Communique du GRALIP
Port-au-Prince, le 22 septembre 2003
Le Groupe de Réflexion et d’Action pour la Liberté de la Presse (GRALIP) exprime ses profondes préoccupations face aux déclarations extrêmement graves du Secrétaire d’Etat à la Communication Mario Dupuy, annonçant à mots couverts la fermeture prochaine, de Stations de Radio, en particulier du Cap-Haïtien, pour leur implication présumée dans une campagne d’incitation à la violence.
Le GRALIP souligne à l’attention de toutes les portions saines de la corporation journalistique, la menace potentielle que représente, pour n’importe quel média politiquement indépendant, l’application éventuelle des mesures annoncées par Monsieur Dupuy, attentatoires au principe universel de la liberté de la Presse et aux valeurs républicaines de la Constitution de 1987.
Le GRALIP, sous réserve de vérification des dires de Mario Dupuy, rappelle au Secrétaire d’Etat Lavalas que les appels aux meurtre ou à la violence, auxquels il fait référence, sont considèrés comme des délits de presse qui relèvent des tribunaux de droit commun du point de vue pénal.
Or, dans ses menaces à peine voilées contre une station d’opposition, de la deuxième ville du pays, l’infatigable défenseur des dérives du pouvoir, s’est employé à dénoncer un hypothétique délit politique, consécutivement à la double manifestation du dimanche 14 septembre 2003, au Cap-Haïtien.
Le GRALIP estime en outre que le Pouvoir Lavalas- encore moins son Secrétaire d’Etat à la Communication - n’a aucune qualité morale, ni prérogative constitutionnelle pour ranger des Stations de Radio Haïtiennes dans la catégorie des médias de la haine qui furent, en 1994, à l’origine du génocide Rwandais, en attisant les conflits interethniques entre Hutus et Tutsis. Va-t-on bientôt assister à des descentes de police dans des Stations de Radio, comme un certain 28 Novembre 1980 ?, s’interroge le GRALIP.
Ici, toutes les honnêtes gens constatent que les medias d’Etat (la Télévision Nationale, la Radio Nationale et l’Union) placés sous la tutelle du Régime Lavalas, sont ouvertement fanatiques, dominés par un discours et des idées exclusivistes.
Ils constituent, ce faisant, un champ de ruines, où les valeurs démocratiques sont quotidiennement piétinées et le brasier des antagonismes sociaux ravivé, dans une perspective politique mesquine et revancharde basée sur la promotion systématique de la haine et de la violence.
Le GRALIP est d’ailleurs convaincu, qu’à terme, on ne pourra pas faire l’économie d’un vrai débat de société sur l’avenir et le statut de ces médias d’Etat budgétivores, qui utilisent l’argent des contribuables au détriment des intérêts de la nation, au mépris du droit à l’information du public, des valeurs et responsabilités liées au métier de journaliste.
Le GRALIP note aussi que ce raid du pouvoir contre la liberté de la Presse, survient quelques jours seulement, après que la mission spéciale de l’OEA ait procédé à une étonnante classification bipartisane des médias haïtiens : Presse lavalas versus Presse d’opposition.
Par ailleurs, des informations crédibles font état de menaces de mort ciblées, proférées par des policiers et attachés du Bas Plateau Central, contre les correspondants de Radio Kiskeya, Radio Vision 2000, Radio Métropole, Radio Caraïbes, Radio Guinen et Radio Plus. Ces confrères ont dû se mettre à couvert pour échapper à la fureur du commissaire (de police) Josaphat Civil, sur qui pèsent de lourdes accusations dans l’assassinat des fils de Viola Robert, exécutés sommairement à Carrefour, le 7 décembre 2002.
Le GRALIP juge inacceptable cette tentative de retour au statu quo ante, dont l’objectif final est la neutralisation, puis la disparition des courageux médias et journalistes régionaux, de plus en plus impliqués dans la vie communautaire à travers des émissions d’opinion et d’analyse critique. En janvier 2003, une demi douzaine de correspondants, pris en chasse par les OP lavalas des Gonaives, avaient dû s’exiler.
Dans le même temps, le GRALIP apprend que le correspondant de Radio Vision 2000 à Léogane, Peterson Milord, récemment désigné à la vindicte public par le père « lwijanboge » Fritz Sauvagère , n’est toujours pas au bout de ses peines. Enlèvement présumé, incendie de la résidence du confrère, tracasseries policières répétées. Bref, une série d’épisodes troublants sur lesquels le GRALIP se garde, pour l’instant, de se prononcer formellement, tout en exigeant le retour à la normale de la vie familiale et professionnelle de Milord.
Sur un autre plan, le GRALIP déplore l’incident au cours duquel des journalistes de Télé Timoun ont été expulsés d’une rencontre du Groupe des 184, le 12 septembre 2003. Cependant, il est nécessaire de rappeler à la Rédaction de cette télévision privée, que la charte des devoirs professionnels impose aux médias des servitudes absolues telles le respect de la vérité, l’interdiction de déformer la parole, de travestir la pensée d’un groupe ou d’un individu, l’interdiction pour un média de jouer le rôle d’indicateur de police.
Le GRALIP assimile à de graves menaces d’intimidation l’offensive de plusieurs hauts responsables du pouvoir et de la police contre la presse indépendante.
Le Groupe de Réflexion et d’Action pour la Liberté de la Presse trouve paradoxal que, la ministre de l’éducation nationale, Marie carmelle Paul Austin, soit prête à exercer des poursuites judiciaires conte des medias indépendants pour diffamation, alors que son autorité est contestée directement par son directeur général qui l’a publiquement accusée de détournement de fonds.
Le GRALIP tient aussi à condamner l’attaque en règle du directeur de l’aministration pénitentiaire nationale (APENA), Clifford Larose, contre la Presse Indépendante, en raison d’une déclaration de l’ex-PDG de la coopérative « Cœurs Unis », David Chery, mettant en cause la responsabilité de plusieurs dirigeants hauts placés, dont monsieur Larose, dans la faillite des coopératives financières.
Le GRALIP juge déplacées et tendancieuses les critiques de Clifford Larose concernant l’absence d’éthique et la pratique du sensationnalisme qui caractériseraient des médias qui ne lui ont pas offert le confortable abri du silence, dans le psychodrame des sociétaires ruinés.
Indépendamment du statut pénal de David Chéry, il est de la responsabilité des médias de diffuser des révélations qui gagnent en importance lorsque le système judiciaire est mis sur une voie de garage ; lorsque l’opacité institutionnelle, la séquestration de l’information et la perversion des organes étatiques empêchent tout exercice d’investigations journalistiques sur des sujets d’intérêt public aussi sensibles.
Le Groupe de Réflexion et d’Action pour la Liberté de la Presse lance aux confrères et consoeurs un appel à la concertation et à la définition urgente d’une stratégie de lutte, face aux déchaînements des sentiments fascistes qui s’agitent contre l’institution de la Presse, gardienne des libertés et mécanisme d’entretien par excellence de tout système démocratique.
Vario Sérant, Coordonnateur Principal
Stéphane Pierre-Paul, Assistant-Coordonnateur
Ronald Colbert, Administrateur