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Haïti-Genre : Actions et recommandations dans le cadre de la lutte contre la violence faite aux femmes

P-au-P, 4 déc. 07 [AlterPresse] --- Diverses actions et recommandations pour mieux combattre la violence faite aux femmes en Haïti sont sorties d’un débat tenu le 30 novembre 2007 à Port-au-Prince par la coordination nationale de plaidoyer pour les droits de femmes (Conap), a observé l’agence en ligne AlterPresse.

Un commissariat spécifique pour les femmes, dénommé « komisarya fanm », qui comprendra uniquement des policières, verra le jour bientôt à Fort National, un quartier défavorisé situé au nord-est de la capitale.

’’La nouvelle cellule policière [qui bénéficiera de l’appui d’un organisme brésilien appelé « Viva Rio »] travaillera en étroite collaboration avec le tribunal de paix de la zone et sera supervisée par le service d’inspection de la police nationale d’Haïti (Pnh)’’, informe l’inspecteur général Fritz Jean.

Une infirmière sera disponible pour prendre en charge les femmes battues et abusées sexuellement, précise Jean.

Dans ce contexte, le ministère à la condition féminine et aux droits des femmes (Mcfdf) organisera prochainement une session de formation à l’intention des femmes habitant les zones défavorisées en vue de les encourager à considérer leur propre situation et à prendre des responsabilités appropriées, annonce la directrice du Mcfdf Myrna Narcisse.

Le gouvernement du Premier ministre Jacques Edouard Alexis, par l’intermédiaire du ministère de la Justice, compte soumettre à l’organisation des Nations Unies (Onu) une proposition de mécanismes tendant à faire juger en Haïti les militaires onusiens reconnus coupables de violations sexuelles envers les femmes du pays.

Les haïtiennes victimes de militaires sri lankais, récemment rapatriés par l’Onu dans leur pays d’origine, seront accompagnées par le ministère de la justice qui veillera à la participation de ces femmes au procès à instruire, selon les informations issues du débat du 30 novembre.

En plus d’un émissaire à détacher auprès de l’Onu sur le dossier sri lankais, la Coordination nationale de plaidoyer en faveur des droits des femmes demande à l’Etat haïtien d’utiliser son autorité en vue de faire respecter les lois et les conventions signées en la matière.

Une mesure disciplinaire adoptée par l’Onu a abouti au rapatriement au Sri Lanka, le samedi 3 novembre 2007, de 108 casques bleus sri lankais fautifs, suite à un rapport d’enquête des services de contrôle internes de l’Onu. Ce rapport, non disponible à la presse, fait état de l’implication des soldats du bataillon sri lankais de la Mission des Nations Unies de Stabilisation en Haïti (Minustah) dans des actes de viol et d’abus sexuels dans la république caribéenne.
La décision des Nations Unies de rapatrier 108 soldats du bataillon sri lankais pour leur implication dans les abus sexuels sur des mineures en Haïti n’a pas laissé indifférentes les organisations de femmes haïtiennes, relève l’agence en ligne AlterPresse.

Ces organismes, dont la Solidarité des femmes haïtiennes (Sofa) et le Collectif féminin haïtien pour la participation politique des femmes (Fanm Yo La), se déclarent offusqués par cette mesure, tout en estimant que les militaires [du Sri Lanka] accusés doivent coûte que coûte répondre de leurs actes par devant la justice.

« Nous exigeons le rapatriement en Haïti de ces soldats pour être jugés et punis selon la loi pour les crimes qu’ils ont commis en Haïti », déclarait le 6 novembre Olga Benoît, coordinatrice de la section « violence faite aux femmes » à la Sofa.

Sur la même longueur d’onde que la Solidarité des femmes haïtiennes, le Collectif féminin haïtien pour la participation politique des femmes (Fanm Yo La) juge impérieux pour les autorités nationales d’adopter des dispositions visant à décourager les autres militaires onusiens à commettre des abus sexuels sur les femmes et filles haïtiennes. Estimant que « rapatrier les coupables sans être jugés », consiste à « donner carte blanche aux autres violeurs », Fanm Yo La rappelle que « le viol est un crime puni par la loi haïtienne ».

« Nous demandons à l’Etat haïtien de prendre des mesures de punition urgentes à l’encontre de ces violeurs, selon la loi, en vue de permettre aux victimes de trouver justice et réparation », écrivait l’organisation féministe dans une note transmise à AlterPresse.

Les limites du certificat médical de viol

Le certificat médical en cas de viol, à délivrer par les institutions sanitaires (centres de santé, dispensaires, hôpitaux) suivant la décision prise début 2007 par les ministères de la santé, de la justice et de la condition féminine, aurait certaines limites quant aux mobiles et autres formes d’agressions sur les femmes. Quoique étant en accord avec le projet de loi du Mcfdf visant le respect, la promotion et la protection des droits des femmes, l’obtention du certificat médical ne donne pas la possibilité de vérifier certains actes sexuels buccaux que subissent des mineures de 3 à 11 ans.

’’ Le certificat médical [délivré dans les cas de viol] permet seulement de vérifier les traces des pénétrations sexuelles, mais il ne permet pas de connaître l’intention des agresseurs, non plus les autres formes d’agressions’’, soulève la Conap à l’occasion du débat du 30 novembre 2007.

En outre, la couverture médicale très faible en Haïti est l’un des principaux obstacles à l’accès de ce certificat par les femmes victimes de violences, reconnaît, pour sa part, l’Unité de recherche et d’action médicale (Uramel) qui insiste sur le droit de toutes les victimes d’agressions sexuelles et autres à disposer de cet « outil important à l’obtention de la justice ».

Déroulé dans le cadre des activités marquant la journée internationale contre la violence faite aux femmes, le 25 novembre 2007, le débat du 30 novembre à Port-au-Prince a été aussi l’occasion pour la Conap de présenter à l’assistance un bilan partiel de l’ensemble des actions et démarches entreprises dans le cadre de sa participation à la lutte contre les violences faites aux femmes en Haïti.

Entre autres réalisations, la Conap relève : un tribunal symbolique pour les femmes et fillettes victimes d’agressions sexuelles, monté avec la participation de plus d’une centaine d’organisations de femmes, un comité regroupant des organisations de femmes et des femmes parlementaires pour assurer le suivi des dossiers de concert avec ledit tribunal, la signature d’un protocole d’accord avec le ministère à la condition féminine et aux droits des femmes sur les actions à mener pour promouvoir et faire respecter les droits des femmes en Haïti, des formations dans le domaine de la santé, des droits humains....

Réalisé, avec l’intervention d’autorités étatiques ainsi que de représentantes et représentants d’organisations de la société, le débat du 30 novembre 2007 au local de la Conap avait pour objectifs de mettre en évidence une revendication d’élaborer et d’adopter une loi cadre sur la violence faite aux femmes en partenariat avec le ministère à la Condition Féminine, ainsi que de poser la nécessité de constituer une cellule permanente de monitoring et d’intervention de l’Etat haïtien dans le suivi du dossier de militaires sri lankais accusés d’abus sexuels et de viols sur des mineures en Haïti. [kj rc apr 04/12/2007 8 :00]