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La Starmania haïtienne bientôt à Montréal !

Par Nancy Roc

Soumis à AlterPresse le 16 janvier 2008

Incroyable mais vrai ! Trente ans après la création de l’opéra rock de Michel Berger et de Luc Plamondon, Starmania, qui a marqué à jamais l’histoire des comédies musicales du monde francophone, un spectacle de Starmania partiellement créolisé sera présenté à la TOHU du 26 au 28 mars prochain. Starmania, un classique du théâtre musical francophone, a été adapté et mise en scène par la compagnie « Haïti en Scène » sous la houlette de Bertrand Labarre. Lors d’une conférence de presse ce 15 janvier à la TOHU, l’annonce officielle de la tenue de ce spectacle a été faite devant toute la presse québécoise en présence du célèbre parolier Luc Plamondon, de Bertrand Labarre, fondateur de la troupe Haïti en scène de Port-au-Prince et Charles-Mathieu Brunelle, vice-président exécutif et directeur général de la TOHU. « Comment ne pas être épaté et touché par ce spectacle coloré, rythmé, émouvant et par ces artistes (comédiens, chanteurs et danseurs) qui s’y investissent totalement. Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont sexys, ils chantent bien, ils bougent bien, et en plus ils mettent tout leur coeur et toute leur âme à s’incarner dans les personnages de Starmania comme s’ils jouaient leur vie », a déclaré Luc Plamondon, président d’honneur de cet événement après avoir visionné le DVD du spectacle. Bertrand Labarre, a été très ému d’avoir rencontré Luc Plamondon. « Il va falloir que je me réveille de ce rêve », nous a-t-il déclaré en soulignant qu’il avait fallu convaincre Luc Plamondon qu’Haïti en scène saurait « s’approprier intelligemment son œuvre par sa démarche artistique, que nous étions extrêmement respectueux de son opéra et qu’Haïti pourrait apporter quelque chose à ce spectacle, à travers sa couleur, ses rythmes et sa chaleur. »

Petite histoire d’un projet audacieux

En avril 2006, lors d’une mission en Haïti, la gouverneure générale du Canada, Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean, assiste au spectacle Starmania présenté par la troupe Haïti en scène. Vivement impressionnée par cette représentation donnée en son honneur au Palais national, elle rentre avec le souhait de voir se produire cette troupe au Canada. Elle rencontrera tour à tour le parolier de l’opéra-rock, Luc Plamondon, et le vice-président exécutif et directeur général de la TOHU, Charles-Mathieu Brunelle, qui seront profondément touchés par la démarche de ces jeunes artistes qui évoluent dans un contexte chaotique. À titre de présidents d’honneur, Michaëlle Jean, Luc Plamondon et Luck Mervil ont convaincu plusieurs partenaires de se joindre à l’aventure. « Je suis ravie et profondément émue que cette version de Starmania puisse enfin être présentée chez nous. À Port-au-Prince ou à Montréal, c’est le même cri, le même espoir : celui de voir naître un monde meilleur et plus juste. De jeunes artistes d’Haïti ont été touchés par cet opéra rock et interprètent l’œuvre à leur façon », a déclaré Michaëlle Jean, gouverneure générale du Canada et présidente d’honneur à travers un communiqué diffusé par la TOHU à l’occasion de la conférence de presse de ce 15 janvier. Haïti en scène recrute des talents bruts, de jeunes artistes semi-professionnels qu’elle forme gratuitement en jeu, en danse, en musique et en chant. Consciente de la précarité dans laquelle vivent ces jeunes, l’organisation soutient leur démarche en remboursant, par exemple, leurs frais de déplacement lors des répétions. Grâce au soutien des services culturels de l’Ambassade de France, Haïti en scène met sur pied des projets collectifs en permettant aux jeunes artistes de vivre toutes les étapes de création d’un spectacle, jusqu’à sa présentation sur une grande scène de Port-au-Prince. Pour cette équipe dévouée formée de Bertrand Labarre (metteur en scène), Jean René Delsoin (chorégraphe), Joël Widmaier (directeur musical), Raoul Denis Jr. (directeur musical) et Stevenson Théodore (maître de chant), un moment capital se prépare. « Luc Plamondon est très soucieux des différentes versions de Starmania et les mots si aimables qu’il a eu à notre endroit nous vont droit au cœur. Je suis surtout heureux pour nos jeunes car ils le méritent et leurs efforts sont enfin couronnés. Maintenant, il nous faut absolument réussir ce spectacle montréalais car la scène est très différente : elle est énorme et circulaire donc nous allons devoir refaire entièrement la mise en scène », a précisé le metteur en scène Bertrand Labarre. Pour ce dernier, les deux prochains mois seront intenses en travail assidu car le public montréalais est, selon lui, en droit d’attendre un spectacle à la hauteur de sa renommée internationale : « Pour nos jeunes artistes, accompagnés des musiciens professionnels qui ont cru dès le départ dans ce projet, la consécration est là : jouer devant un public du Canada, berceau de l’œuvre originale. Ce moment nous sera forcément inoubliable », a-t-il conclu.

De son côté, Jean René Delsoin, responsable de la chorégraphie du spectacle, tout en étant très enthousiaste face à ce challenge, mesure le défi qui l’attend : « ma tâche sera très lourde car en danse, il faut commencer très tôt. Or nos danseurs ne proviennent pas d’écoles de danse mais de différents quartiers de Port-au-Prince », a-t-il précisé. À titre d’exemple, lors du casting des danseurs pour Starmania, il en a choisi 12 sur 60. Cela n’a donc pas été évident car certains faisaient du hip hop, d’autres du folklore alors que l’opéra rock Starmania est un mélange de styles musicaux modernes. « Maintenant, le challenge qui m’attend est encore plus grand à cause de la scène circulaire de la TOHU mais aussi du budget restreint qui nous force à venir à Montréal avec 6 danseurs au lieu de 9. Il faudra donc refaire entièrement la conception du spectacle », a souligné Jean René Delsoin.

Depuis sa création, la TOHU est un point de ralliement civique au cœur de Montréal. La TOHU abrite sur son territoire la toute première salle de spectacle circulaire au Canada, le pavillon d’accueil du Complexe environnemental de Saint-Michel (CESM) les bureaux d’En Piste, l’École nationale de cirque ainsi que le siège social international et le centre d’hébergement des artistes du Cirque du Soleil. En opération depuis juin 2004, elle constitue aujourd’hui l’un des plus grands carrefours de formation, de création, de production et de diffusion en arts du cirque au monde. La TOHU s’impose tant par son infrastructure que par le rayonnement exceptionnel de ses citoyens sur la scène internationale.

Installée dans le quartier Saint-Michel, un bastion de la diaspora haïtienne, la TOHU ne pouvait passer à côté d’un projet comme Starmania, une version revisitée par Haïti en scène de Port-au-Prince, un spectacle en français avec une touche de créole qui trace un parallèle saisissant entre les réalités de Monopolis et de Port-au-Prince. Insécurité, pouvoir, résistance, chaos, rêve, jeunesse, fougue et désillusion se côtoient dans ce spectacle présenté sous la présidence d’honneur de la gouverneure générale du Canada, Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean, le parolier Luc Plamondon et l’artiste Luck Mervil.

Le phénomène Starmania

Starmania célèbre son 30e anniversaire cette année. Depuis sa création, la comédie musicale a été présentée dans différents pays, dont la France, le Québec, l’Allemagne et l’ex-Union soviétique. En France et au Québec, il a donné lieu à plusieurs versions. Il est prévu qu’une nouvelle soit donnée en 2009.

Starmania, créé en 1978, est un opéra rock moderne dont la musique a été composée par le français Michel Berger et les paroles rédigées par le québécois Luc Plamondon. Joué à différents endroits en Occident, il a fait l’objet de multiples adaptations tant en anglais qu’en français. L’album studio original de 1978 s’est vendu à plus de 2 200 000 exemplaires rien qu’en France, se positionnant ainsi à la 7e place des meilleures ventes d’albums au niveau national. Le premier octobre 1993 une nouvelle version de Starmania est créée au Théâtre Mogador, mise en scène par Lewis Furey, avec des costumes de Philippe Guillotel (cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques d’Albertville). Cette nouvelle production est élue meilleur spectacle musical de l’année aux Victoires de la musique. Le 26 octobre 1995, cette production fête sa 500e représentation et son millionième spectateur. En 1996 puis 1997, cette version reçoit une Victoire de la musique pour le spectacle ayant attiré le plus grand nombre de spectateurs. La troupe triomphe également au Théâtre Mogador et au Canada. Entre 1993 et 2001, ce spectacle a été monté plusieurs fois dans des lieux différents (à Paris : Théâtre Mogador, Palais des Congrès de Paris, Palais des Sports de Paris, Casino de Paris). Deux saisons ont été exclusivement parisiennes (saison 1993/1994 au Théâtre Mogador et saison 1998/1999 au Casino de Paris), et en 2000/2001, le spectacle a été joué uniquement en tournée. Les autres saisons, le spectacle a d’abord été joué à Paris (généralement d’octobre à janvier) avant de faire l’objet d’une tournée (de février à juin). Cette version du spectacle fait l’objet d’un nouveau CD Live, en 1998, pour le 20e anniversaire de Starmania.

Pour le 25e anniversaire, en novembre 2004, une version concert avec un orchestre symphonique, est montée à Montréal. En janvier 2005, cette version est présentée à Paris avec un orchestre et un chœur français, ainsi qu’un chef d’orchestre et des solistes québécois. Nul doute qu’on n’aurait pas osé rêver d’un Starmania à l’haïtienne mais comme le dit si bien Edmund Spencer, « de l’audace, de l’audace ; en toute occasion, de l’audace. » Si seulement l’audace de nos talentueux artistes pouvait être reconnue à sa juste valeur et inspirer nos politiciens pour qu’ils admettent que la richesse de notre culture est notre meilleur ambassadeur…mais cela est une autre histoire n’est-ce pas ?