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Haïti : Aucune leçon tirée des catastrophes naturelles à répétition

Polémiques stériles dans un environnement rendu menaçant par nos politiques à courte vue

Communiqué de la Fondation Seguin

Repris par AlterPresse le 23 octobre 2007

Quelles leçons avons-nous tirées de ces dernières pluies et des dégâts qui en ont résulté ?
Apparemment aucune, puisque les catastrophes de 2004, à Verrettes et aux Gonaïves, n’ont rien
changé à notre mode de vie et encore moins aux conditions précaires dans lesquelles vivent la
plupart de nos concitoyens.

Seguin et ses environs n’ont pas été épargnés par le cyclone Dean et les dernières pluies : 1 mort,
1 disparu, une cinquantaine de maisons endommagées, 50% des cultures maraîchères perdues,
une population aux abois qui s’adonne, maintenant plus qu’hier, au pillage des ressources
forestières. La Fondation Seguin présente à toutes les victimes de ces récentes pluies, plus
particulièrement à celles de la région de Seguin, toutes ses sympathies……

Le 16 mars 2007, le Ministère de l’Environnement graduait, en grandes pompes, dans le décor du
Parc La Visite, le groupe qui, croyait-on, allait constituer l’embryon du Corps de Surveillance de
l’Environnement. Le corps législatif fut représenté à cette cérémonie et il prit des engagements à
cette occasion au même titre que le Ministre de l’Environnement, parlant au nom de l’Exécutif.

Ce jour là, de beaux discours ont été déclamés allant de la prise en compte des changements
climatiques au niveau global à la responsabilisation de chaque citoyen pour la réhabilitation de
l’environnement en Haïti.

Des trente agents gradués ce jour-là, en présence de plusieurs ambassadeurs étrangers venant
aussi bien de pays du Sud que de pays du G8, de plusieurs élus locaux et d’une grande foule de
riverains du parc qui se mobilisèrent sur les lieux, quatre ont été affectés, un mois plus tard, par
rotation de deux, au Parc La Visite.

C’était bien peu mais on pouvait encore interpréter cela comme un début. Malheureusement,
l’expérience n’aura duré que l’espace de deux mois.
Depuis le début du mois de juillet 2007, les agents affectés à la surveillance du parc national La
Visite, ne sont plus à ce poste. Il parait qu’ils auraient été réaffectés, ainsi que leurs 26 autres
confrères, à la surveillance des locaux du Ministère de l’Environnement, à la capitale.

Haïti a besoin d’au moins mille à mille deux cents agents de surveillance de l’environnement pour
contrôler la qualité de l’eau des sources, faire appliquer le code rural et les prescrits du décret du
12 octobre 2005 relatifs à la protection des berges des rivières, pour mettre en oeuvre, au moins
au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, des mesures dissuasives à l’utilisation du
bois de feu et du charbon de bois indispensables pour ralentir la déforestation du pays, pour gérer
eux-mêmes des pépinières et encadrer des initiatives de pépinières scolaires, pour superviser le respect de normes relatives aux lotissements et à la gestion des chantiers de construction, pour
vérifier que les mesures relatives à la pollution de l’air soient appliquées. Comment comprendre
alors que trente citoyens de bonne volonté qui ont bénéficié de deux années de formation pour la
surveillance de l’environnement, soient humiliés du seul fait qu’ils eurent à servir leur pays, par le
passé, dans les rangs des Forces Armées d’Haïti ? Comment comprendre que cela puisse se
produire sous le même gouvernement qui procéda à leur graduation ?

Comment interpréter le fait que les réactions de l’Etat aux récentes inondations torrentielles se
concentrent sur des opérations de curage dans les centres urbains des plaines et ignorent les
bassins-versants dégradés ?

Une fois de plus, la Fondation Seguin s’évertue à obtenir, de l’Etat haïtien, la prise en compte,
dans les priorités nationales, du caractère stratégique de l’aménagement des zones de montagnes
humides, en particulier les aires déjà déclarées protégées par la législation existante.

La présence de gardes forestiers honnêtes est indispensable à la protection des parcs nationaux et
la Fondation Seguin fait appel aux autorités établies concernées pour que les agents de
surveillance de l’environnement, anciens militaires ou pas, reprennent leur poste et soient
déployés, en plus grand nombre, au parc La Visite, au Parc Macaya, à la Foret des Pins, au parc
historique de la Citadelle, dans les voies d’accès par lesquelles passent les chargements de bois
de feu et de charbon qui alimentent la zone métropolitaine de Port-au-Prince, dans les mangroves
de l’Ile à Vaches, des Barradères, de Miragoane, de l’embouchure de l’Artibonite, de Petit Paradis
et de Fort Liberté à Limonade. Par "autorités établies concernées", la Fondation Seguin pointe le
doigt en particulier sur le Ministère de l’Environnement, le Ministère de la Justice, la Police
Nationale d’Haïti, la Commission de réflexion sur l’alternative aux FAd’H, le premier ministre et
le président de la république.

Il faut aussi que ces agents soient munis de moyens de travailler c’est-à-dire, au moins, d’établir
des pépinières avec l’aide des écoles de la région, de donner l’exemple de faire leurs besoins dans
une toilette correcte, de cuire leur nourriture autrement que à partir du bois de la forêt, de
disposer de carnets de verbalisation contre l’écorçage des pins, contre la divagation des animaux,
contre les incendies volontaires, contre la destruction des restes de fougères, d’orchidées et autres
espèces menacées de disparition dans la zone. Tel ne fut pas le cas durant les mois passés.
La réhabilitation de l’équilibre dans les ressources naturelles et l’environnement ne peut être
obtenue à partir de projets promus comme des initiatives de création d’emplois de court terme. Il
faut des mesures de réformes administratives et il faut avoir le courage de sanctionner sans
considération d’amitiés ni d’électorat.

Émis le 20 octobre 2007

Pour la Fondation Seguin,

Serge Cantave Jr
Cordonnateur execut