À moins de 300 mètres de la baie de Port-au-Prince, s’entassent des déchets de toutes sortes. À certains endroits, ils flottent sur l’eau douteuse de la mer lui donnant l’aspect d’un vaste marécage puant. Ajoutés à cela, des tonnes d’alluvions en provenance du Morne l’hôpital remplissent ce golfe : un risque – à court ou à moyen terme - de modifier l’échancrure du littoral.
Institut Panos Caraïbes
Soumis à AlterPresse le 14 mars 2008
Les premières observations d’une étude, réalisée sur la dégradation de la baie de Port-au-Prince par des experts cubains et financée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (Aiea) pour le compte du ministère de l’environnement, révèlent que la pollution marine détruit l’oxygène indispensable aux espèces aquatiques et favorise le développement des algues.
Outre les ordures domestiques qui se déversent dans le golfe de Port-au-Prince, les résidus des combustibles de la compagnie nationale d’électricité (EdH) empoisonnent la vie des poissons qui, pour survivre, fuient les côtes, révèle la version préliminaire de l’étude présentée le mercredi 5 mars 2008 au ministère de l’Agriculture.
Entre autres conséquences de la pollution : les pêcheurs, dépourvus d’équipements et de moyens techniques appropriés, partent de plus en plus loin en haute mer - au risque de leur vie - pour trouver de quoi nourrir leur famille.
Le dossier de la contamination de la baie de Port-au-Prince et d’autres zones côtières d’Haïti avait déjà été soulevé par des organisations de défense de l’environnement.
Des articles de presse attiraient l’attention des autorités sur les déchets plastiques qui s’accumulent sur nos plages après les averses. Certains de ces résidus solides atteignent – à la faveur des marées - les côtes de la République dominicaine et d’autres pays des Caraïbes, confirment des prises de vue aérienne.
Au cours de la première phase de l’étude menée par des experts du centre d’étude scientifique sur l’environnement ( Citma), des échantillons ont été prélevés à la surface et à plus de cinq mètres de profondeur de la mer.
Leurs analyses en laboratoire devront déterminer le degré de contamination de la baie de Port-au-Prince et fourniront des informations sur l’évolution de la pollution des zones côtières d’Haïti pendant des décennies. Ils permettront aussi de faire une projection des conséquences éventuelles de la dégradation de l’environnement sur le littoral et de trouver des solutions pour limiter les impacts.
Avec le déboisement massif et les constructions anarchiques au niveau des bassins versants, la pollution marine devient de plus en plus préoccupante, voire alarmante.
« Le déboisement au niveau des bassins versants et le déversement dans la mer des ordures de toutes sortes sont responsables de la contamination de la baie de Port-au-Prince », a notamment déclaré Misael Diaz Asencio qui intervenait à la présentation des premières observations de l’étude.
L’expert cubain a suggéré aux responsables haïtiens de travailler à la réhabilitation des bassins versants du Morne l’hôpital et de prendre des mesures visant à améliorer les conditions de vie de la population, indiquant qu’il s’agit aussi d’un problème social et économique.
Le problème de contamination des zones côtières revêt également un caractère culturel, poursuit Misael Diaz Asencio.
« En Haïti, on tourne le dos à la mer qui devient un immense site de décharge, alors que dans d’autres pays les maisons dominent cette étendue d’eau salée et leurs occupants le contemplent de jour comme de nuit », explique-t-il.
L’étude sur le degré de contamination de la baie de Port-au-Prince, qui s’inscrit dans le cadre d’une campagne océanographique internationale, doit prendre en compte cet aspect, estiment d’autres intervenants à la présentation des premières observations de ladite étude.
Le ministre de l’environnement, Jean-Marie Claude Germain, qui participait à la rencontre au ministère de l’agriculture, croit que cette initiative est « une très bonne chose pour Haïti », indiquant que le pays fait face à une carence d’informations techniques fiables sur le taux de sédimentation marine.
« Il nous faut des informations techniques fiables pour développer des stratégies qui permettent d’arrêter la dégradation continue de la baie de Port-au-Prince », a-t-il insisté.
La campagne océanographique supportée par l’Aiea concerne quatorze pays de la région.
Haïti est le premier Etat à lancer une étude sur la contamination des zones côtières et sera le premier à recevoir les résultats en 2011. Outre Port-au-Prince, la ville des Gonaïves est ciblée par les experts qui tenteront d’expliquer le taux élevé de sédimentation marine dans cette zone.
Source : Panos Caraïbes