Par Danièle Magloire, Enfofanm
A propos de la pièce « Les Monologues du Vagin », de l’américaine Eve Ensler, programmée dans le cadre du Festival "Les quatre chemins", prévu du 18 au 27 septembre à Port-au-Prince
En offrant aux communautés de femmes du monde entier sa pièce de théâtre « Les Monologues du Vagin », l’américaine Eve Ensler s’inscrit résolument dans une longue tradition de sororité. En effet, le sujet est traité dans une optique valorisante pour les femmes et les rentrées provenant des représentations doivent alimenter un fond destiné à soutenir des actions pour contrer la violence spécifique envers les femmes.
Une telle démarche ne pouvait qu’interpeller les féministes haïtiennes, notamment les organisations engagées au sein de la CONAP (Coordination Nationale de Plaidoyer pour les Droits des Femmes), dont les préoccupations portent notamment sur les droits sexuels/reproductifs et la violence. En tant qu’organisation féministe, membre de la CONAP, et donc résolument engagée dans les démarches de plaidoyer, il importait pour ENFOFANM de souligner les liens entre ces monologues fulgurants et les Rèl Fanm/Cris des Femmes haïtiennes. D’où les activités organisées par ENFOFANM d’une part, avec le Théâtre de Poche de Bruxelles (qui présentera « Les Monologues du Vagin » dans le cadre du Festival Les Quatre Chemins) et une organisation féministe du Brésil (spécialisée dans les questions liées à la sexualité) et, d’autre part, avec d’autres organisations membres de la CONAP : représentations déthéâtralisées et suivies de débats des « Monologues du Vagin » à Jacmel (avec Fanm Deside Jakmèl) et au Cap (avec AFASDA/Asosyasyon Fanm Solèy D Ayiti) et, à Port-au-Prince, atelier sur la sexualité, lectures et causeries autour des Monologues avec le Collectif des Femmes Universitaires.
Ces monologues de femmes d’ailleurs, venant d’horizons divers, dépeignent des réalités connues et communes aux femmes d’Haïti ; des réalités qui traduisent un même déni de droits : droits de se poser en tant que personne à part entière et donc en tant que citoyenne ; droit de vivre librement et de manière épanouissante sa sexualité ; droit de choisir et de refuser que sexualité rime fatalement avec grossesse forcée, non désirée ; droit de dire NON à la violence quotidiennement infligée en raison du simple fait d’être femme ; droit absolu de s’insurger contre l’inégalité morale décrétée par une société qui institutionnalise la suprématie masculine.
Les échos de ces monologues trouvent une résonance particulière dans l’Haïti d’aujourd’hui ; une Haïti dans l’émoi, blessée à vif au plus profond d’elle-même ; une Haïti plongée dans la misère matérielle et morale ; une Haïti où les effets des crises politiques et économiques se combinent si bien aux avatars de la globalisation néolibérale pour exclure des soins de santé des segments de plus en plus importants des populations. Les femmes sont concernées au premier chef car, elles doivent porter et donner la vie dans des conditions qui mettent généralement en danger leur vie. Leur commune Condition Féminine implique qu’il leur incombe de devoir prendre soin des autres pour les garder en vie ce, sans pouvoir compter sur des services de santé accessibles et adéquats, sans pouvoir recourir à un système de protection sociale. Et la violence - quelle soit politique, civile, familiale, conjugale - est la toile de fond sur laquelle se déroule le quotidien des femmes, celui des populations en général ; des populations livrées à elles mêmes mais qui tentent de résister aux coups de butoir de la tyrannie du pouvoir Lavalas en place.
La quête qui a conduit à l’écriture de « Monologues du Vagin » fait que cette pièce de théâtre est appropriable par les femmes du monde entier ; celles qui désirent donner à la sororité tous les visages de la compréhension, de l’écoute et du partage. Celles qui veulent emprunter tous les chemins de la vie pour aller à la rencontre des femmes et des hommes, pour plaider la nécessité de construire de nouveaux rapports entre les sexes ; des rapports équilibrés et épanouissants qui nous permettrons collectivement de travailler à la nécessaire refondation d’une société haïtienne plus soucieuse de la vie et de ses droits.
Pour que résonne la parole des femmes, pour aider les actions contre la violence, ENFOFANM soutient et vous invite à soutenir la représentation « Des Monologues du Vagin », par le Théâtre de Poche de Bruxelles, qui aura lieu les 18 et 19 septembre 2003, à 6H00 PM, au Forum Eldorado (Place Jérémie).
Port-au-Prince, le 16 septembre 2003
Danièle Magloire, Enfofanm