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Haïti : le crash du 24 août ayant coûté la vie à 21 personnes pouvait-il être évité ?

P-au-P., 28 août. 03 [AlterPresse] Après avoir « bossé » pendant plus de 24 heures au Cap-Haïtien, les enquêteurs de l’Office National d’Aviation Civile (OFNAC) ont regagné leurs bureaux à Port-au-Prince motus et bouche cousue.

De source autorisée, AlterPresse a appris qu’ils ont soumis à leurs supérieurs hiérarchiques immédiats un rapport préliminaire sur les causes probables du crash du 24 août ayant coûté la vie à vingt-et-une personnes.

La direction de l’OFNAC se garde de dévoiler la teneur de ce rapport préliminaire. Elle a toutefois indiqué à AlterPresse que l’investigation a porté sur les informations de la tour de contrôle, l’observation et l’audition ; le type d’avion accidenté ne comportant pas de boîtes noires qui pourraient fournir des données objectives et solides.

En attendant le rapport d’enquête final de l’OFNAC, des informations persistantes dans des milieux intéressés dans le nord du pays laissent croire que l’un des pilotes avait clairement indiqué à son superviseur à Port-au-Prince que l’avion accusait une certaine défaillance. Mais le responsable en question a quand même ordonné le vol sur Port-de-Paix.

Selon ces mêmes sources, l’histoire de la porte mal verrouillée qui se serait ouverte après le décollage est à écarter. La tragédie se serait ainsi développée : « un moteur a pris feu. S’appuyant sur l’autre moteur en fonctionnement, le pilote a tenté un atterrissage forcé qui a tourné à la catastrophe. L’équilibre de l’avion ayant été impossible à maintenir suite à 
l’affolement des passagers ».

Des démarches entreprises au téléphone depuis tantôt quarante-huit heures auprès des responsables de Tropical Airways à Port-au-Prince n’ont pas permis à AlterPresse jusqu’ici d’avoir leur réaction à cette version des faits. Ils sont toujours en réunion, nous a-t-on fait savoir.

Pour sa part, disant attendre le rapport final des enquêteurs de l’Office National d’Aviation Civile, le directeur de l’OFNAC n’a pas voulu trop s’étendre sur la version sus-mentionnée. Jean Lemerque Pierre s’explique toutefois mal qu’un pilote aurait pu choisir de voler, sur demande d’un supérieur, tout en constatant une défaillance grave de l’appareil. « Le pilote, le commandant de bord, est souverain en de pareils cas. C’est lui, et lui seul,
qui décide en fonction de son évaluation de la situation ».

AlterPresse a appris, de sources combinées, que l’avion a pu décoller de l’aéroport du Cap-Haïtien sans avoir été supervisé ce jour-là par l’Office Nationale d’Aviation Civile. Interrogé à ce sujet, Jean Lemerque Pierre précise que l’OFNAC n’opère pas une inspection à chaque vol. « Il y a d’une part des inspections statutaires programmées sur quatre, cinq mois ou annuellement, et d’autre part des inspections sporadiques qui se font quand un problème est constaté ou signalé ».

En principe, souligne le directeur de l’OFNAC, la compagnie aérienne est censée effectuer des travaux de maintenance (cellule, système, moteur de l’appareil). « Et la vérification se fait sous la supervision de l’OFNAC qui lui livre un certificat de navigabilité ».

A la question de savoir si l’appareil L410 de Tropical Airways ne nécessitait pas une inspection sporadique, le directeur de l’OFNAC, tout en admettant que ce type d’appareil n’a pas une homologation aux Etats-Unis, a indiqué qu’il ne présentait pas pour autant de problème de navigabilité. « L’avion n’était pas en cause ».

Le département d’Etat américain, avons-nous appris, avait clairement recommandé au personnel de l’ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince et aux citoyens américains séjournant ou résidant dans le pays de ne pas voyager à bord de la compagnie haïtienne Tropical Airways. Les spécialistes américains perçoivent la dite compagnie comme un danger public du fait qu’elle ne fait pas de maintenance au niveau de ses appareils.

En attendant que l’enquête de l’OFNAC soit bouclée et connue du grand public, Tropical Airways poursuit ses vols sur Haïti.

On peut comprendre que l’autorité compétente de contrôle et de réglementation ne veut pas à ce stade de l’enquête préliminaire dévoiler les « secrets » de celle-ci. Cependant, des réponses à certaines questions essentielles ne peuvent pas attendre comme par exemple la date de service du L 410 accidenté et la date de la dernière inspection - suivie de la
délivrance d’un certificat de vol - effectuée sur l’appareil par l’OFNAC.

On est en droit de s’interroger également sur le degré de vigilance observée par l’Office Nationale d’Aviation Civile dans les aérogares de province qui présentent l’allure de foutoirs. Ces espaces sont fréquentés par beaucoup plus de passagers qu’ils ne peuvent en contenir.

La sécurité des vols et la qualité des services quoique laissant à désirer n’influent pas pour autant sur la fréquentation de ces lieux. Vu l’état du réseau routier en Haïti et l’insécurité sévissant au niveau de certaines routes nationales, les citoyens qui peuvent se payer un billet d’avion, délaissent volontiers la route.

Le crash du 24 août au Cap-Haïtien (21 morts) et l’accident de véhicule survenu le même jour à Mirebalais (41 morts) ont suscité un vif émoi dans le pays. Et aprèsÂ… [vs apr 28/08/2003 11:30]