Par Wooldy Edson Louidor
Santo Domingo, 30 sept. 07 [AlterPresse] --- « Nous les Haïtiens, nous travaillons comme chauffeurs de taxi dans tous les coins de Santo Domingo », déclare Manès, dans une entrevue accordée à l’agence en ligne AlterPresse.
Depuis à peu près 10 ans, ce migrant, originaire de Port-au-Prince, s’est affilié à l’association de propriétaires et de chauffeurs de taxis de l’Avenue 27 Février (en espagnol, Asociación de propietarios de Conchos de la Avenida Veintisiete de Febrero –ASOPROCAVEFE-), un groupe de « conchos » -nom donné aux taxis collectifs- qui assure le service de transport en commun dans cette principale artère de la Capitale dominicaine.
Dans l’exercice de son métier, le chauffeur haïtien affirmé n’avoir jamais eu de problèmes avec les membres de cette association dominicaine ni avec les passagers, de quelque nationalité qu’ils/elles soient. Il se dit, au contraire, satisfait de la franche collaboration que ses collègues dominicains lui ont toujours fait montre.
Ayant vécu pendant plus de 17 ans dans le pays voisin, ce migrant fait remarquer que les Haïtiens s’intègrent mieux de jour en jour dans la société dominicaine, en dépit de certains problèmes auxquels sont souvent confrontés ceux et celles qui n’ont pas de papiers.
« De plus en plus de migrants haïtiens ne restent pas cloués aux bateys, comme par le passé ; au contraire, ils vont dans les grandes villes, non seulement en quête de meilleures opportunités de travail, mais aussi pour ouvrir leurs horizons et se faire une place dans la société dominicaine en apprenant l’espagnol et en cherchant à avoir leurs papiers », souligne-t-il.
Manès a lui aussi vécu la situation de migrant irrégulier en République Dominicaine. Il était chauffeur de tap-tap à Port-au-Prince et gagnait dignement sa vie. Cependant, un de ses passagers, qui organisait des voyages clandestins en République Dominicaine, lui a donné l’idée de se rendre dans le pays voisin, où il y aurait « de meilleures opportunités de travail ». Le trafiquant l’a « aidé » à traverser la frontière et l’a conduit à Santo Domingo où il a du travailler dans les pires conditions dans une fabrique d’allumettes.
Cependant, après 7 ans de démarches auprès des autorités migratoires et avec l’aide de quelques amis dominicains, il a pu obtenir sa résidence dominicaine. Postérieurement, il a renoncé à ce travail qui, quoique « très rude et mal payé », lui a permis d’économiser un peu d’argent afin de s’acheter une voiture et travailler de façon indépendante comme chauffeur de « concho ».
En dépit de la possibilité que lui offre son travail actuel de répondre aux besoins de sa famille et même d’envoyer de l’argent à ses parents en Haïti, Manès projette d’abandonner sa terre d’accueil où il s’est marié et a eu 5 enfants.
Son plus grand rêve, c’est de s’acheter une camionnette et de construire une maison à Port-au-Prince afin de s’y établir avec sa famille et reprendre son volant de tap-tap, confie-t-il à AlterPresse, dans un large un sourire.
Il estime qu’il marche à grands pas vers la réalisation de son rêve puisqu’il a déjà acheté un lopin de terre en Plaine (périphérie nord de Port-au-Prince) et a économisé un peu d’argent de son gagne-pain quotidien.
« Chaque fois que j’entends des Dominicains proférer des propos discriminatoires et injurieux contre les compatriotes haïtiens, surtout contre ceux et celles qui n’ont pas de papiers, je sens beaucoup plus fort en moi ce désir de retourner dans mon pays », affirme-t-il, avec conviction. [wel gp apr 30/09/2007 14:00]