P-au-P., 26 nov. 07 [AlterPresse] --- Une cinquantaine de journalistes dominicains et haïtiens, ainsi que des observateurs, ont débattu le 24 novembre à Port-au-Prince de la couverture médiatique de la thématique haitiano-dominicaine au niveau des deux pays qui se partagent l’île Quisqueya.
Organisée par le Groupe Médialternatif (GM) et Espacio de comunicación Insular (Espacinsular), deux institutions de communication basées respectivement en Haïti et en Rép. Dominicaine, cette session a été l’occasion de présenter les résultats d’une étude réalisée dans les deux pays sur les tendances des informations diffusées dans la presse, durant les trois dernières années, à propos des réalités haitiano-dominicaines.
Les deux études, commandées par le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR), ont révélé des distorsions dans la couverture médiatique de la thématique haitiano-dominicaine, en dépit de l’importance croissante de cette dernière dans l’ensemble des contenus disponibles dans la presse, notamment en Haiti.
Migration haïtienne en R. Dominicaine, thème favori des médias haïtiens
« Même se elle n’est pas traitée au quotidien dans les médias, la question haitiano-dominicaine occupe une place importante. Les journalistes sont intéressés par tous les thèmes, à l’exception des loisirs » : telle est une des conclusions de l’étude effectuée en Haïti.
Elle conclut également que la migration est le thème favori des médias haïtiens en ce qui concerne Haiti et la République Dominicaine, tandis que l’environnement et la culture sont généralement « traités (respectivement) dans des circonstances de catastrophes naturelles et la réalisation de foires binationales ».
« Le thème genre n’est pas considéré à sa juste valeur. Or il es bien connu que les femmes sont en proie à toutes sortes de violence dans les moments de rapatriement à la frontière et dans le commerce frontalier », fait remarquer l’étude.
A propos de la mise en contexte des faits relatés, l’étude souligne que les journalistes ne remontent généralement pas au-delà de trois ans et font très rarement référence aux faits historiques jalonnant les relations entre les deux nations.
En outre, les médias haïtiens présentent généralement les migrants comme « des victimes passives », qui ont rarement l’occasion de témoigner de leur vie et de leur combativité.
Les médias dominicains reproduisent « les grands mythes » de la migration haïtienne en R. Dominicaine
De son coté, l’étude effectuée en République Dominicaine établit que la majeure partie des contenus disponibles dans la presse de ce pays « montrent une tendance à ne pas contribuer à l’amélioration des relations entre les deux peuples et les deux États ».
Cependant, précise l’étude, il existe aussi des médias et des journalistes qui font preuve d’une “forte vocation” à la recherche de l’harmonie dans les relations entre les deux pays.
Comme en Haiti, le thème de la migration haïtienne occupe une grande place dans les médias dominicains. Mais les migrants haïtiens sont présentés comme « un danger » et « une charge » pour la République Dominicaine, reproduisant ainsi « les grands mythes » qui entourent ce sujet. Leur « apport » à l’économie et à la société dominicaine est négligé.
Parallèlement très peu d’espace est réservé dans la presse dominicaine aux échanges culturels et conviviaux entre les deux peuples.
Lors d’échanges en ateliers les journalistes haïtiens et dominicains ont relevé, entre autres conclusions, une différence de taille dans les perspectives des médias des deux pays. La presse dominicaine est conditionnée par le fait qu’il existe « un problème haïtien » en République Dominicaine, tandis que du coté haïtien, les journalistes travaillent dans une ambiance où il n’existe pas de « problème dominicain ».
Propositions de journalistes pour améliorer la couverture de la thématique haitiano-dominicaine
A l’issue des travaux, les journalistes des deux pays se sont accordés sur un ensemble de propositions, dont des extraits suivan-
Organiser beaucoup plus de rencontres et de forums réunissant des journalistes haïtiens et dominicains.
Impliquer les directions médias et pas seulement les journalistes, dans ces rencontres, car les lignes éditoriales dépendent des directions des médias. Si les médias ne sont pas sensibilisés, les journalistes ne pourront pas faire grand’chose.
Mettre en place des mécanismes de suivi et rechercher, à cet effet, des moyens nécessaires.
- Profiter mieux de l’Internet, une ressource importante pour établir des réseaux d’échanges, de communication, d’articulation et de coopération entre les journalistes des deux pays.
Mettre en place des programmes de visites d’immersion réciproques.
Réaffirmer la nécessité pour les journalistes de faire leur travail en disant la vérité, sans sensationnalisme et chauvinisme, au-delà des idées reçues et stéréotypes.
Diversifier les sources et les thèmes (arts, culture, loisirs, environnement, etc) et faire ressortir les aspects positifs des réalités des deux pays.
- Accorder plus de place aux thématiques liées à l’environnement, au delà des événements dramatiques et circonstances particulières.
Favoriser la présence de correspondants haïtiens en République Dominicaine et vice versa.
Apprendre à parler la langue du voisin / Prévoir des cours de langue (espagnol, créole, français) à l’intention des journalistes.
Mettre en place un centre d’études sur la thématique haïtiano-dominicaine siégeant dans les deux pays, impliquant les deux États et les chercheurs des deux pays.
Adopter une déclaration condamnant les menaces à l’encontre de journalistes et médias des deux pays (par ex. Guyler C. Delva d’Haiti et Jose Rivas de la République Dominicaine).
[gp apr 26/11/2007 05:00]