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Haïti-Kidnapping : Complexité du phénomène

P-au-P., 7 déc. 07 [AlterPresse] --- La sociologue Danièle Magloire, Représentante en Haiti de l’organisme canadien Droits et Démocratie et ancienne membre du Conseil des Sages, analyse la complexité du phénomène de kidnapping qui semble s’accroitre ces derniers jours en Haïti.

Cette violence, qui a fait au moins une vingtaine de victimes depuis début novembre, se situe « de manière complexe entre la grande délinquance et des actes à connotation politique », estime Magloire dans une interview accordée à AlterPresse.

Il existe actuellement en Haiti, explique-t-elle, « une criminalité liée à l’univers de la drogue, des bandes armées et des trafics en tout genre. Cette situation est favorisée par la faiblesse de la société haïtienne et l’absence de moyens de contrôle du territoire par l’Etat », souligne-t-elle.

A propos d’une apparente recrudescence des kidnappings, particulièrement à Port-au-Prince, la sociologue exprime le sentiment que « les opérations de kidnappings ne se sont jamais arrêtés. C’est un phénomène qui n’a jamais été éradiqué », fait-elle remarquer, relevant que les rapts s’inscrivent dans une continuité.

Néanmoins, à propos de la situation en cette fin de 2007, Magloire ajoute qu’ « il est clair qu’il y a une pression criminelle qui s’exerce sur la capitale ».

Les médias ont en effet relaté ces derniers jours, de nombreux actes de kidnappings, certains d’entre eux se dénouant fatalement. On note particulièrement l’assassinat, le 23 novembre dernier, de Schneider Hervil, un enfant de 7 ans, qui a été mutilé, après avoir été séquestré durant deux semaines à Cabaret (30 kilomètres au nord de la capitale).

Tout en mettant l’accent sur « le sadisme » des kidnappeurs, Danièle Magloire explique « qu’il y a différents niveaux de kidnapping : dans certains cas, de petits chefs effectuent des kidnappings express pour obtenir un peu d’argent, mais, dans d’autres, des structures disposent de moyens pour grader leurs otages sur une longue période ».

Pour la sociologue, la multiplicité des bandes qui agissent en Haiti « n’ont pas nécessairement de liens organiques et un chef unique ».

Cependant, dans le contexte actuel, « quelques secteurs jouent à stimuler les antagonismes entre groupes sociaux, pour essayer de justifier des actes de kidnapping », soutient Danièle Magloire. « Ils maintiennent un discours qui présente la situation d’une société qui serait divisée entre des extrêmement riches et des extrêmement pauvre, ce qui ne traduit aucune situation sociologique », poursuit-elle.

Au niveau de l’Etat, « sa faiblesse empêche le contrôle du territoire qui est dès lors ouvert à des trafics de toutes sortes ».

Elle parle d’une « nouvelle mafia que la justice n’arrive pas à endiguer ». Elle observe que « de nombreux chefs de bandes ont été arrêtés, mais la relève a été vite assurée ». Comment peut-on, dans ces conditions, contenir ce phénomène, s’interroge-t-elle.

Danièle Magloire avance que « la question de la sécurité ne peut pas être abordée de la même façon qu’il y a 20 ou 30 ans, parce qu’elle s’inscrit désormais dans un nouveau contexte politique, marqué par une crise de représentativité et un contexte économique caractérisé par la crise et une immense misère ».

Elle plaide pour « un plan de sécurité » constitué de mesures adaptées, dont des dispositions pour assurer l’identification de la population. Car, souligne-t-elle, la plupart des fois, lorsqu’un suspect est recherché, la police à des difficultés pour faire part de sa véritable identité. « Il n’y a pas une véritable connaissance des mouvements de population », affirme-t-elle.

Danièle Magloire appelle à organiser et rendre plus efficace le système carcéral afin d’éliminer « les possibilités de fuite de prisonniers » et aussi « empêcher le mélange de diverses catégories de prisonniers ».

Elle insiste également sur le danger que représente, selon son analyse, les criminels venus d’Amérique du Nord « que nous ne savons pas gérer ». Elle estime que « nous avons un vide juridique à ce niveau ».

En ce qui concerne la police, elle doit « renforcer ses capacités d’action en terme d’enquêtes », suggère la sociologue, qui invite, d’autre part, les communautés à être « davantage conscientes du phénomène d’insécurité pour pouvoir maintenir une vigilance permanente ». [gp apr 07/12/2007 10:20]

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Cet article a bénéficié de la contribution de Cindy Drogue