P-au-P., 27 août 03, [AlterPresse] --- Le Conseil Episcopal de l’archidiocèse de Port-au-Prince a déploré le 26 août l’action qui a conduit à l’expulsion le 23 août 2003, de l’enceinte de l’église Sainte Rose de Lima (Léogane, à 33 kilomètres au sud de la capitale) d’un journaliste de Radio Vision 2000, Peterson Milord, et d’un autre confrère de Radio Passion de Léogane.
« L’église a pour mission de rassembler tous les hommes et de ramener au bercail les brebis perdues. L’église est un lieu d’accueil et de rencontre, l’usage de la chaire de vérité est réservée à l’annonce de l’évangile du salut et à la prédication ». De ce fait, « tous les hommes ont le droit de pénétrer dans les lieux de culte », a rappelé l’archidiocèse de Port-au-Prince.
Les évêques signataires de la note de presse du 26 août ont fait savoir que le concile Vatican II, dans le décret Inter Merifica, reconnaît le rôle des mass medias dans la vie sociale. « Les mass media apportent au genre humain un précieux concours », selon la note.
C’est la deuxième position publique, en provenance de la hiérarchie de l’église catholique romaine, après celle exprimée le 25 août par Mgr. Guyre Poulard, vice-président de la conférence épiscopale d’Haïti. Mgr. Poulard avait appelé l’archidiocèse de Port-au-Prince à élever la voix contre l’attitude du père Fritz Sauvagère, qui s’était pris publiquement à la Presse sur l’autel après avoir ordonné à des agents de sécurité d’expulser deux journalistes de l’église Sainte Rose de Lima.
Le journaliste correspondant de Radio Vision 2000, Peterson Milord, a été agressé par des agents de sécurité du Président Aristide, alors qu’il était en train de couvrir la cérémonie officielle de la fête patronale de Léogane. Les agents de sécurité rapprochée du président, selon Milord, avaient agi sous l’ordre du curé de la Paroisse Ste Rose de Lima, Père Fritz Sauvagère.
A cette cérémonie officielle, célébrée à l’occasion de la fête patronale de la ville de Léogane, assitait le président du 26 novembre Jean-Bertrand Aristide.
Au lieu de condamner l’attitude du prêtre (fidèle partisan du chef de l’Etat), Aristide a cru bon, dans ses propos de circonstance, d’établir une distinction entre ceux qu’ils considèrent comme « les journalistes pratiquant la vérité » et « les journalistes cultivant le mensonge ».
Dans le même sens, le secrétaire d’état à la communication du gouvernement lavalas, Mario Dupuy, a déclaré que le curé de Léogane n’a pas violé le droit du journaliste Peterson Milord. « Toute personne ou institution se sentant lésée dans ses droits doit recourir à la justice », a dit Dupuy.
Cependant, intervenant sur Radio Vision 2000, le père Miguel Augustin, curé de la Paroisse St Innocent de Brooklyn à New-York (Etats-Unis d’Amérique), a exigé l’adoption de sanctions contre le curé de Ste Rose de Lima, tout en stigmatisant la lenteur de la hiérarchie catholique, particulièrement de l’Archevêché de Port-au-Prince, à condamner l’attitude sauvage du père Sauvagère. Le Père Augustin demande à son collègue de faire acte de contrition.
Pour sa part, l’Association des Journalistes Haïtiens (AJH) a accordé vingt-quatre heures à Fritz Sauvagère pour qu’il présente des excuses publiques à la presse, en particulier à Peterson Milord. Autrement, l’AJH envisage d’organiser un sit-in de protestation, ce 28 août devant l’Eglise Ste Rose de Lima ( Léogane), contre le prêtre « potentat » (statut revendiqué par le Père Sauvagère dans son sermon en utilisant l’expression créole « lwijanboje », un homme prêt à tout pour arriver à ses fins).
L’association Nationale des Médias Haïtiens (ANMH) a estimé que l’attitude du Père Sauvagère a constitué, non seulement « une violation flagrante » des articles 28 et suivants de la Constitution de 1987, mais aussi de tous les principes du droit canon et des règles cardinales de l’église catholique romaine.
Sous couvert de fanatisme religieux, des prêtres lavalas commettent des actes d’intimidation contre la Presse, a dénoncé l’ANMH, qui en profite pour condamner la complicité des représentants du Bureau de presse de la présidence dans cet « acte odieux contre des journalistes », perpétré en présence de Jean-Bertrand Aristide et de son épouse, ainsi que de plusieurs autres officiels du régime lavalas qui participaient à la cérémonie religieuse à Ste Rose de Lima.
D’autre part, la Coalition Nationale pour les Droits des Haïtiens (NCHR), a assimilé la nouvelle attaque dirigée contre la presse à une atteinte grave à la liberté d’expression.
L’attitude du prêtre Sauvagère est celle d’un « bandit, d’un hors la loi », indique la NCHR qui pense que pareille attitude de la part des proches du pouvoir ne fait qu’ « empirer la situation », au moment où le régime lavalas affirme préparer de nouvelles législatives pour la fin de l’année.
« Les actes d’intimidation, les discours menaçants, les incitations à la violence et à la haine ne sont pas de nature à créer le climat nécessaire devant aboutir à la paix sociale et la tranquillité dans les familles haïtiennes », souligne la NCHR.
La Coalition Nationale des Droits des Haïtiens convie les responsables de l’église catholique à prendre des mesures nécessaires pour éviter « les dérives de certains tendant à transformer l’Eglise de Jésus-Christ en une tribune de propagande politique stérile, au mépris des Saintes Ecritures ».
Par ailleurs, un autre prêtre lavalas, Edner Devalcin, s’en est pris le 25 août à la presse haïtienne, notamment à la consoeur Lylianne Pierre-Paul de Radio Kiskeya qu’elle accuse « d’avoir vendu son âme au diable ».
Dans un éditorial responsif diffusé sur Radio Kiskeya le 26 août, et dont de larges extraits ont été relayés par d’autres stations privées de la capitale, la présentatrice du « journal de 4 :00 pm » a demandé des explications au prêtre lavalas sur le « diable » qui l’aurait soudoyée, parce qu’elle « n’avait fait que reprendre un texte diffusé en République Dominicaine », selon lequel le père Devalcin aurait été responsable de barricades de pneus enflammés ayant bloqué toute la capitale haïtienne en novembre 2002.
La consoeur Pierre-Paul a tenu à préciser pour le prêtre, qui « a prêté serment d’allégeance au régime lavalas et à son chef Jean-Bertrand Aristide pour l’installation d’un pouvoir sans limites et pour une durée indéterminée dans le pays », qu’elle ne saurait accepter « le règne de la corruption, les élections truquées, la dictature ».
Tout en soulignant à Devalcin qu’elle sait très bien « dans quel pays elle vit » et que par conséquent « elle ne saurait être naïve » sur ce qui se passe dans le pays, elle a invité le prêtre lavalas à aller rapporter « à son chef » que « je ne changerai pas ». Elle a fait savoir qu’elle ne transigera point de sa position cardinale de journaliste oeuvrant pour « le triomphe de la vérité, de la démocratie » en Haïti, un pays où elle ne partage point, a-t-elle dit, les mêmes rêves que ceux du prêtre fidèle lavalas Edner Devalcin. [rv rc apr 27/08/03 16 :48]