Español English French Kwéyol

Haïti/Vie chère/Protestation : La liberté de la presse est « un acquis constitutionnel », rappelle l’ANMH aux « acteurs de la rue »

Note de conjoncture de l’Association Nationale des Médias Haїtiens (ANMH)

Document soumis à AlterPresse le 10 avril 2008

Haïti n’est pas sorti des zones de turbulence, entre la transition et les deux premières années d’un mandat présidentiel légitime et de régularité institutionnelle, nous n’avons pas trouvé la recette pour consolider les acquis démocratiques. La fragilité sociale et politique fait que d’un jour à l’autre l’on peut sortir d’un semblant de normalité républicaine pour basculer dans le chaos et l’anarchie. L’imprévoyance des dirigeants et la mauvaise appréhension par les élus de leur mission historique de faire fonctionner les mécanismes démocratiques pour provoquer les changements qui induiront de nouvelles réalités pour l’ensemble du corps social, ont érodé la confiance de la population en ses représentants.

Le questionnement de la capacité de ses mandants à bien le représenter tout comme la compétence des dirigeants à changer ses conditions de vie par l’adoption des mesures appropriées, la récupération de leur désarroi par d’habiles manipulateurs ont jeté les masses dans les rues. La faute de réactions rapides de la part du pouvoir a eu des conséquences terribles sur la vie démocratique, sur les vies et les biens, sur la propriété privée pillée, saccagée mal menée, sans que l’État ait su neutraliser les agresseurs.

Incendies de biens tant publics que privés, agression physique contre des citoyens, attaque en règle d’entreprises, victimes de coups et blessures, morts par balles et tout le cortège de malheurs qui se sont abattus sur la République. Et comme d’habitude, la presse, des journalistes et des médias ont été des cibles parmi tant d’autres. Deux photographes reporters atteints par balles, plusieurs autres agressés sur les barricades, attaque contre les installations des médias, télévisions, journal, stations de radio. L’Association Nationale des Médias Haïtiens (ANMH), comme le reste de la société est inquiète.

Les mesures annoncées suite à une intervention tardive du Chef de l’État ne semblent pas satisfaire les revendications de ceux qui occupent la rue. Les débordements des forces de l’ordre qui semblent incapables de maitriser les manifestants sont un élément préoccupant indiquant qu’à tout moment, l’on peut revenir à des situations similaires qui exposent la nation et les investisseurs à la ruine.

L’Association Nationale des Médias Haïtiens (ANMH) souhaite que les pouvoirs publics adoptent des mesures immédiates qui allègent le coût de la vie, en attendant les résultats de l’application des mesures structurelles dont les effets arriveront dans le moyen et le long terme. L’ANMH encourage toute initiative tendant à favoriser la solidarité nationale, cependant une concertation entre différents acteurs politiques, économiques et sociaux pour la définition d’une efficace stratégie d’assistance sociale est indispensable.

L’ANMH tout en reconnaissant la légitimité des revendications tout comme le droit de la population à manifester qui est garanti par la Constitution, rappelle en même temps aux acteurs de la rue que la liberté de la presse est également un acquis constitutionnel. De plus, cette liberté est au service de toutes les autres libertés. La libre circulation des journalistes même en temps de conflits armés est assurée dans certaine proportion pour ne pas bloquer la libre circulation des informations, instrument indispensable à la prise de décisions au bénéfice de tous.

L’Association Nationale des Médias Haïtiens souhaite qu’à l’avenir, les acteurs politiques au Parlement, au Gouvernement et à la Présidence, au sein des partis, soient aptes à saisir à tout moment la complexité du jeu politique en vue de prendre sans délai ni tergiversations, la bonne décision. C’est là une condition indispensable à la stabilité sociale et politique.

L’Association Nationale des Médias Haïtiens croit, qu’à la lumière des situations de violence qui affecteront l’économie nationale pendant longtemps, les décideurs des pouvoirs publics doivent, sans blocages de quelque nature que ce soit, mettre sur la table de discussion, la question de la mise en place de la force publique capable d’aider le pays à mieux affronter les développements inhérents à sa nouvelle réalité sociale. Haïti a besoin en toute urgence d’une structure endogène de sécurité publique pour le maintien de l’ordre, pour supporter les interventions de défense civile au moment des catastrophes naturelles, tout comme pour neutraliser les gangs, le grand banditisme dans ses multiples expressions. Cette décision est un préalable qui indiquera à la nation la volonté des autorités de sortir de la dépendance de la force multinationale qui devra se désengager à terme pour que notre pays assume par ses propres moyens, ses fonctions de défense et de souveraineté.

L’ANMH souhaite enfin qu’en cette conjoncture de grandes décisions nécessitant la capacité de dépassement de soi, l’entêtement fasse place au réalisme politique pour aller droit au but, appliquer les décisions adéquates capables de faire renaître la confiance à la place du désespoir. Les acteurs en question doivent aller au-delà du civisme pour transcender les intérêts personnels au profit de l’intérêt du pays qui attend des signaux clairs quant aux nouvelles orientations. L’ANMH souhaite que chaque acteur, cette fois-ci, soit à la hauteur des attentes de la nation, pour lui éviter d’autres déboires.

Anne-Marie Issa
Présidente