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Le café : L’or noir d’Haïti

Par la Coopérative des Planteurs de l’Arrondissement de Belle Anse (COOPCAB)

Soumis à AlterPresse le 14 avril 2008

La COOPCAB obtient US$4.00 pour la livre de café produit par la coopérative appelée CMIA située à Mare Blanche, commune de Thiotte

Pour la première fois dans l’histoire de la commercialisation du café haïtien dans le monde, la livre de café atteint la barre de 4 dollars américains. Il s’agit là d’une grande première qui vient confirmer la qualité supérieure du café de Mare Blanche, commune de Thiotte, réputée pour son café gourmet. Il est tout aussi important de mettre en exergue la capacité de négociation avec les acheteurs internationaux pour obtenir un prix plus équitable qui tient compte de la qualité de café offert. En effet, ce niveau de prix est généralement pratiqué dans les ventes aux enchères des concours nationaux et internationaux dénommés « Tasse d’Excellence » pour des cafés gourmets de la région latino-américaine et caribéenne.

Cet exploit hors du circuit des concours internationaux, vient rappeler à juste titre la nécessité de considérer le café haïtien comme une ressource naturelle prometteuse de richesses, pour autant que l’on y consacre les ressources et les énergies nécessaires à sa valorisation.

En effet, il est impérieux que :
- L’Etat haïtien apporte tout le support nécessaire aux producteurs de café, en termes de régulation, de promotion, d’assistance technique et de financement ;
- Les bailleurs de fonds internationaux aident au financement du secteur ;
- La contrebande de café à la frontière haitiano- dominicaine cesse ;
- Les exportateurs recherchent pour le café haut de gamme, un prix équitable et qui profite aux producteurs de café eux-mêmes ;
- Les petits planteurs de café soient informés des cours du café sur le marché mondial, et puissent mieux négocier le prix de vente de leur café ;
- Le café haïtien puisse occuper sur le marché international la place qui lui revient.

Suite à la disparition des exportateurs traditionnels en 1997, des associations et des coopératives de planteurs ont heureusement pris la relève et commencé à exporter les produits de leurs membres vers l’extérieur. Elles sont : Fédération des Associations Caféières Natives (FACN), Réseau des Coopératives Caféières de la Région Nord (RECOCARNO), COOPCAB, Association des Planteurs de Café de Belle Anse (APCAB), Union des Coopératives Caféières de Baptiste (UCOOPCAB), etc. Ce sont toutes des organisations relativement jeunes et qui ont grands besoins d’assistance technique, administrative et financière. Il est crucial pour la survie et l’essor de cette filière que l’Etat haïtien et les bailleurs de fonds soutiennent ces institutions associatives pour qu’elles arrivent à surmonter les problèmes inhérents aux petites et moyennes entreprises émergeantes.

Il est important de souligner qu’il y a eu une baisse de plus de 58% de la production totale en café en Haïti qui serait passée de 600,000 sacs (36,000 TM) en 1950 à moins de 400,000 sacs (24,000 TM) dans les années 2000 (CIRAD 1999), pour atteindre aujourd’hui 250,000 sacs (estimation). Pourquoi cette diminution sensible ? Comment expliquer cette chute vertigineuse ?

I).- Au fil des années, l’histoire de la commercialisation du café en Haïti s’est caractérisée par un système reposant sur la spéculation commerciale outrancière. Toute une série d’intermédiaires, du spéculateur au voltigeur, de l’exportateur traditionnel au sous-marin, en passant par les taxes que prélevait l’Etat haïtien, accaparaient la plus grande part du prix de vente du produit. Les planteurs eux-mêmes ne recevaient qu’une misérable et insignifiante part de la vente. « Le café est une mine d’or pour tous, sauf pour son producteur » pour citer un ministre haïtien de l’agriculture. Jusqu’en 1996, la structure de la filière pouvait se schématiser ainsi avec les nombres estimés d’acteurs suivants :

Source : APROMA 1996

Paradoxalement ceux qui ont fait fortune dans le café n’ont jamais réinvesti un sou dans la filière. Sur ce constat, beaucoup de planteurs ont fait le choix de remplacer les caféiers par d’autres cultures plus rentables.

II.- En 2000 toutes les régions caféières du pays ont été envahies par des scolytes qui ont ravagé les plantations. L’inaction de l’Etat et des exportateurs de café ajoutée à l’impuissance des planteurs sont autant de facteurs qui expliquent la baisse considérable de la production caféière.

III).- L’embargo de 1992 a livré les planteurs haïtiens mains liées aux acheteurs dominicains. Ces derniers importaient et importent encore « illégalement » le café haïtien pour leur consommation propre et sa réexportation sous le label « produit dominicain ». « Sòt ki bay, enbesil ki pa pran ». Aujourd’hui plus de la moitié de la production haïtienne de café traverse la frontière hors du circuit légal de commerce, donc sans connaissement, sans facture commerciale, sans aucune trace de vente. Des dominicains se sont établis dans toutes les régions de production de café d’Haïti, remplaçant les spéculateurs d’antan avec des pratiques encore plus préjudiciables pour les planteurs et le Pays. Toute une série de Madame Sarah, d’acheteurs, de voltigeurs, de sous-marins travaillent dans les régions les plus reculées du pays, à la solde de ces spéculateurs dominicains. Voici comment le schéma se présentait en 2004 :

Source : AGRICORP 2005

Le président de la plus grande compagnie dominicaine finançant l’opération, eut à déclarer avec arrogance et fierté : « Je décide du prix de vente du café en Haïti ! ».

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La COOPCAB, qui regroupe 2,663 planteurs dont 788 femmes, s’occupe de la commercialisation du café de ses membres vers le Japon, l’Italie, la France, les Etats-Unis et le Canada. Le prix de US$ 4.00 a été obtenu dans le cadre de négociation régulière entre la COOPCAB et un acheteur avisé de café gourmet du monde.

Tous les membres de la COOPCAB se réjouissent de cette nouvelle extraordinaire et profitent pour remercier tous ceux qui y ont contribué, plus particulièrement :
la Banque de Crédit Agricole (BCA) qui a octroyé un prêt à la COOPCAB pour la campagne 2007-2008 ;
les ONG internationales : la Fédération Luthérienne Mondiale et ActionAid et l’ONG nationale CROSE qui ont financé la campagne de marketing de l’année ;
L’Ambassade du Japon en Haïti qui a financé le matériel et équipement du centre de traitement final de la COOPCAB
Monsieur Marcel Duret, Ex Ambassadeur d’Haïti à Tokyo, pour sa contribution personnelle et désintéressée.