Par Roland Saint-Cyr
Soumis à AlterPresse le 12 décembre 2007
Vient de paraître aux éditions Mémoire d’encrier le recueil créole BOW ! du poète Georges Castera.
Le mot BOW ! indique un éclat, une explosion. C’est le bruit des balles perdues. Explosion de sens, de formes ! Le terme signifie aussi en créole baiser sur la bouche.
Le recueil rassemble cinquante quatre poèmes autour des thèmes différents comme l’amour, l’eau, la vie, etc.
À côté de l’amour sensuel et libertaire, thème récurrent chez Castera, une grande partie des poèmes évoquent l’eau et les éléments de la nature. On trouve un poète avec de grandes préoccupations écologiques.
Voici un extrait de la présentation du recueil à propos de l’écologie : « Des poèmes sur l’écologie, sur l’homme face à la nature. L’homme qui menace la vie et l’avenir de l’homme, son alter-ego. Soit parce que l’eau douce est en train de disparaître, soit parce qu’il y a trop d’eau qui inonde les terres et qui détruit hommes, animaux, maisons et jardins. Mais l’eau, c’est aussi la vie.
Lisons le poème « Moun rive sodo »
Moun rive Sodo,
Yo kwè, kwè, kwè.
Sa-w kwè yo kwè ?
Yo kwè li lò atò
Pou tout moun konn li,
Pou tout moun gen limyè,
Pou tout moun gen dlo pou bwè,
Pou tout moun lave swe
Pou yo fre, pou yo bèl,
Pèsòn pa ta renmen Ayiti,
Ayiti nou an
(yon epope),
Fini an zopope :
(p. 26)
D’après Georges Castera, écrire n’est pas un jeu. Et de plus en plus, on est face à cette vérité qu’illustre le recueil BOW ! Écoutons l’auteur intervenir sur le corps dans la poésie.
« Donner plus de dignité au corps, car le corps a été longtemps diabolisé par l’esclavage, par les peurs métaphysiques, par les dictatures, par la misère même par les regards racistes de nos compatriotes dans certains cas. Or c’est le corps qui donne rythme à la vie. Regarder marcher une femme dans la rue et vous comprendrez. L’unité dans la contradiction où politique ne s’oppose pas à poésie, les mots soi-disant poétiques à des mots dénoncés comme apoétiques. Le mouvement même de la vie comme dans un poème. Observer un enfant qui fait ses premiers pas en mimant l’équilibre de la barque sur l’eau, et vous comprendrez. Ecrire n’est pas un jeu. »
Corps, nature, l’être aimé, la dégradation accélérée de l’environnement : le recueil va de l’intime au collectif, faisant la part toujours belle à une langue créole d’une étonnante fluidité.
Georges Castera nous aura appris qu’il faut recevoir la langue avec des désirs et non avec des décrets. Le recueil Bow ! vient s’ajouter au corpus créole et confirme, s’il en est besoin, que la poésie créole poursuit sa marche verticale.
Georges Castera, né en 1936 à Port-au-Prince, est poète et dessinateur. Il vit à Port-au-Prince. Il a publié plus d’une vingtaine de recueils de poèmes en français et en créole. Il est l’un des plus importants auteurs haïtiens contemporains.
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Georges Castera, Bow !
Montréal, Mémoire d’encrier, 72 pages, novembre 2007.