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Trois compagnies privées de téléphonie cellulaire, parmi les dix premières entreprises d’Haiti

Le secteur des technologies de l’information mérite un bien meilleur traitement !

Par Jean-Marie Raymond NOEL [1]

Soumis à AlterPresse le 22 octobre 2007

L’Unité de Gestion et de Contrôle Fiscal (UGCF) de la Direction Générale des Impôts (DGI) vient de sortir la liste des 500 plus grands contribuables pour l’exercice 2006-2007. Sans surprise, cette année encore, les entreprises du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) se classent parmi les meilleures : près de 2,2 milliards de gourdes de taxes apportées à l’Etat haïtien sous forme de TCA (Taxe sur le Chiffre d’Affaires), d’Impôt sur le Bénéfice, et autres, soit environ 60 millions de dollars américains.

Des 100 premiers, 7 entreprises relèvent du secteur TIC. Les trois entreprises privées de téléphonie cellulaire (Comcel, Digicel, Haitel) sont classées parmi les dix premières avec une contribution financière directe d’un peu plus de 2 milliards de gourdes au Trésor Public, soit une augmentation de plus de 50% par rapport à l’exercice fiscal 2005-2006. Avec un tel taux pour le seul sous-secteur de la téléphonie, les taxes provenant du secteur TIC atteindront plus de 3 milliards de gourdes soit donc plus de 10% des recettes attendues par l’Etat haïtien pour l’exercice en cours 2007-2008.

Au montant total des contributions, le sous-secteur de la téléphonie participe pour 93,6%. Cette mise exagérée se fait au détriment des autres sous-secteurs, dont celui de l’Internet, des applications et du contenu, et reflète bien les conditions dans lesquelles le secteur TIC se développe. Cette configuration déséquilibrée tiendra aussi longtemps que perdure l’absence d’orientation, de volonté politique affirmée et d’engagement. Car, compte tenu des caractéristiques socio-économiques du milieu haïtien, les autres sous-secteurs ont besoin pour leur développement d’un véritable accompagnement des pouvoirs publics.

Le secteur génère à l’Etat haïtien suffisamment de fonds pour mériter un meilleur traitement, un traitement digne de sa forte contribution aux recettes publiques. Ceux qui s’illusionnent à croire que le secteur représente une préoccupation, à défaut d’être une priorité, n’ont qu’à vérifier les dotations budgétaires faites aux deux entités publiques directement concernées, à savoir le CONATEL et la Direction des Communications du Ministère des TPTC. Le premier récolte 6, 101,366.00 gourdes, soit 0,02% du budget global de fonctionnement. C’est vrai qu’il peut s’en passer, vu ses rentrées extra-budgétaires. Par contre, ce n’est pas le cas de la Direction des Communications. Avec un budget de 2, 696,405.00 gourdes, quelle efficacité peut-on attendre d’elle ? Et quelle orientation peut-on attendre du ministère concerné, si ce ne sont des opinions personnelles ? La comparaison avec les ressources allouées aux deux autres directions du même ministère (Travaux Publics et Transports) démontre que, d’un Ministre des TPTC à un autre, vacciné TIC ou pas, la vocation du ministère se précise : routes et ponts. Et cette situation persistera tant et aussi longtemps qu’on persiste à garder le dossier des Technologies de l’Information et de la Communication au sein de ce ministère.

Il est par ailleurs navrant de constater qu’un secteur qui affiche un tel dynamisme continue à évoluer sans cadre légal adéquat. Pourquoi en faut-il un si ça marche, semblent dire des responsables ? Pour que ça marche mieux, rétorquerais-je et que ça dure ! C’est d’autant plus navrant que des propositions de loi et règlements très valables existent. C’est hélas le cadet des soucis de ceux placés pour s’en préoccuper, au point de s’en remettre à quelques milliers de dollars et à des experts de la Banque Mondiale, comme si le secteur local ne génère ni ne dispose pas de ressources en quantité et en qualité.

Il est temps que les acteurs (opérateurs, développeurs, fournisseurs d’équipements, de service, formateurs,..) de ce secteur prennent conscience de leur rôle, de leur poids, de leur forte contribution dans l’assiette pour exiger des autorités un meilleur traitement. Aujourd’hui, celles-ci sont unanimes à chanter les bienfaits de la concurrence dans le secteur, tout en prenant soin de ne pas changer le fameux décret du 12 octobre de 1977 qui dit en son article premier : « L’Etat Haïtien a le monopole des services de télécommunications. Dans l’exercice de ce privilège, il peut s’adjoindre ou se substituer des personnes civiles ou morales par l’octroi de concessions ou permis d’exploitation ».


[1Ing., MSc
Professeur, Faculté des Sciences
Université d’Etat d’Haïti