P-au-P, 7 fév. 08 [AlterPresse] --- D’année en année, le carnaval se confirme comme la plus grande fête populaire qui attire de nombreuses gens de toutes les couches sociales confondues en Haïti, suivant le constat dressé par l’agence en ligne AlterPresse.
Cette année encore, au Champ de Mars, principale place publique de Port-au-Prince, ils étaient plusieurs centaines de milliers de carnavalières et carnavaliers à se défouler en toute quiétude durant les trois jours gras (dimanche 3, lundi 4 et mercredi 5 février 2008).
Cependant, les observateurs notent des carences organisationnelles déjà signalées pendant les années antérieures.
Le comité d’organisation du carnaval devrait, pour prévenir de la monotonie, répartir sur les trois jours gras les chorégraphies des différents groupes déguisés choisis, insérer de la musique à l’intérieur des spectacles théâtraux définis, prévoir une distance raisonnable entre les différents chars musicaux, déterminer les modes d’intégration des carnavalières et carnavaliers au sein du défilé, veiller à contrôler le niveau des décibels, s’assurer d’une discipline appropriée chez les orchestres, faire preuve de ponctualité, faire démarrer le cortège plus tôt, disposer d’un service d’ordre sur tout le parcours, notamment dans le périmètre d’évolution des groupes déguisés, imaginer les moyens de rentabiliser le carnaval en Haïti, etc.
Quoi qu’il en soit, une vingtaine de groupes musicaux montés sur des chars s’étaient lancés dans la traditionnelle guerre des décibels du Portail Léogâne (sud de la capitale) jusqu’au Champ de Mars, à proximité du Palais présidentiel.
Plus d’une dizaine de chars allégoriques ont embelli le décor de cette manifestation culturelle en dépit d’une agressivité très poussée de la publicité pour les entreprises de service. Parmi les chars allégoriques, figurait un sur lequel se trouvaient des mascottes qui incarnent le personnage de plusieurs journalistes haïtiens.
Des ténors du « Konpa direct » (rythme musical haïtien créé par Nemours Jean-Baptiste et consorts), tels Sweet Micky de Michel Martelly, Kreyòl La de Joseph Zenny Junior (Ti Joe Zenny), Krezi Mizik de David Dupoux et Michael Benjamin, Djakout Mizik d’Auguste Duverger (Pouchon), T-Vice des frères Roberto et Reynaldo Martineau, ont, parmi tant d’autres, électrisé la foule.
Pour sa première participation, le groupe Carimi, formé de Carlo Vieux, Richard Cavé et Michael Guirand, s’est largement imposé à travers sa meringue « Azibido ». Cette meringue a même été interprétée par Michel Martelly durant le parcours Portail Léogâne-Champ de Mars.
Des groupes hip-hop, comme Barikad Crew et Rock Fam, ont eux aussi tenu leurs promesses.
En 2008, la Mairie de Port-au-Prince a gagné le gros lot d’organiser ce carnaval qui, jadis, était sous la responsabilité du ministère de la culture.
"Rale mennen vini pou yon Ayiti vèt" (concertation / rassemblement pour une Haïti verte) était la principale thématique de ce carnaval placé sous le signe de la protection de l’environnement.
Aucun mort lié aux festivités n’est à déplorer durant les trois jours. Cependant, les organisateurs ont fait état de plus de 600 blessés à l’arme blanche. D’importants dispositifs de sécurité ont été adoptés du côté des autorités policières.
Mais, d’année en année, le carnaval haïtien se détache de sa beauté d’antan pour se transformer en une campagne de promotion pour les entreprises publiques et privées du pays. Les participantes et participants ont même eu du mal à identifier leurs groupes de prédilection à cause des messages publicitaires inscrits sur les différents chars.
Les Charloscar – personnage déguisé imitant Charles Oscar Etienne, un ancien haut gradé militaire haïtien – sont aujourd’hui en voie de disparition dans le carnaval haïtien.
La publicité devient de plus en plus agressive, et cela pourra bien se comprendre tenant compte des problèmes financiers auxquels font face de nombreux groupes musicaux. Même l’Etat haïtien ne peut pas se payer le luxe de financer à lui seul cet événement culturel.
Le Champ de Mars était aussi un lieu d’affaires pour des petits commerçants à la recherche de leur gagne-pain. Nourriture préparée en plein air, boissons gazeuses, énergisante et alcoolisée, étaient très vendues durant les trois jours gras. Même les petites bourses pouvaient se procurer un plat chaud en pleine rue.
Malgré la guerre des commanditaires, le thème du Carnaval 2008 a été respecté par les formations musicales de toutes tendances confondues. Sur les chars de ces groupes musicaux, des messages en faveur de la promotion et de la protection de l’environnement étaient visibles.
Bòbèch, un groupe à tendance « rasin », a voulu promouvoir la production nationale à travers son char artisanal.
La formation RAM de Richard et Lunise Morse a gagné un plein succès à travers sa meringue « Défilée » en hommage à Jean-Jacques Dessalines, le fondateur de l’Etat-nation haïtien.
D’une manière historique, ce groupe à tendance « rasin » estime qu’on accorde très peu d’importance à la vie de Dessalines. Pourtant, les Haïtiens continuent de commémorer l’anniversaire de la mort de l’empereur tué le 17 octobre 1806, deux ans après l’indépendance nationale en 1804.
Le trésor public a déboursé pour l’ensemble du pays 75 millions de gourdes, dont 50 millions à la municipalité de Port-au-Prince et 5 millions à celle de Jacmel (Sud-Est) pour l’organisation du carnaval 2008. Une somme jugée exorbitante par certains étudiants de l’Université d’Etat d’Haïti, selon qui le gouvernement aurait dû envisager plutôt des allocations similaires pour faire face à la vie chère (la forte hausse du coût de la vie) frappant la population nationale depuis fin 2007. [do rc apr 07/02/2008 11 :30]