Tiga et les maÎtres Saint Soleil honorent les cimaises des galeries de Port-au-Prince du 7 au 13 octobre. La galerie Nader montre les acryliques de l’artiste et différents Saint Soleil à partir du mercredi 10 octobre.
Par Dominique Batraville
P-au-P., 9 oct. 07 [AlterPresse] --- Il est encore possible de rencontre l’art de Tiga. Le merveilleux catologue que lui consacre la communauté artistique haïtienne et internationale l’atteste. Le préfacier du catalogue, Christian Connan, Ambassadeur de France en Haïti écrit : « C’est Louis Deblé, ami de Malraux, et ce moment-là, Ambassadeur de France à Port -au- Prince, qui invita l’ancien ministre du général De Gaulle. Malraux, envisageait de venir en Haïti ‘à la découverte de l’art brut’. A Soissons -la- Montagne il n’a pas manqué de remarquer l’esprit généreux et altruiste de Tiga, son sens de la fraternité humaine, son idéal de solidarité, son désir de comprendre et d’apprendre aux autres, sa curiosité universelle, son humanisme et toutes ses qualités que l’artiste manifestait à l’égard des gens de toutes conditions, profanes en matière artistique ou autodidactes de génie, jeunes talents, artistes les plus modestes, malades mentaux ou simples d’esprit ».
Et rentrant d’Haïti en janvier 1976, à quelques mois seulement de sa mort, Malraux, n’hésitera pas à remplacer dans l’Intemporel (déjà sous presse chez Gallimard) un chapitre sur Goya, par une trentaine de pages sur l’art vodou haïtien et le Mouvement Saint Soleil.
Aujourd’hui encore, regardeurs avertis et simples amateurs d’art restent fascinés par les toiles, sculptures, drapeaux, poèmes des artistes Saint Soleil, les vèvès enchanteurs de Prosper Pierre-Louis. Des regards de plus en plus attentifs se posent sur les créations de Levoy Exil, puis lèchent les séquences de Louisanne Saint Fleurant ou celles de Mathieu Saint Juste. Il faudrait revoir Albérik, Saint Jean, deux des rebelles de Saint-Soleil.
L’art de Tiga
La technique « du soleil brûlé » - mélange de Sienne, d’encre et d’acide - s’accorde à la « dernière manière » de Tiga, axée sur l’abstraction figurative et l’épuisement symptomatique du figuratif à travers quelques unes de ses toiles.
Fondateur du Mouvement Saint Soleil et théoricien de la « rotation artistique » (base de l’exploration de l’être créatif à partir des différents supports sensibles), Tiga pourrait être considéré comme l’un des grands créateurs caribéens contemporains.
Comme Salvador Dali, à certains égards, il a voulu écrire une sorte de « journal de son génie » et s’attarde de manière vertigineuse à capter les spectres christiques, sans vouloir les représenter de manière « obséquieuse » comme un Fra Angélico.
Les « Saintes faces », peintes par Tiga, associées ici à des Christs, à des Vierges quelque part incandescentes, où surgit soudainement le « phénomène du sphinx », annoncent de manière presque atypique des icônes d’une profondeur hautement séraphique.
Entre ombres et lumières, les visages ou les gros plans de Tiga se manifestent comme des figures solaires avec la « croix axiale » comme ancrage sublimatoire. Certains Christs de Tiga ont le regard impénétrable. D’autres sont traversés par une lumière constellaire. La main de l’artiste engendre des Christs dans une ambiance chromatique interpellative.
Loin de s’ancrer dans un syncrétisme exubérant, l’expression picturale de Tiga suggère les nimbes du crucifié, les scarifications de telle femme cosmogonique et la musique des masques baignés de couleurs chaudes et douces. Certaines œuvres de l’artiste sont tirées parfois des roches argileuses et des matériaux de récupération.
Les séquences de Tiga s’enchaînent sur des maternités douloureuses et des apparitions / désapparitions cosmogoniques. Le visage archétypal projeté par Tiga avec des tensions rappelant parfois Alfred Hichtcok, se rapporte à l’énergie faciale : prométhéenne, faustienne, erzulienne, sphinxiale, séraphique …
Le souffle du fondateur du mouvement d’art Saint Soleil ré-instrumentalise l’énergie collective haïtienne : « J’ai appris mon art à l’école de mon peuple ».
Le déploiement des femmes chez ce créateur – présentées quelquefois sous forme de triardes ou d’attroupement de beautés angéliques, ressemble à une chorégraphie fixée sur la toile (en couleurs et en mouvements). Cette danse visualisante se révèle aux mouvements de la rétine ou à la prégnance des regards.
Erotiques, quelques visages naviguent entre la conquête de « l’irrationnel » et la libre expression des formes et des couleurs. Les visages peints par l’artiste sont aussi semi- clos ou plutôt perpendiculaires à la prise de vue du regardeur ou de la regardeuse. Il s’agit de profils, à la fois inaccessibles et pathétiques.
De face ou de profil, les « têtes » fertilisées par Tiga engendrent une atmosphère cartharsique peut-êre. La pertinence d’une telle expression plastique se réclame du sacré réinvesti et d’un formel ni béat, ni forcé. L’univers de ce créateur se métamorphose dans la « joyeuse et éprouvante traversée » des sens où Haïti est selon lui : « rêve, création, possession et folie ».
Jean Claude Garoute ( Tiga ), né à Port-Au-Prince, le 9 décembre 1935, est fortement attaché à l’exploration du patrimoine originel de la Caraïbe. [db gp apr 09/10/2007 21:30]