Lettre ouverte à la communauté universitaire et à la nation à l’occasion de l’investiture du nouveau conseil exécutif au rectorat de l’Université d’État d’Haïti, le mercredi 09 janvier
Par l’Asosyasyon Inivèsitè ak Inivèsitèz Desalinyèn (ASID)
Document soumis à AlterPresse le 11 janvier 2008
Nous, membres de l’Asosyasyon Inivèsitè ak Inivèsitèz Desalinyèn – ASID, félicitons les membres reconduits, M. Fritz DESHOMMES, Vice-Recteur à la Recherche et M. Wilson LALEAU, Vice-Recteur aux affaires académiques et le nouveau recteur de l’Université d’état d’Haïti, M. Jean Vernet HENRY, de leur accession à la tête d’une institution si importante pour le développement intellectuel et matériel de la nation.
Nous avons noté, et nous le rappelons, que le nouveau recteur a mené sa campagne sous le slogan d’ « une décennie perdue », en référence aux dix années de gestion du recteur sortant, Pierre-Marie PAQUIOT, à la tête de l’Université d’état d’Haïti (1997-2007). A l’évidence, les étudiants, les professeurs, les personnels administratif et technique, les parents et la nation entière recherchent en vain les éléments tant infrastructurels que structurels dénotant la dynamique de changement, de transformations profondes en termes de la qualité et des conditions de l’enseignement supérieur dans le pays. Pendant cette décennie, les missions de l’UEH définies à travers l’article 7 des Dispositions transitoires, restent des vœux pieux. L’ancien conseil exécutif et le conseil de l’Université d’état d’Haïti ne peuvent se vanter d’avoir ne serait-ce que contribué à la concrétisation d’aucune de ces dix missions de l’Institution.
Aussi, le « nouveau » conseil exécutif et le conseil de l’Université d’état d’Haïti entendent-ils s’attaquer systématiquement à corriger les erreurs, à mettre en place les mécanismes et moyens nécessaires pour stimuler une réforme véritable de l’UEH ? Ou, entendent-ils poursuivre la gestion patrimonialiste instaurée depuis les premières élections rectorales de 1997 ?
Nous, membres de l’ASID, estimons impérieux que le « nouveau » conseil exécutif dans son entier et le nouveau recteur en particulier, rompent d’avec certaines pratiques et certains projets en cours au sein de l’UEH, à savoir :
le clientélisme et la politisation perverse de l’espace estudiantin et professoral ;
la prolifération de programmes post-gradués et de « maîtrise » qui tendent surtout à répondre aux besoins du marché via la division internationale du travail et non à ceux du pays ;
le nouveau système méprisant d’inscription des postulants et des postulantes à l’UEH ;
la forte bureaucratie et l’opacité dans la gestion du Rectorat et des entités de l’UEH ;
le silence du rectorat sur l’occupation du pays et les conséquences dévastatrices des politiques publiques néolibérales abominables en vigueur dans le pays ;
le programme bidon de cafétéria ;
le mépris des facultés de provinces ;
le manque de dynamisme qui atrophie le développement de l’UEH et du pays.
Par conséquent, cette rupture d’avec l’ancienne gestion de l’UEH doit être accompagnée d’une volonté de réaliser pendant le mandat du « nouveau » rectorat, les politiques suivantes :
mettre en place une nouvelle Commission nationale de Réforme de l’UEH telle que prévue par les articles 11.c, 27 à 31 des Dispositions transitoires, et qui continue le travail déjà entamé par la précédente ;
constituer de façon à part entière, une Commission nationale de Réforme curriculaire ;
porter l’état haïtien à respecter l’article 208 de la Constitution qui l’enjoint de « financer le fonctionnement et le développement de l’Université d’état d’Haïti », au lieu de créer d’autres centres universitaires publics au fonctionnement approximatif ;
promouvoir la démocratisation et la massification de l’espace universitaire par l’augmentation de son enveloppe budgétaire ;
résoudre certains problèmes relatifs aux infrastructures et moyens logistiques des entités de l’UEH ; aux conditions d’apprentissage notamment en ce qui a trait aux bibliothèques ; aux subventions aux étudiants pour, entre autres, la reprographie des documents ; à la régularisation du nombre pléthorique de professeurs contractuels et au contrôle des prestations des professeurs dits à temps plein ; et à l’amélioration des conditions de travail des employés dits du Petit personnel ;
élaborer une vision claire du rôle de l’UEH dans le cadre d’une politique autonome et de libre individualité dont les piliers sont : les valeurs culturelles, ancestrales, historiques et populaires, la protection sans démagogie de l’environnement, la mise en valeur de nos ressources humaines, matérielles et naturelles, l’adaptation de la formation préscolaire, fondamentale, secondaire et universitaire aux réalités concrètes du pays.
Pour ainsi dire, l’Asosyasyon Inivèsitè ak Inivèsitèz Desalinyèn – ASID condamne énergiquement les premières tentatives de privatisation de l’UEH amorcées ouvertement lors du colloque sur l’harmonisation du cursus à l’UEH et encourage la volonté de propulser pour de bon le processus de réforme de l’UEH entamée en 1986, dans la lignée des luttes qui ont abouti aux acquis populaires et démocratiques dont les membres du Rectorat sont les plus grands bénéficiaires.
Port-au-Prince, le 08 janvier 2008
Pour le Secrétariat provisoire :
Roland BELIZAIRE
Edine CELESTIN
Emanuela PAUL
Yves SANON
Jn Simon ST-HUBERT