P-au-P., 10 mar. 08 [AlterPresse] --- Les secteurs féministes dénoncent les conditions de maternité en Haïti, où le taux de mortalité maternelle ne cesse d’augmenter depuis de nombreuses années.
« Beaucoup de femmes meurent au moment de l’accouchement, parce qu’elles n’ont pas pu bénéficier de l’assistance médicale nécessaire ou bien d’une alimentation adéquate », estime Olga Benoit, dirigeante de la Solidarité des Femmes Haïtiennes (SOFA), une organisation féministe qui gère depuis 1996 une Clinique de Femmes à Fontamara (périphérie sud de Port-au-Prince).
Parmi les causes de cette situation, il y a la faiblesse des infrastructures sanitaires en matière de maternité à travers le pays, relève Olga Benoit dans une interview à AlterPresse.
Selon les statistiques officielles et internationales, Haïti connaît le taux de mortalité maternelle le plus élevé de la Caraïbe, avec 630 décès de femmes pour 100 mille naissances vivantes. Ce taux ne fait qu’augmenter depuis les années 1990, lorsqu’un taux de mortalité maternelle de 523 pour 100 mille a été enregistré.
D’autre part, on estime que 80% des naissances ont lieu en dehors du système de santé, tandis que 19% des femmes enceintes n’ont aucune opportunité de se faire examiner par un médecin.
« A Port-au-Prince, de nombreuses femmes vulnérables courent le risque d’accoucher chez elles, parfois avec l’aide d’une matrone, qui reste impuissante en cas d’urgence obstétrique », témoigne l’organisme Médecins Sans Frontières (MSF) Hollande.
Cet organisme a ouvert en 2006 à Delmas 18 (secteur nord de la capitale) l’hôpital Jude Anne d’une capacité de 75 lits. Des services de soins pour les urgences obstétriques y sont offerts 24 heures sur 24. 1050 accouchements y sont effectués par mois, « dont plus d’une moitié sont des accouchements compliqués avec des risques de mort pour la femme et le bébé », précise MSF Hollande.
De son coté, une infirmière de la Clinique des Femmes de Fontamara affirme que de « sérieux efforts » ont été consentis au niveau de ce centre afin de porter assistance aux femmes enceintes de la région.
« Avant l’installation de cette clinique à Fontamara, les femmes enceintes du quartier attendaient en général 6 mois avant de se rendre dans un centre de santé, tandis que maintenant 65% des femmes enceintes examinées n’ont pas plus que 3 mois de grossesse », déclare-t-elle.
La clinique reçoit quotidiennement une vingtaine de femmes, qui payent 25,00 gourdes (moins d’un dollar américain), alors que la consultation médicale est fixée à un minimum de 500,00 gourdes (environ 14,00 dollars américains) dans les cabinets privés.
Pour MSF Hollande, le cout des soins médicaux représente un obstacle à la bonne santé de la femme enceinte. Elle mentionne également les difficultés de transport, le dysfonctionnement des services de soins, la stigmatisation et la violence, qui font du processus de grossesse un « parcours périlleux » en milieu défavorisé.
« L’État doit élaborer des programmes spécifiques en faveur des femmes enceintes », préconise Olga Benoit.
A la fin du mois de janvier dernier, le gouvernement a lancé à Port-au-Prince un projet de « Soins obstétricaux gratuits », financé par l’Organisation panaméricaine de santé (OPS-OMS) et le Canada. Cette initiative vise à réduire les fréquentes conséquences négatives des accouchements à domicile, précisait alors le premier ministre Jacques Édouard Alexis.
L’autre facteur qui influe sur les conditions de la maternité en Haïti est l’irresponsabilité paternelle, également dénoncée par des organisations féministes.
En Haiti, environ 47% des mères ou femmes enceintes sont abandonnées par leurs partenaires, qui « ne prennent pas leurs responsabilités », souligne Olga Benoit.
Cette situation ne laisse pas indifférentes les autorités gouvernementales qui prônent un changement de comportement.
« Il est un fait indéniable que la santé maternelle est aussi l’affaire des hommes », faisait remarquer le 11 juillet 2007 le docteur Robert Auguste, ministre de la santé publique et de la population. Il s’exprimait lors d’une cérémonie à l’occasion de la journée mondiale de la population.
A la même occasion, la ministre à la condition féminine et aux droits de la femme, Marie Laurence Jocelyn Lassègue, avait déclaré que « nous ne devons pas avoir des enfants sans père ».
Un projet de loi sur la responsabilité paternelle a été soumis l’année dernière au parlement, qui ne s’est pas encore prononcé là-dessus. [gp apr 10/08/07 00 :50]