P-au-P, 22 oct. 07 [AlterPresse] --- La commission épiscopale nationale de l’église catholique romaine Justice et Paix (Jilap) salue les efforts accomplis pour combattre la criminalité, mais préconise également de renforcer la justice sociale en faveur des citoyennes et citoyens en vue de prévenir l’insécurité et la violence globales en Haïti.
« L’insécurité et la violence ne trouveront pas de solution durable, si on n’attaque pas la question de la violence sociale qui détruit la société chaque jour davantage », avertit Jilap dans un nouveau rapport-bilan sur le troisième trimestre de l’année 2007 à Port-au-Prince, dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Au-delà d’une meilleure répartition des biens entre toutes les couches, Justice et Paix plaide pour la mise en œuvre d’actions sociales « qui considèrent chaque personne comme personne humaine à part entière ».
En plus de la contribution de toutes les actrices et de tous les acteurs sociaux, l’Etat a une grande responsabilité dans la mise en oeuvre d’exigences concourant au bien commun de la population et favorables à la justice sociale, comme le respect de tous les droits de chaque personne, sans oublier les droits sociaux et économiques ; la participation de toutes et tous à la vie sociale, politique et économique ; ainsi que l’accès à la formation, à l’éducation et à l’emploi pour améliorer les conditions d’existence et combattre la misère.
Tout en saluant les efforts entrepris, « même si c’est avec beaucoup d’hésitations », pour créer un climat de sécurité dans le pays, l’organisme religieux de promotion de droits humains s’interroge sur les circonstances attendues par le secteur privé pour consentir des investissements, notamment « dans les quartiers populaires pour transformer le désespoir des jeunes en avenir ».
« Ce n’est pas parce qu’on est jeune garçon, qu’on s’habille d’une certaine façon, qu’on a les cheveux tressés, qu’on habite un quartier populaire, qu’il faudrait être nécessairement lié à la violence », signale Justice et Paix, notant que « l’activité répressive dans les quartiers populaires fait des victimes qui n’ont pas de lien avec la criminalité ».
De l’avis de la commission épiscopale de l’église catholique romaine, une position ferme devant la violence, le banditisme, la criminalité et l’impunité dans la société ne devrait pas servir de prétexte pour passer outre la loi et le respect des droits humains.
En ce sens, Jilap dénonce la pratique appelée « arrimage » (arrestation de masse), et qui est source de violations des droits des personnes.
« Non seulement les personnes arrêtées sont retenues aux gardes à vue sans accusation précise, mais parfois on les envoie au pénitencier parce qu’on n’est pas venu offrir de l’argent ou parce qu’il n’y avait pas d’avocat. Une fois en prison, le juge peut bien les oublier pour ces mêmes raisons ».
Se basant sur les nouvelles relatant la libération de criminels et bandits par des juges suite au paiement de rançon, Justice et Paix relève des faiblesses dans la lutte contre la criminalité et dénonce « un mariage entre insécurité, corruption et impunité ».
Dans le rapport-bilan transmis à AlterPresse, les observations de la commission Justice et Paix évoquent une quarantaine de victimes, de violence et de catastrophe naturelle, dans les rues de Port-au-Prince pour les mois de juillet, août et septembre 2007.
Parmi ces 44 victimes, dont 19 par balles, 20 ont été recensées en août 2007 contre 14 en juillet et 10 en septembre de la même année.
La Commission déclare avoir noté 10 cas de personnes mortes suite à des accidents de la circulation pour le seul mois de juillet. Les pluies diluviennes, qui se sont abattues sur la capitale haïtienne en août 2007, ont fait 6 morts, indique Jilap qui met en garde contre l’utilisation de la mort violente comme seul critère pour analyser l’insécurité.
Seule une synthèse des différents critères (accidents, victimes de l’environnement suite à la négligence humaine, kidnapping, viol, vol, agressions, blessés par balles, etc., permet de voir l’état réel de la violence.
« Si le nombre de morts par balles a diminué, il faut reconnaître le travail positif de la Police nationale d’Haïti (Pnh) et de la Mission des Nations Unies de Stabilisation en Haïti (Minustah). Leur approche est répressive, elle est nécessaire, mais elle ne peut suffire pour établir un climat de paix durable dans le pays », souligne Jilap.
Voilà pourquoi l’organisme religieux de promotion des droits humains exhorte les autorités étatiques, tout en adoptant des dispositions contre le banditisme, à tenir compte des avantages d’une justice sociale véritable en Haïti. [rc do apr 22/10/2007 12 :00]