Des arbres déracinés, des tonnes de détritus s’amoncelant partout dans la ville, des carcasses de voitures exposées, des maisons et des bananeraies détruites par les eaux dévastatrices… Un triste décor qui attend visiteuses et visiteurs à la commune de Cabaret…
Cabaret (Haïti), 19 oct. 07 [AlterPresse] --- Située à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale haïtienne, la commune de Cabaret vient d’être inondée suite au débordement de la rivière Béthel, dans l’après-midi du mercredi 10 octobre 2007.
Cette rivière, qui traverse entièrement la commune, représente un danger pour des milliers de familles qui, à la moindre averse, n’ont pas la quiétude d’esprit.
« Le plus important pour nous aujourd’hui, c’est de curer la rivière Béthel qui constitue une menace pour les couches les plus défavorisées », déclare à l’agence en ligne AlterPresse Frédéric Antoine, un des 20,000 sinistrés directs des inondations d’octobre 2007.
Les problèmes de curage de la rivière Béthel et de canalisation de la ville devraient être résolus dans un temps raisonnable pour éviter le pire, selon le jeune Miguel Jean-Louis qui dénonce l’absence de programmes en faveur des jeunes de sa commune.
« Ils n’ont aucune politique, aucun programme de développement communautaire. Ils sont tous responsables de nos malheurs », affirme Miguel Jean-Louis, qui attribue ces inondations à l’irresponsabilité des autorités gouvernementales en terme de protection de l’environnement.
Construction du Village Fraternité
Déplacer la population des zones exposées est l’une des idées caressées par l’actuel conseil municipal de Cabaret.
« Le maire principal a l’intention de construire le Village Fraternité pour les personnes vivant dans les zones fragiles », révèle Joseph Smith Dorélus, inspecteur municipal de Cabaret.
Des projets de drainage et de curage de la rivière Béthel seraient à l’étude, selon cet employé de la Mairie de Cabaret.
La ville de Cabaret a été construite en 1961 par le dictateur François Duvalier sous la dénomination de Duvalier-Ville. Très plate, cette commune productrice de bananes plantains est très exposée aux catastrophes naturelles. Troisième catastrophe enregistrée depuis 2004 à Cabaret, les inondations du 10 octobre 2007 sont beaucoup plus meurtrières, selon les victimes.
Selon un bilan partiel, en plus des personnes portées disparues, une vingtaine de morts sont à déplorer ; des milliers de familles sinistrées, des centaines de maisons endommagées, de nombreuses têtes de bétail emportées et des bananeraies complètement dévastées. Les responsables locaux sont dans l’impossibilité d’identifier les cadavres répertoriés.
« Trois de mes camarades sont portés disparus, jusqu’à ce matin [mardi 16 octobre 2007] ; on continue de recenser des morts », explique Pierre Moïse Augustin de passage de la zone.
Aux dires de ce citoyen, dans certains quartiers, des odeurs nauséabondes se dégagent et les autorités sanitaires n’ont jusqu’à présent adopté aucune mesure visant à préserver la population locale contre toute éventuelle épidémie.
Originaire de la ville de Hinche (centre), Augustin et ses trois amis venaient remplir une mission à Cabaret.
« De retour à Hinche, je ne sais pas encore quoi dire aux parents de ces personnes », ajoute-t-il.
Des écolières et écoliers sans secours
Au lendemain de ces inondations, le gouvernement a promis de tout mettre en œuvre pour faciliter le retour à l’école des enfants sinistrés. Une semaine après, certains établissements scolaires sont encore dysfonctionnels ; des parents aux abois ne savent où se casser la tête pour envoyer leurs enfants à l’école.
Dans certains quartiers, certains parents d’élèves se trouvent obligés de mettre au soleil des matériels didactiques (livres et cahiers) récupérés dans des tas d’immondices.
Selon la branche nationale du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef), quelques 700,000 enfants haïtiens sont rendus vulnérables suite aux inondations ayant affecté le pays au cours des deux premières semaines d’octobre 2007.
« Tous nos matériels scolaires ont été emportés par les eaux, nos parents ont tout perdu, ils ne sont pas en mesure de nous envoyer à l’école », indiquent Mackendy et Lovené, deux petits enfants abandonnés dans un abri provisoire.
Mère de trois enfants, Rodna Joseph, 26 ans, est l’une des personnes blessées lors des inondations du 10 octobre.
« Depuis ce jour-là, j’ai des cicatrices, des maux de tête, d’estomac. A tout moment, je sens des douleurs », dit-elle, très angoissée.
Cabaret, berceau de la banane plantain
Avec sa production de banane plantain, Cabaret – une commune de l’arrondissement de l’Arcahaie - reste l’une des plus importantes régions du pays. Elle est réputée comme la zone productrice de cette denrée avec 25% de la production de bananes plantains, selon les statistiques.
Après les inondations du 10 octobre 2007, le secteur agricole se trouve en difficulté avec la destruction des champs de bananes.
Une étude du Laboratoire des relations haïtiano-dominicaines, en 2006, révélait que la production de bananes plantains est estimée à 270 mille tonnes métriques (TM) par an en Haïti. Cette production se trouve concentrée dans la plaine alluvionnaire de l’Arcahaie qui partage la zone avec Cabaret. [do rc apr 19/10/2007 14:00]