Communiqué de l’Association Nationale des Agroprofessionnels Haitiens (ANDAH)
Soumis à AlterPresse le 22 mars 2008
Dans la nuit du vendredi 14 mars 2008, l’agronome Jean-Mari ROMAIN a été victime d’un attentat criminel sur la route de Laboule/Kenscoff.
Le monstre qui lui a logé, avec beaucoup d’expertise, une balle fatale au cou, a mis fin aux jours de ce jeune et dynamique cadre plein de rêves pour son pays et pour les producteurs paysans qu’il s’efforçait d’accompagner au mieux de ses capacités et dans des conditions très difficiles.
En quelques secondes, le briseur de rêves qui a appuyé sur la gâchette, a anéanti des dizaines d’années d’études et de sacrifices.
Ses études classiques achevées, Jean-Mari ROMAIN, né à Cayes-Jacmel le 20 août 1964, entame des études en sciences économiques (en 1989) puis part pour Cuba en 1991 pour étudier l’agronomie à l’Université Centrale de Santa Clara (UCLV).
En 1997, Jean Mari Romain obtient son diplôme d’ingénieur-agronome mais, pour accroître ses compétences agronomiques, il décide de poursuivre ses études en République Dominicaine puis en Belgique ou il obtient une spécialisation en gestion environnementale.
De retour en Haïti, il s’attache humblement à accompagner les producteurs paysans au niveau de divers projets d’appui à l’Agriculture (entre autres à La Gonâve) tout en dispensant des cours à l’Université Quisqueya.
Dès 1999, sentant la nécessité de fréquenter un espace d’échanges/analyse sur la complexe réalité agricole et environnementale haïtienne, l’agronome Jean Mari Romain s’inscrit à l’ANDAH.
Jean-Mari Romain, jusqu’à son odieuse exécution, occupait le poste de Directeur Départemental du
Sud-Est au Ministère de l’Environnement et avait la responsabilité de gérer le Parc National La Visite.
La machine infernale qui a déjà dévorée des milliers et des milliers de citoyens et de citoyennes d’Haïti vient de frapper à nouveau l’ANDAH. Rappelons que nous avons perdu en décembre 2003 (à la veille de Noël), l’un de nos membres fondateurs suite à un assassinat crapuleux. L’agronome Rodini CONTE, âgé de plus de quatre vingt années, avait été retrouvé mort, gisant dans une grande flaque de sang.
Les membres de l’ANDAH horrifiés, croyaient alors avoir touché le fonds de l’abîme. Quatre années plus tard, nous voici à nouveau victimes de ces vampires, de ces chacals assoiffés de sang.
Hormis les membres de l’ANDAH, divers autres agro-professionnels ont été victimes de la spirale mortifère Insécurité-Impunité qui, depuis de nombreuses années, broie notre Société. A titre d’exemple citons bien sur le cas le plus connu : celui de l’agronome –journaliste Jean L. DOMINIQUE. Mais il y a tant d’autres cas tel : l’agronome Donald DANIEL assassiné le 13 août 2004 au Puilboro sous les regards de son fils alors âgé de moins de 2 ans.
Beaucoup d’agro-professionnels, durement frappés, de manière directe ou indirecte, par la mortifère machine sous référence, ont préféré garder le silence et souffrir seuls dans leur for intérieur. C’est certainement le cas, par exemple, de l’agronome Dunel DANIEL et de son épouse qui ont dû supporter l’incommensurable souffrance causée par l’execution, en novembre 2005, de leur fille Jennie (assassinée sous les yeux de sa mère non loin de leur domicile). Jennie DANIEL était une étudiante finissante à la Faculté des Sciences de la Santé de l’UNDH.
Dans d’autres secteurs aussi, de jeunes cadres, plein de talents et désireux de contribuer à construire une Haïti Nouvelle, ont été fauchés. Citons à titre d’exemple le cas de l’ingénieur –architecte Nadine Hyppolite dans la trentaine, vraiment une promesse pour Haïti, lâchement assassinée à Pétion-ville le 24 avril 2007, en présence de ses 3 enfants.
L’ANDAH ne cite ici que quelques exemples car établir une liste exhaustive des victimes de cette infernale machine mortifère serait une tâche herculéenne et puis il y a aussi toutes ces victimes anonymes non répertoriées et dont forcément il est difficile de faire référence.
Au train où vont les choses, si des dispositions sécuritaires globales et appropriées se sont pas implémentées au plus tôt, doit-on conclure que tous les cadres honnêtes restant encore au pays, doivent le laisser afin de rechercher ailleurs une meilleure sécurité physique pour eux et leur famille ?
Et dire que les gouvernants actuels disent vouloir créer un climat favorable au retour de cadres techniques haïtiens de haut niveau qui ont du s’expatrier afin que ceux-ci puissent, grâce au savoir faire acquis à l’étranger, contribuer dans les limites de leurs compétences, à la reconstruction d’Haïti. Ces cadres expatriés peuvent ils vraiment, en dépit de la place qu’ils gardent dans leur cœur pour leur Patrie d’origine, venir ainsi se jeter dans la gueule des fauves lâchés aux quatre coins du territoire en toute liberté /complicité ?
En vérité, il faut stopper cette machine infernale qui produit quotidiennement son lot de cadavres et de deuil. N’est il pas maintenant révolu, le temps des multiples colloques et symposiums et/ou commissions sur :
• la Reforme du Système Judiciaire à implémenter ,
• « la Nouvelle Force Publique » à mettre en place ,
• le « désarmement » à effectuer,
• le « veting » (nettoyage ?) au sein de la PNH soit disant en cours depuis plusieurs années ;
le tout sous le « bienveillant » monitoring de la Communauté Internationale ?
Le temps pour la Nation Haïtienne de poser souverainement la problématique de la sécurité de nos citoyens et de nos citoyennes et de rechercher ensemble des solutions adaptées, donc viables, n’est-il pas enfin venu ? Pendant combien de temps encore allons nous, à cause de querelles de chapelles ou par irresponsabilité citoyenne et manque de vision, laisser à d’autres le soin de gérer à notre place la Sécurité globale du pays ? A noter que nous évoquons ici un concept de Sécurité globale : alimentaire, environnementale, socio-économique etc.
Comment devons nous, à l’ANDAH, marquer le départ forcé de l’agronome Jean-Mari ROMAIN, un défenseur/accompagnateur modèle du monde rural ?
Plusieurs jours après avoir appris l’exécution de l’agronome Jean-Mari Romain, nous n’avons pas vraiment retrouvé tous nos esprits à l’ANDAH, nous sommes encore abasourdis par cet assassinat crapuleux. Nous avons l’impression d’avoir reçu un grand coup de massue à la tête.
A chaque fois que nous songeons à l’exécution sommaire de ce jeune agro-professionnel qui avait tant désiré mettre ses compétences au service d’Haïti, en vérité, une grande douleur nous envahit.
En tout état de causes, il y a des gouvernants nationaux en place et de ce fait, le Comité Exécutif de l’ANDAH, sans vouloir formuler un vœu pieux, exige de ceux-ci que toute la lumière soit faite sur l’assassinat crapuleux de l’agronome Jean-Mari ROMAIN. Il est un devoir pour les responsables d’Etat en fonction (à divers niveaux) de prendre , pour une fois, des mesures concrètes afin que les auteurs intellectuels et matériels de l’exécution de Jean-Mari Romain soient identifiés, arrêtés, jugés, condamnés et ceci, sans complaisance aucune.
L’ANDAH fait appel à une large mobilisation citoyenne pour que prenne fin le règne de l’Impunité et de l’Insécurité généralisée. Trop d’enfants du pays ont déjà été sacrifiés.
Le Comité Exécutif de l’ANDAH présente ses condoléances émues à toute la famille du très regretté Jean-Mari Romain, particulièrement à son épouse et à ses 2 (deux) très jeunes enfants : Che-Alexis et Laura.
Travailler à la Relance effective de la Production Agricole Nationale et à la Protection/ Préservation de notre Environnement et ce, avec plus d’ardeur chaque jour, c’est une autre manière aussi pour nous tous, membres de l’ANDAH et citoyens / citoyennes honnêtes d’horizons divers, de rendre Justice à Ayiti qui, encore une fois s’est vu ravir un de ses enfants de lumière.
Le Comité Exécutif de l’ANDAH profite de l’occasion pour informer qu’il compte organiser, à une date qui sera annoncée ultérieurement, une journée d’hommage en l’honneur de l’agronome Jean-Mari Romain.
Port-au-Prince le 20 mars 2008
Pour le Comité Exécutif de l’ANDAH :
Phito BLEMUR : Responsable Affaires Internationales
Jacques ALIX : Responsable Affaires Financières
Joseph DELLIEN : Responsable à la Formation