avait, à l’époque, mis en garde contre toute utilisation de la manière forte pour capturer Amiot Métayer. Une délégation conduite par un membre du cabinet du chef de l’Etat, Jose Ulysse, s’était rendue expressément le 5 aout aux Gonaïves en vue de faire la paix avec le fugitif. (Voir : « Troubles aux Gonaives : l’"armée cannibale" défie la police et la justice »)

Amiot Métayer n’est pas le premier puissant chef de bande proche de lavalas, décédé dans des circonstances troubles. Avant lui, il y avait, entre autres, le Directeur du Cimetière de Port-au-Prince, Félix Bien-Aimé, porté disparu en septembre 2002. (Voir : « Aristide promet de faire la lumière sur la disparition de Félix bien-aimé » in HaitiWebdo # 29)

Il y avait aussi Ronald Camille dit « Cadavre », mort en détention en mars 2003 des suites de problèmes pulmonaires, selon ce qui avait été annoncé. Il avait été arrêté en mars 2002 alors qu’il allait accueillir le Chef de l’Etat qui revenait de l’étranger.